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DOSSIER 
DROIT AU RETOUR

 


Sionisme : transfert et apartheid (5)
par dr. Mahmud Muharib


Cette étude vise à suivre et analyser les positions des dirigeants et penseurs du mouvement sioniste, depuis Herzl jusqu'à Sharon, à propos de ce qu'ils nomment "le problème démographique".
 
Autonomie et "résolution du problème démographique"
Dans une tentative de surmonter le "problème démographique" et résoudre la contradiction à laquelle il doit faire face, représentée par d'une part l'extension, l'annexion et l'imposition d'une souveraineté juive et de l'autre, la crainte d'une densité de population palestinienne, le Likoud a adopté des programmes d'autonomie, proposés par Menahim Begin, élève de Jabotinsky. En 1977, ce dernier propose aux Palestiniens, dans les territoires occupés (en 67) une administration autonome, pour les habitants seulement, avec le maintien de la souveraineté juive sur la terre. Dans cette perspective, le Likoud et ses alliés, les petits partis, ont construit des colonies à partir de 1977, dans les régions palestiniennes surpeuplées, afin de créer, progressivement, de nouvelles réalités sur le terrain en vue de modifier l'équilibre démographique dans ces régions, au profit des Juifs pour finalement les annexer et, d'autre part, pour mettre des bâtons dans les roues au programme du parti travailliste disposé à se passer de ces territoires surpeuplés au profit du royaume de Jordanie, s'il revenait au pouvoir.
 
Opinions des théoriciens sionistes
Au moment où le conflit entre les partis israéliens sionistes se déroulait pôur savoir quels seraient les meilleurs moyens pour résoudre l'impasse dans laquelle se trouve Israël depuis plus de 20 ans, un conflit parallèle se déroulait entre les penseurs, écrivains et experts israéliens, sur le même sujet. Au cours des décennies de l'occupation et à cause de cette impasse, des centaines d'articles, d'études et de livres israéliens furent écrits pour traiter ce problème, de tous les côtés, livrant à la pensée sioniste des courants et des propositions très graves, qui rappellent les solutions finales proposées et exécutées par les nazis envers les juifs eux-mêmes, lors de la propagation de l'antisémitisme en Europe. Tout comme la simple présence des Juifs dans les sociétés européennes était considérée comme un problème pour les groupes et forces antisémites en Europe, la simple présence de l'Arabe palestinien dans sa patrie, quelles que soient ses opinions politiques ou sociales, quelles que soient ses activités, ou son âge, qu'il soit enfant ou vieillard, homme ou femme, calme ou résistant, pauvre ou riche, est considérée par les penseurs et les experts israéliens comme un grave problème menaçant Israël, et ils appelaient à s'en débarrasser.
Ils divergent cependant sur la manière de se débarrasser de ce "problème". On peut les distinguer en deux groupes principaux, le premier appelant au retrait, ou "la fuite", de larges parties des régions palestiniennes occupées en 1967 et le second appelant à garder ces régions occupées et chasser les Palestiniens, ou la majorité, vers l'extérieur.
A cause de la faiblesse arabe, tout penseur israélien, qui mettait en garde contre la possibilité de victoire d'une force arabe, dans l'avenir, à cause des potentialités et des possibilités des peuples arabes, était ridiculisé. Ce qui donna un élan à la pensée sioniste appelant à chasser les Palestiniens, ou la majorité d'entre eux, qui devint vite une pensée largement acceptée dans les milieux israéliens, préparant ainsi l'opinion à l'idée d'annexion. En fait, s'il y avait eu réellement un "mur de fer" arabe, ces discussions qui se déroulaient en Israël auraient pu être prises pour tout simplement un luxe intellectuel, et n'aurait même pas germé l'idée d'expulsion. Mais étant donné que la situation était complètement à l'opposé, le courant sioniste appelant à l'annexion considéra la présence palestinienne dans les territoires occupés comme l'entrave presque unique à l'annexion des territoires et à la fondation du "royaume d'Israël", sur la "terre occidentale d'Israël". Il se mit à exercer de fortes pressions en faveur de l'expulsion, occupant de plus en plus de place dans la société et les partis israéliens. Suite à la guerre de 67, les plus extrémistes des dirigeants sionistes, des penseurs et des experts se mirent à l'oeuvre pour résoudre ce "problème", et proposèrent des solutions qui semblaient simples, appelant au refus de se retirer de tout territoire palestinien occupé, de faire en sorte de se débarrasser des Palestiniens et les expulser. Ils ont publié leurs idées et leurs programmes dans les journaux et les revues israéliennes paraissant en hébreu, qui, à leur tour, ont rejoint ce climat délirant et arrogant, ayant dominé Israël après la guerre de juin 67.
 
Il n'est pas nécessaire de reprendre toutes les opinions exprimées à ce propos, réclamant l'annexion des territoires occupés. Nous nous contenterons d'en citer quelques unes, qui ont poursuivi, plus que d'autres, leurs campagnes. Parmi les auteurs les plus connus figurent Moshe Shamir, Yoval Naeman, Tsivi Shilwah, Eliazar Livne, Nathan Alterman, le rabbin Tsivi Yehuda Cook, Eliahu Amikam, Yehuda Don, Aharon Amir, Ishak Tabenkin, Azaria Alon, Rahel Siporai, Moshe Tabenkin, Zeev Weisel, Meir Barayli, Israel Dad, Ifraim bin Haiim, Aharon ben Ami, Abraham Hiller et d'autres.
 
Tsivi Shilwah, considéré d'habitude comme "expert" dans les affaires arabes, probablement parce qu'il a occupé le poste de gouverneur militaire de la Galilée après la création de l'Etat d'Israël, a réclamé dans une dizaine d'articles et d'"études" d'annexer les régions palestiniennes occupées et de chasser les Palestiniens. Dans un article écrit quelques mois après l'occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, Shilwah a mis en garde contre l'existence de "régions libérées" avec des centaines de milliers d'Arabes, car "la présence de ces habitants à l'intérieur des frontières d'Israël est une bombe à retardement au coeur même de l'Etat" et leur maintien dans ces régions expose Israêl à des dangers et représente un danger sur son caractère "national juif". Il conclut que "la seule solution est d'organiser leur expulsion et leur installation dans les pays arabes où il y a beaucoup d'eau et de terres, comme en Syrie et en Irak" (Davar, 2/7/67).
L'idée d'expulsion des Palestiniens, et notamment des réfugiés, s'ancra dans les esprits, et notamment dans celui du savant atomique Yoval Naeman, qui fut l'un des dirigeants du mouvement Hatihya. Il n'a cessé de réclamer l'application de cette proposition.
Poursuivant les discussions de plus en plus exacerbées pour résoudre cette "impasse", entre le courant réclamant une solution régionale moyenne et un retrait des régions surpeuplées et entre le courant réclamant l'annexion des régions palestiniennes occupées, les idéologues appartenant au deuxième courant menaient des études sur la question démographique et son importance, présentant des solutions dans le cadre des intérêts sionistes expansionnistes.
 A ce propos, Abraham Hiller publia en 1970 un chapitre de son livre "A qui appartiennent les droits sur ce pays", sous le titre "le démon démographique", dans la revue Haoma, qui devint après 1967 la tribune des adeptes de l'annexion et de l'expulsion, où il minimisait l'importance du "danger démographique". Il commença son étude par répondre à ceux qui avançaient le slogan de "la paix en contrepartie de la terre", et qui s'appuyaient sur l'idée du danger démographique pour diffuser leurs propositions. Il demande : "Est-ce que notre situation démographique était meilleure à l'époque du mandat ? lorsque nous étions entre 60 et 80 milles, et que nous formions 10% de l'ensemble de la population du pays ? Surtout que l'émigration juive était, à cette époque, contenue et limitée par les intentions de l'administration britannique". Il ajoute, disant : "Si la direction du yishouv et du mouvent sioniste avaient fait des calculs démographiques en 1947, aurait-il été possible d'accepter la décision de partition et la création de l'Etat juif au moment où le nombre des Arabes dans la région consacrée à l'Etat juif était plus de 40 % ? S'ils avaient proposé, à cette époque, d'étendre nos frontières avec des régions habitées par des Arabes, n'aurions-nous pas accepté avec enthousiasme ?" avant de dire : "le peuple et sa direction ont pris à cette époque la décision de fonder l'Etat avec un grand enthousiasme, car ils ont cru dans l'idéologie sioniste, par la volonté de salut représentée par l'immigration et le regroupement de la diaspora, et leurs espérances n'ont pas été trahies" (Hiller, l'ombre démographique, Haoma, 1970).
Alors qu'il a totalement ignoré l'expulsion des Palestiniens, à la veille, au cours et après la création de l'Etat d'Israël, par la direction sioniste, qu'il a par ailleurs beaucoup louée, pour se débarrasser du danger de voir cet Etat devenir un Etat bi-national, Hiller a pris soin de noter le rôle de l'immigration juive en Israël, après sa fondation, qui se monte à des centaines de milliers d'immigrants, pour faire face au danger démographique. Il en conclut que l'immigration juive, et notamment celle d'Union soviétique dont il s'attend à l'augmentation, va jouer un rôle essentiel pour résoudre le problème démographique auquel fait face Israël du fait de son occupation de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. Puis il poursuit pour aborder la question de la différence de l'accroissement naturel des Arabes et des Juifs, la considérant "très inquiétante". L'accroissement naturel des Arabes atteint trois fois celui des Juifs israéliens, dit-il, et Hiller commente qu'il ne s'agit pas d'une "loi fixe", s'attendant à ce que cet accroissement diminue du fait des conditions économiques et sociales, et indiquant que l'émigration arabe de la Cisjordanie et de la bande de Gaza limitera cet accroissement, et par conséquent, améliorera l'équilibre démographique au profit des Juifs. Il a, de plus, compté sur la poursuite de l'émigration arabe vers l'extérieur.
 
Le parti travailliste empêtré dans ses contradictions et ses solutions extrêmes
Au moment où les adeptes de l'annexion et de l'expulsion poursuivaient la propagation de leurs idées, les faisant adopter par le public israélien sans ambiguité ni équivoque, s'appuyant sur la force israélienne, les dirigeants du parti travailliste furent atteints de désarroi, de confusion et d'extrémisme à la fois. La tendance à l'expansion et l'appétit de l'annexion, ainsi que les tentatives de se débarrasser des Palestiniens les ont attirés, dans la plupart des cas, loin de leurs programmes politiques officiels et proclamés, qui réclamaient une solution régionale moyenne. Au début de 1973, Ishak Rabin déclarait que "la question des réfugiés dans la bande de Gaza ne doit pas être résolue dans la bande, ou dans al-Arish (le Sinaï), mais dans la Transjordanie". Il a ajouté qu'il essayait de se débarrasser des réfugiés palestiniens vivant en Cisjordanie et agissait pour transférer la population arabe, non par l'utilisation de la force, mais en assurant les conditions permettant un déplacement de population naturel vers la Transjordanie au cours des dix ou vingt années prochaines" (Maariv, 16/ 2/73).
 
Traduction : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine

 


 Source : Cirepal


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