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Ségolène Royal
Bienvenue,
Madame Royal
Claude Sitbon *
[la campagne électorale en
France a fait un détour par le Proche-Orient. Sans entrer dans la
polémique, il n'est pas inintéressant de lire cette adresse à Ségolène
Royal, parue dans le Ha'aretz d'aujourd'hui, alors que
celle-ci se trouve en Israël]
http://www.haaretz.com/hasen/spages/795805.html
Ha'aretz, 4 décembre 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
En d'autres temps, le maire légendaire de Jérusalem, Teddy
Kolleck, vous aurait accueillie à l'entrée de la ville avec du
pain et du sel, signe traditionnel de l'hospitalité. En tant
qu'ancien conseiller de Teddy Kolleck, je vous adresse par la présente
ces gages de bienvenue par la voie virtuelle, vous qui connaissez
bien Internet, comme votre belle campagne pour la candidature du
Parti socialiste l'a montré.
L'auteur de ces lignes se situe à gauche de l'échiquier
politique israélien, francophone fier et enthousiaste, mais
francophile par intermittences. J'ai suivi votre campagne avec intérêt
et attention, et j'en retiens en
particulier l'un de vos slogans qui trottent dans la tête
:"la politique doit changer". Tout à fait exact. La 5ème
République doit être secouée, et votre élection pourrait bien
donner un coup de fouet.
Mais la politique de la France au Moyen-Orient doit elle aussi
changer, en particulier à l'égard d'Israël. Une attitude juste
et équilibrée face aux problèmes complexes de notre région
pourrait rendre à la France l'influence historique considérable
qu'elle a eue, et qu'elle ne doit pas perdre. La paix et la
coexistence seraient les grands bénéficiaires d'un rôle
original que jouerait la France dans la région. A ces fins, la
France doit se fixer des objectifs précis et plus généreux à
l'égard de la paix au Moyen-Orient.
Le sort de toute politique qui mettrait sur le même plan les
dictatures et les régimes démocratiques du Moyen-Orient pourrait
ressembler à celui de la fameuse "politique arabe" de
la France, qui s'est trop souvent réduite à une position hostile
à Israël et à rien de plus. Il en saurait y avoir de tolérance
à l'égard des appels explicites à la destruction d'Israël par
les dirigeants du Hamas, du Hezbollah ou de l'Iran.
La route qui mène à la paix est pleine de nids-de-poule, avait
coutume de dire Pierre Mendès France, mais pour beaucoup d'Israéliens,
chère MadameRoyale, la paix demeure la seule solution possible.
La récente guerre du Liban nous a une fois de plus rappelé la leçon
apprise et enseignée très souvent par de grands militaires : il
y a des limites à l'usage de la force militaire. Toutefois, plus
de 15 mois après le retrait unilatéral de la bande de Gaza
effectué par Israël, on aurait pu s'attendre à davantage
d'activité palestinienne destinée à remettre en route le développement
économique de leur pays. Mais, comme l'a dit récemment le
colonel Jibril Rajoub dans une interview à la télévision
palestinienne : "Nous espérions que Gaza deviendrait
Singapour, mais, à notre grand regret, ce n'est que la
Somalie." Seule une volonté sincère et mutuelle de négocier
nous rapprochera du temps de la paix dont parle l'Ecclesiaste.
Un autre souhait, dont je parle depuis 20 ans : le moment n'est-il
pas venu pour la France d'encourager avec force l'entrée d'Israël
au sein de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF)
qui, en 2006, est la
seule instance internationale sérieuse qui boycotte encore Israël?
Vous savez probablement que l'une des règles en vigueur au sein
de l'OIF est que toutes ses résolutions soient votées à
l'unanimité, ce qui est
incompréhensible et anachronique. Le fait d'accorder à un seul
pays, le Liban le droit de veto qui empêche Israël pays qui
compte environ un million de francophones d'adhérer à l'OIF
est une décision décevante et à courte vue. Il est dommage que
cet état de choses ne perturbe pas ne serait-ce qu'un Etat
membre.
L'actuel président de la France a trop de fois soutenu un seul côté
du conflit plutôt que de comprendre, comme toute personne de
gauche, que la vraie distinction à faire n'est pas entre pro-israéliens
et pro-palestiniens, mais entre partisans et ennemis de la paix.
Je préfère quant à moi les mots de Flaubert : "Il y a une
division du travail entre Dieu et l'homme. Dieu est responsable du
début et de la fin. Nous sommes
responsables de ce qui se passe entre les deux."
* Claude Sitbon, écrivain et sociologue, est un proche de Yossi
Beilin.
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