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INTERVENTION DE FERIEL BERRAIES GUIGNY
CRIMINOLOGUE ET DOCTORANTE A PARIS II

Survivre à l'horreur : les enfants de l'après Génocide au Rwanda

Atelier de Recherche de Laura Lee Downs : les enfants et la guerre au XXes

28 avril 2004

 

ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES DE PARIS

Bibliographie

Sous la Coordination de Doray B ; Ouvry O ; Weil- Halpern F ; Douville O ; Falque O ; Gutton P : Adolescences en guerre. Revue Semestrielle de psychanalyse, psychopathologie et Sciences Humaines. Editions Greupp
Keilson H, 1998. Enfants victimes de la guerre. Editions PUF. Monographies de la psychiatrie de l’enfant.
Godard M O, 2003. Rêves et Traumatismes. Collection des travaux et des jours. Editions Eres
Waintrater R ; 2003. Sortir du Génocide. Editions Payot
Maujawayo E ; Belhaddad S.2000 Sur Vivantes. Editions de l’Aube
Hatzfeld J ; 2000. Dans le nu de la vie. Récits des marais rwandais, Editions du Seuil
Hatzfeld J ; 2003. Une saison des machettes. Récits. Editions du Seuil
De Saint Exupéry F ; 2004 ; L’inavouable, la France au Rwanda. Editions des Arénes
Houballah O M ; 2003. L’enfant soldat. Editions Odile Jacob
Houballah A ; 1998. Destin du Traumatisme. Hachette Littératures
Dhotel G, les enfants dans la guerre. Les essentiels de Milan
Bertrand M ; 1997. Les enfants dans la guerre et les violences civiles. Espaces théoriques. Editions de l’Harmattan
Sadlier K, 2001. L’Etat de stress post traumatique chez l’enfant. Collection Médecube et Société. Editions PUF

Introduction :

Les affrontements sanguinaires de notre époque contemporaine, ont introduit de nouvelles compréhensions, de nouvelles dynamiques qui divergent des préoccupations du temps de la seconde guerre mondiale. Hier il était question de tenter de sauver moralement l’enfance, aujourd’hui il s’agit aussi, de faire face à sa dangerosité sociale. Une dangerosité sociale, qui paradoxalement, est aussi une nouvelle forme de victimisation.
Beaucoup de terrains de violence chronique et sociopolitique, incluent de plus en plus la participation enfantine: en tant que témoin, acteur/réacteur ou offenseur. Et ainsi, à l’ancienne préoccupation du devenir psychique à long terme, des enfants victimes et témoins de la violence, s’ajoute le problème des enfants, qui choisissent de gré ou de force de participer à celle ci. Phénomène nouveau, mais dont l’ampleur gagne de plus en plus de terrain.

Peu de littérature scientifique a véritablement et sérieusement abordé l’impact « criminogéne » du terrain de guerre sur les enfants. A l’inverse, il existe depuis ces dernières années, toute une littérature scientifique avertie sur les conséquences cliniques des traumas de guerre.

Quand on a connu le chaos et l’anarchie des valeurs de la guerre, est il possible de revenir à la compréhension et au respect des lois ? L’enfance de guerre peut elle se réintégrer dans le tissu social en temps de paix ? Dans un contexte de violence chronique, l’enfant peut il acquérir un comportement moral et prosocial ? Comment inculquer une culture de la paix à des enfants délinquants de guerre ?

Si pour beaucoup de cliniciens la guerre change l’enfant dans tout son être, le « terrain » de guerre peut suffire également à le « déformer » irrémédiablement.

Dans les guerres « d’indépendances » où la notion de « juste cause » était intégrée à la communauté et dans la conscience populaire, l’enfant était conditionné de façon à devenir un combattant précoce et cruel. Son rapport à la loi et son intégrité psychique restait, paradoxalement « intactes ».

Aujourd’hui, les divers scénario de guerre tendent a changer cette donne, car bien des Communautés devenues anomiques, vont favoriser une véritable « dérégularisation et désocialisation » de l’enfant. Afin de mieux le manipuler.

Très peu d’études longitudinales ont été faites sur la portée « criminogènes » des situations de violence, répression et situations de terreurs chroniques. Il est difficile par conséquent, de suivre l’enfant à mesure qu’il grandit. La seule certitude que l’on ait pour l’instant, c’est que la guerre provoque des ravages considérables au niveau du psychisme.

Le Rwanda, terrain de violence et d’atrocité, qui ont été vécues par les enfants, résume cette ambivalence de l’enfant victime qui est aussi bourreau.

Il faut rappeler par ailleurs que ce pays, fut déchiré par des conflits ethniques à plusieurs reprises dans son histoire pré et post coloniale. Aujourd’hui en pleine reconstruction douloureuse, il se retrouve avec une société scindée en deux.
Il y aurait « d’un côté, les bons et de l’autre, les mauvais ». Une dichotomie qui peut paraître simpliste, mais qui est aussi la résultante d’années de conflits fratricides et ethniques et des horreurs indescriptibles auxquels, un nombre incroyable d’enfants ont été exposés.

Pour ces enfants, il n’y a pas de remède miracle :

1 Soit ils dépassent leurs conflits psychiques, pour évoluer dans la société normalement
2. Soit ils sombrent dans le désespoir et évolueront alors dans la marginalité et la déviance.

Des les guerres anciennes aux guerres contemporaines, cinq catégories importantes de conditions d'enfants sont apparues : les enfants-victimes, les enfants déplacés,, les enfants réfugiés, les enfants soldats et les enfants ex-combattants. Nous avons choisi dans cette intervention, de se rappeler de l’horreur du génocide Rwanda, en hommage à ceux qui sont partis, et pour mieux rappeler également que ceux qui sont restés ont tout autant le droit d’exister.

Le Rwanda, quatorze ans plus tard une survivante se rappelle…

Au cours de la violence qui s’est produite il y a quatorze ans, des centaines de milliers d’enfants ont été tués et mutilés, physiquement et psychologiquement. Des centaines de milliers d’enfants ont été faits orphelins et beaucoup d’entre eux ne comptent que sur eux mêmes pour survivre. Dans tout le pays, des familles ont accueilli des enfants dans le besoin mais vivant elles-mêmes dans la pauvreté, elles n’ont pas toujours respecté les droits de ces enfants en situation de placement familial.
Le génocide de 1994, a créé toute une catégorie sociale vulnérable, des enfants qui font face à de nombreux risques et qui continuent de payer encore aujourd’hui, les massacres de 1994.
Reconstruire les liens avec le passé et l’histoire identitaire perdue, reste un des nombreux défis pour ce peuple meurtri. C’est aussi un des plus important appel à la communauté locale, car pour s’en sortir «Il faut reconstruire le lien à travers l’histoire, mais également à travers soi même »…
Cet appel au lien, on le retrouve, avec le roman d’ Esther Mujawayo, qui lors d’un séjour parisien, est intervenue dans la journée de réflexion « Transmissions et génocides » de l’université Jules Vernes de Picardie. ( 2004) Par son témoignage poignant de vérité et de courage, tiré de son récit, Sur Vivantes ( Mujawayo, E, Belhaddad, S.,2004), elle raconte comment elle en est venue à écrire l’histoire de son pays. Tout un travail de reconstruction par le récit, une histoire personnelle( rescapée du génocide, à l’instar de son mari et de sa famille, décimés par la folie meurtrière d’avril 1994), afin de la transmettre aux générations futures.
Ce besoin de dire la douleur des choses pour «vivre et non plus survivre » est un appel à la paix de l’âme mais également de l’identité. Pour toutes les générations à venir, écrire représente le refus de l’anéantissement », car si «l’on n’écrit plus, alors le génocidaire aura vaincu»…
 «…Les enfants doivent savoir, comment c’était avant… ça » ; ce ça qui exprime l’indicible du génocide. « Ecrire aussi pour tous ceux qui sont partis » ;
Car Esther par ces mots , rappelle qu’elle ne doit sa seule survivance, que parce que les autres sont morts à sa place. ««Ecrire l’histoire d’un drame, pour balayer l’anonymat des crânes et des cendres.
Le Rwanda une société orale, a du se forcer à écrire, car les mots, comme les paroles finissent un jour, par s’en aller.

Esther, s’est regroupée avec d’autres veuves du génocide et a créé l’Association AVEGA, pour combler ce vide terrible, ce vide qu’on ne peut oublier.
Parce qu’elle n’est plus « la mère de quelqu’un, la femme de quelqu’un, la sœur de quelqu’un »… elle se doit de reconstruire le lien détruit.

Valérie Haas, Maître de conférence en Psychologie Sociale à l’Université de Picardie Jules Verne, rappelle pourtant la relative indifférence des médias français, suite au dixième anniversaire du génocide tutsi, en 2004. Les plus importants quotidiens nationaux (Libération, le Monde, le Figaro, l’Humanité et la Croix) pendant un mois, avant et après l’anniversaire des dix ans du génocide., auraient fait preuve d’une banalité sémantique, reflétant la relative indifférence par rapport à un génocide oublié.
Clientélisme et presse partisane abondante, contre l’existence d’articles qui abordent le fond du problème.

Alors si les médias se sont détournés de l’après génocide, qu’en est il des fictions littéraires ?

Le Génocide au Rwanda à travers le récit de Jean Hatzfeld

Deux récits littéraires enquêtant sur le terrain ont été écrits par jean Hatzfeld ; Ce dernier a mis en mots, l’indicible du génocide de 1994 (: Hatzfeld, J., (2000, 2003) Au cours d’un long séjour dans une Bourgade du Rwanda (Nyamata), l’écrivain journaliste français, raconte l’histoire du génocide Tutsi. Le vécu terrible des rescapés( tutsis) du génocide, dans un premier ouvrage, pour finir par expliquer .les motivations des « tueurs » les interahamwe ( hutus).

Un récit qui par des passages terribles, expliquent la logique d’extermination mise en place.
Le passage à l’Acte dans le cas précis d’un génocide est très complexe, il dépasse toute tentative de mise en sens, pourtant certains des «bourreaux » ont accepté de parler du rôle qu’ils ont joué dans les massacres. Ceux qui ont accepté d’en parler tentent à leur manière de nous faire comprendre, peut être une certaine logique de la folie meurtrière ;

Hatzfeld avait recueilli les Témoignages d’un groupe d’amis «Génocidaires » retenus dans un établissement pénitencier prés de Nyamata avec qui il avait réussi à nouer des liens de confiance. Chacun d’entre eux, essaiera d’expliquer la logique de l’extermination Tutsi.

Il nous révèle les mécanismes du « passage à l’acte et de l’extermination :

La déshumanisation de » l’autre :

La version d’un rescapé du génocide : Innocent Rwiliza, Enseignant de 38 ans à Nyamata explique le procédé de déshumanisation auquel son ethnie a été exposée « On ressemblait à des animaux, puisqu’on ne ressemblait plus aux humains qu’on était auparavant… En vérité ce sont eux les animaux… ils avaient pris l’habitude de nous voir comme des animaux. Ils avaient enlevé l’humanité aux Tutsis, pour les tuer plus à l’aise »…

Pour lui, «L’Homme cache des raisons mystérieuses à vouloir survivre. Plus on mourrait, plus on était préparé à mourir et plus on courrait vite pour gagner un moment de vie. Même ceux qui avaient des jambes et des bras coupés, ils demandaient de l’eau pour durer seulement une heure supplémentaire. Je ne peux expliquer ce phénomène… ».

La vision et les mobiles des génocidaires qui témoignent:

Elie «… Au fond, un homme c’est comme un animal, tu le tranches sur la tête ou sur le cou, il s’abat de soi. Dans les premiers jours, celui qui avait abattu des poulets, et surtout des chèvres, se trouvait avantagé, ça se comprend. Par la suite, tout le monde s’est accoutumé à cette nouvelle activité et a rattrapé son retard… le boulot nous tirait les bras…
Pio «On ne voyait plus des humains quand on dénichait des Tutsis dans les marigots. Je veux dire, des gens pareils à nous, partageant la pensée et les sentiments consorts. La chasse était sauvage, les chasseurs étaient sauvages, le gibier était sauvage, la sauvagerie captivait les esprits. On n’était pas seulement devenu des criminels ; on était devenu une espèce féroce dans un monde barbare… »
Ils ont légitimé le meurtre :
Pancrace «Tuer c’est très décourageant si tu dois prendre toi même la décision de le faire, même un animal. Mais si tu dois obéir à des consignes des autorités, si tu as été convenablement sensibilisé, si tu te sens poussé et tiré, si tu vois que la tuerie sera sans conséquence et néfaste dans l’avenir, tu te sens apaisé et rasséréné. Tu y vas sans plus de gêne. »
Alphonse «l’Homme peut s’accoutumer à tuer, s’il tue sans s’arrêter. Il peut même se convertir en animal sans y prêter attention… Moi, je n’avais pas peur de la mort ; d’une certaine façon j’oubliais que je tuais des personnes vivantes… Mais c’est le sang qui me faisait peur. C’était odorant et dégoulinant. Le soir je me disais : Après tout, je suis un homme empli de sang, tout ce sang qui gicle, apportera du malheur, une malédiction… ».

Ou comment s’est enclenchée la folie meurtrière » :

Fulgence «On devenait de plus en plus méchants, de plus en plus calmes, de plus en plus saignants. Mais on ne voyait pas qu’on devenait de plus en plus tueurs. Plus on coupait, plus ça nous devenait naïf de tuer. Pour un petit nombre, ça devenait régalant, si je puis dire… »

Pour ces «apprentis tueurs »qui vont par la suite surpasser «les maîtres Interahamwe », le maniement de la machette, était une obligation comme le service militaire, et si on désobéissait on était puni . Mais il y avait aussi des mobiles derrière ces actes.

Tuer sous la contrainte :

Pio « Celui qui avait l’idée de ne pas tuer pour un jour, il pouvait s’esquiver sans difficultés. Mais celui qui avait l’idée de ne pas tuer du tout, il ne pouvait dévoiler cette idée, sinon il allait être tué à son tour devant une assistance »… »dire son désaccord à voix haute, était fatal sur le champ. Donc on ne sait pas si des gens ont eu cette idée ».
Selon ces témoignages, le meurtre était une contrainte, mais derrière la contrainte, se cachait également la cupidité.

Tuer par cupidité :

Léopold « On commençait la journée par tuer, on terminait la journée par piller. »
Jean Baptiste « … on ne pouvait plus s’arrêter de lever la machette, tellement ça nous rapportait… » … la gourmandise nous avait contaminé ».

Jean Hatzfeld, a comparé le génocide au Rwanda au génocide juif , il expliquera qu’alors que le premier avait pour objectif de «purifier l’être et la pensée », le second, se voulait «purifier la terre »en vue de la désinfecter des «cultivateurs cancrelats ».

Mais le génocide des Tutsis à l’instar de celui de la Shoah, restera un génocide de proximité , il visait une communauté voisine. Il visait également l’usurpation des biens et « des terres agricole » des cultivateurs tutsis.

Un génocide barbare et primaire à la machette, qui dépassera les technologies les plus modernes du troisième Reich (chambres à gaz et camps d’extermination ) et bien sur, celle de toute l’industrie chimique de l’Allemagne et des pays occupés par elle. Les chiffres l’attestent, le nombre de morts, fut prés de 800000 pour les Tutsis. En l’espace d’un mois.

Ce que l’on retient de tout ceci aujourd’hui, c’est que les populations et surtout les enfants, continuent de souffrir de ce drame, quatorze ans après. Toute une génération d’enfants perdus a vu le jour, au sortir du génocide.

Le génocide vu par un enfant survivant

Hatzfzeld a approché Cassius Niyonsaba, 12 ans, écolier à Ntarama ce dernier, : raconte son histoire de survivance «les interahamwe (tueurs hutus) sont arrivés en chantant, avant midi, ils ont jeté des grenades, ils ont arraché les grilles, puis ils se sont précipités dans l’église et ils ont commencé à découper des gens avec des machettes et des lances…. Les gens qui ne coulaient pas de leur sang coulaient du sang des autres, c’était grand-chose, alors ils se sont mis à mourir sans protester. Il y avait un fort tapage et un fort silence en même temps. Au cœur de l’après-midi, les interahamwe ont brûlé des petits enfants devant la porte. Je les ai vu de mes yeux se tordre de brûlure tout vivant vraiment. Il y avait une forte odeur de viande et de pétrole. »

Cassius sera a son tour pris en embuscade, et recevra un coup de machette sur le crâne, rescapé il dira «…d’abord je devais être mort, puis j’ai insisté pour vivre… »
En repensant au génocide il ajoutera  «… au commencement, j’éprouvais une tendance à pleurer en voyant les crânes sans nom et sans yeux qui me regardaient. Mais peu à peu on s’est habitué. Je reste assis de longs moments et ma pensée s’en va en compagnie de tous ceux là… »Je m’efforce de ne pas penser à des visages personnels quand je regarde les crânes, car si je me hasarde à songer à une connaissance, la peur me rattrape Je voyage simplement en souvenir entre tous ces morts qui étaient éparpillés et qui n’ont pas été enterrés… La vision et l’odeur de ces ossements me causent du mal, et à la fois, elles soulagent mes pensées. Elles me troublent la tête de toutes les façons.

Il sait que son récit est si terrible qu’il ne peut être ni mis en sens, ni cru et il conclura «je crois que jamais les blancs, ni même les noirs des pays avoisinants, ne vont croire de fond en comble ce qui s’est passé chez nous. Ils accepteront des morceaux de vérité, ils négligeront le reste… parce que la vérité vraie sur les tueries de Tutsis, elle nous dépasse tous pareillement. Raison pour laquelle, quand je pense à ceux qui ont coupé papa et maman, et toute ma famille, je voudrais qu’ils soient fusillés, afin d’éloigner mes pensées de leur triste destin ». Malgré cette apparente résignation, l’enfant a quand même des velléités de vengeance, ou en tout cas, laisse transparaître des sentiments « vindicatifs ». Dans certains cas, ce désir de vengeance, peut faciliter » l’embrigadement et l’endoctrinement idéologique. Ici la violence de guerre, n’est pas le fait d’un apprentissage du milieu : mais un désir d’identification à l’agresseur.

Mais Cassius rêve néanmoins d’un futur il se projette dans l’avenir car «Quand je serai grand, je n’irai plus à la messe. Je n’entrerai plus dans une autre église. Je voudrais être enseignant, parce qu’à l’école je profite du réconfort des autres, et parce que papa était enseignant. »

Conclusion :

Au siècle des enfants soldats, les processus d’apprentissage, les modèles d’identifications et même les ouvrages pédagogiques destinés à aider et à acheminer jusqu’au sacrifice suprême, ne manquent pas. Certaines écoles enseignent la haine et la terreur. Les jeunes enfants, appartenant le plus souvent aux classes les plus pauvres de la société acceptent de devenir des machines à tuer pour survivre à la guerre.

En s’impliquant dans le génocide, les enfants du Rwanda ont tenté d’inventer un autre espace et d’autres règles de déplacement du sujet et des objets . Une manière à eux de répondre à leur quête d’intégration, dans une société qui les a abandonnés et marginalisés.
Mais comment comprendre le rôle des adultes qui les ont « sacrifiés » soit en les massacrants soit en les forçant à massacrer d’autres enfants ?

En dépit des recommandations et des lois émanant des diverses Instances et Institutions Internationales sur le fait que la Guerre n’est pas un milieu sain et naturel pour les enfants , ces derniers continuent de figurer parmi les faits divers les plus fréquents et les chiffres en terme de leur participation dans les conflits, sont consternants. Pourtant tout l’interdit, la Convention sur les Droits des enfants de 1989, le Protocole facultatif rattaché à la Convention relative à la participation des enfants dans les conflits armés, les Conventions de Genève de 1949 et les Protocoles Additionnels de 1977 et la Charte de 1991 en Afrique sur les droits et le bien être des enfants. Toute une panoplie juridique qui n’a pu à ce jour , les protéger.

Que deviennent ces enfants au sortir des conflits du Monde ? et s’agissant des enfants du Rwanda d’hier, aujourd’hui devenus adultes ? comment les réintégrer ?

De ce génocide qui marque encore aujourd’hui, est née une génération d’enfants hors la loi, menacée par une seconde « victimisation » quatorze années après le drame. Des enfants qui deviennent potentiellement dangereux pour une société en reconstruction. Mais des enfants aussi victimes.

Quelles sont les nouvelles formes de victimisation de l’enfance d’après conflit, au Rwanda.

Parmi les méfaits les plus marquants, nous retrouvons l’exploitation sexuelle. Celle ci aurait en effet conduit un bon nombre d’enfants dirigeant un foyer- en particulier, les filles- à accorder des faveurs sexuelles afin d’obtenir de l’argent, des produits de base, ou une protection. Par ailleurs, on aurait enregistré également, un risque de maltraitance sexuelle intra familiale. Il semblerait en effet, que la maltraitance sexuelle dans le foyer familial est en augmentation depuis le génocide. Les jeunes filles sont la catégorie la plus victimisée.

Les difficultés d’accès à l’éducation, a aussi entraîné une attitude discriminatoire vis-à-vis des filles et un manque d’installations sanitaires empêchent la scolarisation de certaines adolescentes.

La vie dans les rues qui serait en augmentation, avec un nombre estimé à environ 7000 enfants vivant et travaillant dans les rues de la capitale, Kigali.

Ces enfants de la rue sont les « Mayibobo » en Kinyarwandais. Enfants diabolisés et marginalisés par la société urbaine. La plupart sont victimes d’abandon, de pauvreté. Certaines communes sont tellement pauvres que les enfants choisissent de partir pour survivre par leurs propres moyens.
A Kigali ils survivent en s’alimentant de restes trouvés dans les ordures ou par des activités économiques marginales (vente d’objets récoltés dans les décharges publiques, vente de charbon et de bois,). Très difficiles d’accès et très fermés, ils auraient constitué une microsociété hautement organisée de l’intérieur. Le Commerce serait régulé par un adulte, un président qui serait élu par leur comité. Les enfants doivent demander la permission de récolter des objets des décharges publiques (objets en métal, bois ou plastique)- en cas de désobéissance, ces enfants sont battus.
Le président prend tout ce qui a été récolté par les enfants, il le vend ensuite et distribue l’argent. En 1998, le gouvernement rwandais alarmé par le nombre toujours grandissant des enfants des rues, intima l’ordre à l’armée d’encercler les enfants non accompagnés pour les forcer à s’installer dans un camp pour enfants des rues, appelé «le Camp de la solidarité de Gikongoro ».

Des tentatives qui furent vaines, car les enfants finissaient par s’enfuir du camp, malgré la distance par rapport à la Capitale, prés de 200 enfants finirent dans les rues de Kigali, une nouvelle fois. A la fin de 1998, on avait plus que 1500 enfants dans ce camp.

Mais la catégorie la plus grave, la plus « criminogène » est celle des enfants délinquants.
Une catégorie née de l’enfance des rues. Ces enfants sont contraints de voler pour vivre, ils ne sont pas de vrais criminels, car leurs méfaits se limitent au chapardage de bananes ou d’avocats. Mais les plus âgés, auraient commis des offenses plus sérieuses comme le viol.

Thèse qui sera réfutée par de enquêteurs au sein d’organismes d’assistance internationale, dont Human Rights Watch. On expliquera que ces violeurs mineurs, du temps de la commission de leurs actes, vivaient en famille et non dans la rue.
A Kigali, en fait la délinquance de ces enfants, se limite à forcer des voitures afin d’en revendre les pièces. Pour survivre à l’après génocide et au rejet de leur communauté, ces enfants ont développé des mécanismes d’adaptation, en terme clinique qui ne sont que l’expression d’un besoin de survivance.
Aujourd’hui, l’essentiel du travail pour essayer des les réintégrer, revient à la communauté ; assistée par les programmes de rééducation des instances internationales. Retrouver une culture de la paix quand on a été sevré dans la violence, n’est pas mince affaire. Par ailleurs, l’épineux problème des enfants des rues et les conséquences en matière de défense sociale, ne sont aujourd’hui plus à négliger. Aux politiques et à l’humanitaire de faire en sorte de cautériser l’hémorragie qu’implique la maltraitance infantile de guerre.



Source : Fériel Berraies Guigny


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