Palestine - Solidarité

   


DOSSIER 
DROIT AU RETOUR

 


Droit au retour : le congrès de Nazareth (16-18 décembre 2005)

La lutte des réfugiés internes (1)


A l'occasion de la tenue du congrès pour le droit au retour, à Nazareth, organisé pour la deuxième fois à l'intérieur du pays,
 
le Centre d'Information sur la Résistance en Palestine présente une série de trois articles sur les réfugiés de l'intérieur, ou les déplacés internes, ceux qui vivent dans leur pays, mais qui ont été déplacés de leurs lieux d'origine. Catégorie à part du fait de leur présence à l'intérieur de l'Etat d'Israël, cet Etat colonial ayant refusé qu'ils soient considérés réfugiés et de ce fait, pris en charge par l'UNRWA, alors que le sort subi est semblable à tous les réfugiés : expulsion, dépossession, négation du droit au retour et aux compensations.
Deuxième congrès après celui de Haïfa, en mars 2004, ce congrès tient à affirmer le droit au retour à leurs villages et villes, à leurs maisons et terres de tous les Palestiniens expulsés en 48 et après, y compris ceux qui vivent à l'intérieur de l'Etat d'Israël. Ce congrès est aussi l'occasion d'amplifier la voix des associations des réfugiés de l'intérieur qui luttent depuis des décennies en se mobilisant, en organisant des marches du lieu de leur "exil" vers le lieu d'origine, en suscitant leur cause dans toutes les instances, locales, nationales et internationales.
 
1) Qui sont les réfugiés de l'intérieur, ou les déplacés internes ?
 
Dans son introduction au livre collectif "Catastrophe Remembered" (2005, ed. Zed Books, édité par Nur Masalha)(*) Nur Masalha écrit, en vue de classifier les déplacés internes palestiniens : "La classification et la définition des réfugiés internes/déplacés internes palestiniens, à l'intérieur de la ligne verte(**), doivent être comprises sur la base de trois entités politiques et trois périodes historiques différentes : la Palestine mandataire, l'Etat d'Israël et les territoires occupés en 1967. Distinguer entre "réfugiés" et "déplacés internes" est encore plus compliqué, d'abord à cause de l'absence de reconnaissance internationale des frontières entre Israël et la Palestine et ensuite, par le fait que le législateur israélien n'a pas reconnu le terme de réfugié (lâji', en arabe) pour les Arabes palestiniens à l'intérieur de l'Etat d'Israël. On peut toutefois distinguer quatre catégories de déplacés internes palestiniens à l'intérieur de la ligne verte, la première et la seconde catégories étant souvent désignés par les "présents absents".
1 - Les Déplacés internes palestiniens en 1948 : Il s'agit de la plus vaste des catégories des déplacés internes. Ils vivent à l'intérieur de l'Etat d'Israël. Ce sont les Palestiniens déplacés et dépossédés de leurs maisons et de leurs terres au cours ou immédiatement après la guerre de 1948.
2 - Les Déplacés internes palestiniens après 1948 : Un autre groupe, plus restreint, regroupe les Palestiniens vivant dans l'Etat d'Israël qui ont été déplacés après 1948 par le transfert interne et l'éviction, l'expropriation des terres et la destruction de leurs maisons. Une grande partie de cette catégorie est constituée des Bédouins palestiniens.
3 - Les Déplacés internes palestiniens de 1967 : Cette catégorie comprend les déplacés internes palestiniens qui furent déplacés au cours de la guerre de 1967, que ce soit en Cisjordanie, à Jérusalem Est ou dans la bande de Gaza, sans inclure ceux qui ont été appelés les réfugiés palestiniens de 1967 souvent appelés "les déplacés en 1967" car au temps de leur déplacement, la Cisjordanie était sous administration jordanienne, les réfugiés n'ayant pas "traversé une frontière internationale" pour trouver refuge en Jordanie.
4 - Les Déplacés internes palestiniens après 1967 : ce sont les Palestiniens déplacés à l'intérieur de la Cisjordanie, Jérusalem Est et la bande de Gaza, après 1967, par le biais des expropriations de terres, des démolitions de maisons, de la révocation des droits de résidence à Jérusalem et d'autres moyens de transfert interne incluant, plus récemment, les séparations forcées selon ds critères ethniques, religieuses et nationales. Ce groupe inclut un grand nombre de Bédouins palestiniens.
"Compliquant ces définitions, les Palestiniens déplacés internes de l'ouest vers l'est de Jérusalem, en 1948, sont considérés comme des réfugiés à cause de la création d'une "frontière", la ligne d'armistice de 1949, coupant la ville en deux.
 
Selon le centre Badil pour les droits des réfugiés palestiniens, situé à Bethléhem,  il y a approximativement 260.000 Palestiniens déplacés internes en 1948 (catégorie 1), représentant le quart de la population palestinienne à l'intérieur de la ligne verte.
Ce chiffre n'inclut pas les déplacés après 1948, les Bédouins palestiniens du Naqab déplacés après 1948 ni les Palestiniens citadins des villes comme Haïfa ou Akka, qui ont été autorisés à retourner à leur ville d'origine, sans toutefois pouvoir retrouver leurs maisons et leurs biens. S'il faut prendre en compte toutes ces catégories et d'autres encore de déplacés locaux, le nombre des déplacés internes à l'intérieur de l'Etat d'Israël se situerait entre 300.000 et 350.000 Palestiniens.
 
Dans les années 50, les déplacés internes palestiniens furent considérés, à l'intérieur de l'Etat d'Israël, comme des présents absents, avec l'application de la loi sioniste des Propriétés des Absents de 1950. Ils étaient présents physiquement mais absents légalement dans leurs relations avec leurs maisons et leurs terres d'origine. Cette appelation paradoxale signifie qu'ils vivent dans leur pays, mais l'Etat les a expropriés de leurs terres et maisons, faisant d'eux des exilés et des réfugiés dans leur propre pays. La plupart d'entre eux furent forcés de quitter leurs villages au cours de la guerre de 48-49 ; ils ont fermé leurs maisons, pris leurs clefs et les titres de propriété de leurs terres, tout en envisageant d'y retourner dès que l'armée d'occupation le leur permettrait.
 
Le déplacement des Palestiniens ne s'est pas achevé après la guerre de 1948. Les autorités sionistes ont continué à déplacer et à transférer les Palestiniens tout au long des années 50. Au même moment, les forces militaires israéliennes détruisaient la plupart des villages palestiniens dépeuplés, et déclaraient ces villages "zones militaires fermées" pour empêcher le retour des déplacés palestiniens à leurs villages. De plus, les autorités israéliennes ont planté des forêts dans ces villages dépeuplés pour cacher la présence palestinienne. Dans la plupart des cas, elles ont implanté des colonies sur les terres de ces villages, certaines prenant le nom même des villages palestiniens d'origine, comme par exemple, la colonie juive de Beit Dagan a pris la place et les terres du village palestinien de Bayt Dajan, le kibboutz Sa'sa' est bâti sur le village palestinien Sa'sa'. Le moshav Amka est implanté sur les terres du village palestinien 'Amqa, et le moshav Elonit (arbre en hébreu) sur les terres d'al-Shajara (arbre, en arabe).
Sur les 162 villages dépeuplés du nord de la Palestine, au cours de la guerre de 48, 44 villages représentent les lieux d'origine des déplacés internes palestiniens. Parmi ces 44 villages, 10 avaient une population de plus de 500 personnes, 17 étaient peuplés de 100 à 500 personnes, et 17 avaient moins de 100 personnes.
 
Avançant des prétextes de sécurité, l'armée d'occupation a continué, pendant les années 50 à expulser la population palestinienne des agglomérations arabes. Il s'agissait de briser toute continuité démographique palestinienne, en vue de faciliter la judaïsation de la Palestine, en y implantant des colonies, et notamment les fermes collectives (kibboutz), modèles de la colonisation de peuplement conçues par le sionisme comme vitrine de ses réalisations mensongères.
 
Bien que devenus citoyens israéliens en 1952, les déplacés internes n'ont pu réintégrer leurs villages ni leurs biens. Ils continuent à être, ainsi que leurs descendants, les présents absents. Ils sont systématiquement empêchés de retourner chez eux et de reprendre leurs biens, par une série de mesures et de lois adoptées par l'Etat, qui vise à assurer la domination d'une majorité juive sur le pays.
 
Les présents absents se sont retrouvés dans une situation unique. En dépit de leurs liens historique, géographique, culturel et national avec le peuple palestinien, ils sont des réfugiés à l'intérieur de leur propre pays, tout en partageant le sort des Palestiniens à l'intérieur de l'Etat d'Israël. Ils portent la citoyenneté israélienne, ce qui les distingue de l'ensemble des autres réfugiés palestiniens, mais ils n'ont pu être considérés réfugiés par les programmes de l'ONU ni aidés à ce titre. Les opérations de l'UNRWA dans l'Etat d'Israël furent stoppés en 1952. Ils forment une catégorie distincte parmi les Palestiniens de l'Etat d'Israël. En majorité musulmans (environ 90%), les autres réfugiés internes sont chrétiens. Ils se distinguent des réfugiés "externes" par le fait qu'ils sont originaires exclusivement des zones rurales alors que les réfugiés "externes" étaient à la fois des ruraux et des citadins.
 
La majorité des déplacés internes sont originaires et vivent actuellement dans la région nord, les provinces de Safad, Akka, Haïfa, Baysan et Tabaraya de la Palestine mandataire. Bien que certains déplacés internes vivent dans des villes comme Nazareth ou Shefa'Amr, ou dans les "villes mixtes" comme Haïfa, Akka, Lid, Ramleh et Yafa, la majeure partie des déplacés internes vit dans les villages palestiniens proches de leurs villages d'origine.
Selon l'étude menée par le sociologue palestinien, Majid al-Haj en 1994, dans les villages hôtes de Galilée, plus de la moitié des Déplacés internes interviewés ont affirmé s'être installés dans leur village actuel après avoir été déplacés dans d'autres villages auparavant. Seul le tiers des Déplacés internes a été directement déplacé du village d'origine au village ou ville hôte. Les autorités israéliennes ont non seulement joué un rôle majeur dans les déplacements, mais également dans les mouvements de ces Déplacés en direction des villages hôtes. Elles avaient en vue les plans de repeuplement et d'annexion des terres. C'est selon un schéma préétabli que les autorités sionistes ont procédé au transfert et à l'installation des habitants des villages de Iqrit, Kfar Bir'im, al-Ghabisiyya, Krad al-Baqqara et Krad al-Ghannama, entre 1948 et 1950. Une partie des villageois fut expulsée vers le Liban et la Syrie. D'autres furent transférés dans d'autres localités en Galilée.
 
Dans quelques cas, les autorités sionistes ont "aidé" les Déplacés internes à se loger dans des villages ou des maisons, mais les déplacés devaient en contrepartie, céder leurs propres droits sur leurs terres et propriétés dans leurs village d'origine, aux autorités de l'occupation. Les terres sur lesquelles furent construites ces maisons pour loger les déplacés internes furent confisquées aux villageois palestiniens des villages hôtes. Avec une telle pratique, les autorités sionistes semaient la discorde entre les déplacés internes et les villageois hôtes.
 
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Dans la suite :
 
2) Les déplacés internes du Naqab et les villages non-reconnus
3) La lutte des déplacés internes pour le retour et la défense de leurs droits
 
(*) Catastrophe Remembered, edited by Nur Masalha, Zed Books, London and New York. Nous nous sommes particulièrement appuyés sur les articles de Nur Masalha, Nihad Boqa'i, Isma'el Abu Sa'ad, pour la rédaction de ces articles.
(**) ligne verte : la ligne d'armistice fixée en 1949, séparant l'Etat d'Israël fondé sur les parties occupées de la Palestine en 1948 des autres terres palestiniennes en Cisjordanie.

Centre d'Information sur la Résistance en Palestine

 


 Source : Cirepal


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