"La victoire du mouvement de résistance
islamique Hamas aux élections législatives
palestiniennes ne devrait pas provoquer une telle
panique dans les capitales occidentales. C’est
le fruit naturel de la poussée démocratique au
Moyen-Orient et l’échec des politiques et de
l’opacité des régimes arabes
pro-occidentaux."
Le respect de la démocratie exige
le respect du choix du peuple, quel que soit ce
choix. La victoire du Hamas sera naturellement un
test de la capacité du mouvement à diriger de façon
pragmatique face aux nombreux défis auxquels est
confronté le peuple palestinien.
La victoire du Hamas, cependant,
devrait ouvrir les yeux à beaucoup. Une victoire
si éclatante d’un mouvement idéologique
islamique est inquiétante pour les Arabes et les
musulmans, laïcs et libéraux, pour ne pas dire
les Arabes chrétiens. Si on peut analyser ces résultats
comme une victoire sans précédent de la démocratie,
il y a lieu de se soucier quand les dirigeants
politiques privilégient le droit divin sur les
droits du peuple. Les Palestiniens s’inquiètent
beaucoup à propos du programme du Hamas pour l’éducation
et le culturel, et même le social. Ils auront des
moments difficiles avec un gouvernement qui
essayera de repousser des acquis sociaux gagnés
par des femmes et des progressistes.
Il y a aussi motif à se soucier
avec la charte politique du Hamas, surtout sur sa
position à l’égard d’Israël. Le Hamas ne
pourra pas se voiler la face et ignorer les réalités
politiques du conflit israélo-palestinien.
Mais malgré ces problèmes, il
n’y a aucune raison pour se lancer dans la
paranoïa. Les dirigeants du Hamas ont déclaré
officiellement qu’ils n’avaient pas
l’intention d’imposer leur programme social
contre la volonté des Palestiniens. Ils ont également
exprimé leur bonne volonté de traiter avec Israël,
bien qu’ils n’aient pas encore accepté
clairement la demande d’Israël pour une
reconnaissance sans condition avant que les frontières
définitives d’Israël ne soit définies.
La participation du Hamas, comme
d’autres partis palestiniens et d’indépendants
dans le processus politique, est une énorme avancée
qui manquait à la politique palestinienne depuis
40 années. Le partage du pouvoir.
Maintenant que le Hamas a participé
et gagné, il est attendu pour qu’il apporte des
réponses à beaucoup de questions qu’ils ont
soulevées contre le gouvernement du Fatah. La
victoire du Hamas exprime probablement plus un
rejet du monopole détenu par le principal parti
de l’OLP qu’un soutien franc au mouvement
islamique. Avec cette victoire, ce qui est
important c’est de leur donner une chance équitable
pour gouverner, à une seule condition : ils
ne doivent pas changer les règles qui leur ont
permis d’accéder au pouvoir. Sans changement de
ces règles démocratiques, les Palestiniens
pourront décider si finalement ils décident de
les laisser au pouvoir ou pas.
La victoire du Hamas est aussi une
occasion importante pour tester les puissances
occidentales qui ont choisi les valeurs démocratiques
et ont l’intention de les instaurer dans ce que
George Bush appelle le Grand Moyen-Orient. Les USA
et l’Europe, comme Israël, qui ont prêché la
démocratie, sont mis au défi de répondre à une
question simple : leurs propres intérêts
l’emporteront-ils ou pas sur les valeurs et les
principes démocratiques ? Pour être juste,
il faut reconnaître que Mahmoud Abbas et les Américains
ont insisté pour que les dernières élections
aient lieu, en dépit du risque de voir le Hamas
gagner. Mais quand les dirigeants occidentaux et
israéliens déclaraient refuser de traiter avec
un gouvernement palestinien avec le Hamas, ou de
soutenir le peuple palestinien à travers un tel
gouvernement, ils ont probablement aidé à la
victoire électorale du Hamas plutôt que le
contraire.
L’électorat palestinien a agi
comme l’aurait fait n’importe quel autre
peuple en écartant le gouvernement dirigé par le
Fatah alors qu’il le blâmait pour sa
corruption, financière autant que politique,
qu’il lui reprochait de l’avoir amené à une
situation de misère pendant des années
d’occupation et de résistance.
Les puissances occidentales ne
devraient pas exagér en réagissant à ce
rebondissement de la vie politique palestinienne,
elles devraient plutôt s’en servir pour prouver
que leur propre engagement pour la démocratie et
pour les droits de l’homme est réel, indépendamment
des résultats. Plus vite l’Amérique et ses
alliés reconnaîtront le choix des Palestiniens,
plus vite les peuples du Moyen-Orient pourront les
écouter et écarter leurs régimes autoritaires.
Les vrais alliés de l’Amérique et de l’Europe
doivent être les peuples de la région et non pas
les régimes corrompus. En fin de compte, tel est
le défi de la démocratie.
Daoud Kuttab