Les élections à la Knesset sont programmées pour le 28 mars en
Israël. Le Quartette des médiateurs internationaux pour le règlement
proche-oriental (Russie, Etats-Unis, Union européenne et ONU) pense
qu'une fois que la campagne électorale israélienne aura été dépassée
(et le gouvernement palestinien entériné) la situation autour du
processus de paix dans cette région commencera à se décanter.
Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'elle évoluera en mieux.
Les experts arabes estiment que la fin de la campagne électorale en
Israël ne mènera pas à un règlement du problème palestinien,
quel que soit le verdict rendu par les urnes.
"Les trois partis caracolant en tête des sondages - Kadima,
Avoda et Likoud - n'entendent pas dialoguer avec un gouvernement
palestinien dirigé par le Hamas. Pour l'expert libanais en
politique israélienne, Hani Abdallah, l'expérience des dernières
années montre que quelles qu'aient été les forces au pouvoir en
Israël, de gauche comme de droite, et quels qu'aient été les
accords passés, aucune avancée réelle n'a été observée dans le
règlement de paix. Aussi le politologue estime-t-il que la question
de savoir qui remportera les élections israéliennes laisse les
Palestiniens totalement indifférents.
Saqr Abou Fakhr, commentateur vedette du quotidien libanais
Assafir et collaborateur de l'Association d'études palestiniennes
à Beyrouth, pense lui aussi que les résultats du scrutin du 28
mars en Israël n'auront aucune incidence sur la situation en
Palestine. Lui aussi souligne que les volets palestiniens des
programmes de ces trois partis sont très proches. "Les différences
sont insignifiantes, ce qui est essentiel c'est que tous les trois
militent pour que Jérusalem reste la capitale indivisible d'Israël
et que les grands blocs de colonies qui se trouvent dans les
territoires occupés soient situés à l'intérieur des frontières
de l'Etat hébreu", souligne le politologue en ajoutant que
puisque les élections ne changeront rien dans le règlement du
problème palestinien et que d'une manière générale elles ne présentent
pas d'intérêt particulier, la communauté arabe tend à les
ignorer. "Il fut un temps où les principaux pays arabes s'intéressaient
vivement à la question de savoir qui triompherait en Israël, qui détiendrait
la majorité à la Knesset. L'Organisation de libération de la
Palestine (OLP) tentait même d'influer sur les résultats des élections
en incitant les arabes israéliens à voter pour un parti ou un
autre. Mais maintenant le monde arabe a d'autres chats à fouetter:
il y a des problèmes en Irak, au Liban et en Syrie, dans le golfe
Persique. En ce qui concerne l'OLP, aujourd'hui elle est affaiblie.
Et puis la société palestinienne elle aussi est confrontée à de
multiples préoccupations, à une crise politique, à la détérioration
des conditions de vie", relève Saqr Abou Fakhr.
"Je n'espère pas une amélioration de la situation pour les
Palestiniens. A l'étape où nous en sommes, ils ont essuyé une défaite,
les Israéliens ont obtenu ce qu'ils voulaient", souligne le
politologue. Il estime que si Ehud Olmert, prétendant au poste de
premier ministre et leader du parti Kadima, réussissait à fixer
les frontières permanentes d'Israël d'ici à 2010, les
Palestiniens se retrouveraient dans une situation politique et économique
déplorable et ne pourraient plus créer leur Etat.
D'autres experts sont du même avis que Saqr Abou Fakhr. "Si
Sharon a écrasé l'intifada (la guerre des pierres), Ehud Olmert,
lui, a pour ambition de réduire à néant tout projet national
palestinien, même si cela devait pousser tous les Palestiniens dans
les bras d'Al-Qaïda", écrit le quotidien panarabe Al-Hayat.
D'ailleurs, les autres partis israéliens ne sont pas plus préférables
pour les Palestiniens. Seule la position du Likoud consistant à
geler la situation pendant une période indéterminée pourrait être
une alternative au plan d'Olmert concernant les frontières
permanentes d'Israël.
De l'avis de Hani Abdallah, la voie choisie par les Israéliens dépendra
dans une grande mesure de la position qu'adoptera la communauté
internationale, Washington en premier lieu. Car pour déterminer les
frontières, il faut encore obtenir leur reconnaissance par les
autres Etats. Des négociations peuvent aussi s'engager avec
l'administration palestinienne, mais à l'heure qu'il est on voit
mal comment elles pourraient donner des résultats après la
victoire du Hamas aux législatives et la crise politique au sein de
l'OLP.
Pour ce qui est de la position de la communauté internationale,
le Quartette est en principe opposé aux démarches unilatérales
quelles qu'elles soient, israéliennes ou palestiniennes. Le plan du
premier ministre Ariel Sharon de retrait de la bande de Gaza et,
partiellement, de la Cisjordanie, avait dans un premier temps été
accueilli sans enthousiasme. Cependant, entre le moment où il avait
été annoncé et le début de sa réalisation, la situation avait
évolué. Tout d'abord, Mahmoud Abbas avait accédé à la tête de
l'OLP après la disparition de Yasser Arafat en novembre 2005 et les
Israéliens étaient disposés à entamer le dialogue avec lui.
Finalement les aspects techniques de l'évacuation des colonies et
de la remise des territoires avaient été réglés avec les
Palestiniens. Ce qui avait permis aux membres du Quartette de dire
que l'initiative d'Ariel Sharon était un élément de la Feuille de
route prévoyant, entre autres, la libération des territoires occupés.
Théoriquement le même scénario pourrait se reproduire avec le
plan de Ehud Olmert, surtout que sa réalisation est échelonnée
jusqu'à 2010. Cependant, on imagine mal la communauté
internationale reconnaître des frontières israéliennes qui
auraient été proclamées unilatéralement. D'autre part, une
entente avec les Palestiniens serait hypothétique sur la base des
proposition d'Ehud Olmert.
Tout bien considéré, il serait prématuré de parler de la réalisation
du plan Olmert. Le parti Kadima doit encore remporter les élections
et prouver sa viabilité. Pour Hani Abdallah, si une question
sensible ayant trait au problème palestinien apparaissait à
l'ordre du jour israélien, Kadima ne pourrait plus miser sur
l'appui des autres partis et risquerait même de se délabrer de
l'intérieur, comme cela s'est produit avec le Likoud.
Souvenons-nous que la scission de ce parti avait été provoquée
par l'évacuation des colonies ordonnée par Ariel Sharon.
Finalement ce dernier avait été appuyé par les autres formations
politiques, mais une fraction de son parti ne l'avait pas suivi. A
la fin de l'année 2005, Ariel Sharon avait quitté le Likoud et
fondé le parti Kadima dirigé par Ehud Olmert depuis que la maladie
a écarté Ariel Sharon de la scène politique.
Par conséquent la situation dans la région est très confuse.
La seule chose qui paraît évidente, c'est que les Palestiniens
n'ont rien de bon à attendre dans la période à venir. Ce qui est
attristant aussi pour l'ensemble de la région. Parce que la
question palestinienne est à l'origine de nombreux problèmes
proche-orientaux.
* Marianna Belenkaïa, commentatrice politique de
RIA Novosti
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