Le Fatah paye, paradoxalement, à la fois
son usure et la remise en cause des vieux leaders, et son
renouvellement qui a conduit à une multiplication des
candidatures dissidentes. Dans un scénario idéal, le Hamas
était intégré dans le jeu politique par sa participation
pour la première fois à des élections législatives, mais
le Fatah, régénéré, demeurait majoritaire et pouvait
former un gouvernement qui soit un interlocuteur respecté
de la communauté internationale.
C’est au contraire l’un des scénarios
redouté qui s’impose. Le Hamas, vainqueur, va devoir
former un gouvernement, seul ou avec une coalition où il
sera majoritaire. Le gouvernement palestinien va donc être
dirigé par une organisation considérée comme terroriste
par la communauté internationale. Ce n’est pas le
meilleur moyen de progresser vers la paix.
Même si des contacts informels avaient été
établis tant avec les Israéliens et les Américains
qu’avec les Européens, le Hamas ne peut pas, dans les
circonstances actuelles, être considéré comme un
partenaire vers la paix dans la mesure où sa Charte
contient toujours la destruction de l’Etat d’Israël.
Certes on peut dire que le Hamas était en train d’opérer
sa mue politique, qu’il a proclamé une trêve des
attentats, et que, au cours de la campagne, il n’y a eu ni
violences, ni propos enflammés à l’encontre d’Israël.
Il n’en reste pas moins que ceux qui estiment qu’aucune
négociation n’est possible avec les Palestiniens vont être
renforcés.
Alors que la région connaissait une
accalmie, les nuages semblent de nouveau s’amonceler. Il y
a une petite fenêtre d’opportunités si le Hamas, une
fois parvenu au pouvoir, s’engage à reconnaître Israël
en échange d’un accord de paix véritable, bref, accélérer
sa mue politique pour devenir un partenaire international et
qu’il fasse en plus rapide le même chemin que l’OLP
avait effectué dans les années 80.
Finalement de Begin à Sharon, les leaders
de droite en Israël, réputés être hostiles aux arabes et
aux Palestiniens ont fait des gestes en leur direction. Le
Hamas a-t-il la volonté et la capacité de faire un tel
geste ? Il y aurait là non seulement un big bang électoral
mais un big bang stratégique, et une mauvaise
nouvelle se transformerait en bonne. Ce scénario est sans
doute très (trop ?) optimiste. Et on se retrouve avec une
question lancinante. Comment promouvoir la démocratie
lorsque l’environnement politique conduit à la prise du
pouvoir par des formations radicales ?
Pascal Boniface
Directeur de l’Institut de relations
internationales et stratégiques (IRIS), il a dirigé
l'ouvrage collectif « L'Année stratégique 2006 » qui
vient de paraître chez Dalloz.