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UNIVERSITE DE LILLE 3. MAISON DE LA RECHERCHE

TROISIEME COLLOQUE NATIONAL DE PSYCHOCRIMINOLOGIE JEUNES CHERCHEURS

Mardi 10 mai 2005

Atelier 2 : Victimologie : enjeux de l’aide aux victimes

Intervention de Fériel Berraies Guigny

Criminologue et Doctorante à Paris II

De Traumatisé à Traumatiseur : 
la violence de l’enfant de guerre, survivance ou déterminisme du milieu ?


Crédits : UNESCO et WOCHIRRC   

Bibliographie :

Terr, L., Childhood Traumas: an outline and overview. American Journal of Psychiatry 148, (1), 10-20, 1991
Sous la direction de Cyrulnik, B., & Seron C, La Résilience ou comment renaître de sa souffrance? Editions Fabert, 2003
Métraux  J. C., De la victime à l’Acteur,
Adolescence, 19,2, 579-607, 2001
Winicott, D.W., Déprivation et Délinquance
, Traduit de l’anglais par Michelin M Et Rosaz L., Editions Payot& Rivages, Paris, 1994,
De la Garza C.,  De très jeunes combattants
, Adolescence, 2,453-462, 2001
Houballah M, O.Après la guerre, que deviennent les enfants soldats ? » Adolescence, 19,2, 501-509. 2001
Houballah A., Le virus de la violence, Editions Albin Michel, 1996
Houballah, A,  Le paradoxe du rêve traumatique : Mourir ou disparaître. In  Destin du Traumatisme. Hachette  littérature, Paris, 1998
Houballah A, Scènes de guerre et Fantasmes d’adolescent
. Adolescence, 19, 2,493-500, 2001
Houballah M O, L’enfant Soldat, Edition Odile Jacob, 2003
Dongale E., Johnny chient méchant.
Editions le serpent à plumes, Paris, 2002
Dot O., Agressivité et violence chez l’enfant et l’adolescent. 1972

 

Introduction :

Aux sources de  la violence humaine

La violence est aussi vieille que l’humanité, et l’angoisse qu’elle suscite  remonte aussi à l’histoire des hommes.  Beaucoup d’historiens,  de sociologues, de cliniciens ont tenté de l’expliquer, voire de la raisonner.
Le philosophe Roger Dadoun, la perçoit comme l’origine de l’homme, car elle serait constitutive de ce qu’il appellera Homo Violens. La psychanalyse avec (Freud, 1938) l’entrevoyait comme une pulsion vitale. Mais un peu plus tard, au sortir de la seconde guerre mondiale, elle est  aussi synonyme du  désir de  protection par rapport à  l’autre violent.
(Bettelheim, 1943) explique à cet effet, qu’elle  avant tout le désir de neutralisation   d’une menace extérieure. Concept cliniquement reconnu sous l’appellation d’identification défensive. Où quand la victime dans une dynamique de survivologie, finit par adopter à son tour, un modèle d’identification violent.
Elle est  fondamentale de par son essence, selon (Bergeret, 1984) qui  la perçoit en tant qu’expression originaire de l’homme. Une fois intégrée dans sa machine libidinale, elle  se manifesterait alors, très tôt, dés l’adolescence.
La pathologie d’adolescence, telle qu’elle fut décrite par la psychanalyse de  Freud, a également été  revisitée par  des contemporains, dont Boris Cyrulnik qui la trouve à son tour, créatrice  dans son expression violente.
La violence qui finit en agression, fait  parti de nous, de nos sociétés, de notre mode de fonctionner à bien des égards. Elle est devenue presque normale,  comme l’évoque le sociologue Michel Malefosi, et pire encore selon ce dernier,  en ce vingtième siècle, elle serait devenue l’expression d’un désir de combattre l’ennui.
Et elle est si profondément ancrée dans nos mœurs, qu’elle prend tellement de nous, au point selon les sociobiologistes, de devenir  purement génétique et nécessaire à notre survie, comment dés lors,  la maîtriser ? Comment ne pas dépasser certaines frontières dans la part d’agressivité qui est en nous ?

La mesure de la violence, autant que l’agressivité, n’est pas mince affaire pour l’homme. Paradoxalement, nos sociétés en banalisent  l’expression, au point  de l’encourager.
La violence est à tous les coins de rue, dans tous nos rapports sociaux et interfamiliaux, elle  est souvent  médiatisée à des fins sensationnalistes. Elle est le point d’ancrage et  le début de tout conflit, elle  règle et dérègle les liens sociaux. Forme ou déforme les assises éthiques. Elle est partie prenante
Dans plusieurs conflits, s’exprimant au travers de  bon nombre de scénarios de destruction contemporains : génocides, attentats aveugles, exécutions arbitraires, guerres civiles, violences civiles et urbaines, violences interfamiliales.

Où commence la violence gratuite et malsaine  et ou finit l’instinct d’agressivité pour  notre espèce ? Cette violence en nous, est elle totalement justifiée et   pourquoi et comment se manifeste elle ?

Le monde extérieur est le plus grand ennemi de l’homme, il incarne  des  potentialités de menaces, toute une floraison de piéges  mettraient en péril notre vie, notre intégrité corporelle et psychique, notre espace vital, voire la survie de notre espèce.
Le monde intérieur, est  l’autre ennemi  de l’homme. Il est plus discret et plus sournois, il  se manifeste dans notre inconscient et tout ce qui viendrait s’y  loger, pourrait nous déstabiliser.
Notre équilibre psychique tout comme physique, restera tributaire de notre capacité à  faire face.

Comment ressentir le danger ?

Un  signal d’alarme,  une sorte d’alerte des sens,  nous communique le danger. Et ce, au travers de  notre plus fidèle alliée : l’angoisse. Une grande partie de la manifestation d’angoisse  restera cependant inconsciente. Sa représentation fondamentale, restera  la menace de castration, telle qu’elle fut évoquée par  (Freud, 1838).
Les autres  dangers qui graviteraient autour, ne seraient en fait que des représentations supplémentaires de cette castration symbolique ou imaginaire. La mort et la démence, sont les manifestations les  plus extrêmes de cette angoisse. Face à l’angoisse, notre  espèce  réagira selon trois scénarios : la fuite, l’agressivité ou l’attaque.
L’humain perçoit son agressivité, en l’associant  à l’idée de sa propre  mort. Il  s’agit là avant tout, d’une question de  survie. Il en est de même, pour l’animal. Mais alors que le besoin de survie de l’animal se base sur la recherche de nourriture et sur la défense par  rapport au danger, chez l’homme ce besoin est plus complexe. L’agressivité humaine  revêt des formes multiples tout en restant  la plupart du temps, réfléchie. Beaucoup de scénarios de guerre et de destruction ont démontré que l’agression et la violence humaine, dépassaient de loin la notion de survie. Par ailleurs,  chez l’homme, la présence de   mécanismes malsains pourrait  enclencher en lui cette quête sous jaccente de  jouissance morbide  et irraisonnée. Mettant en exergue son besoin de domination et de   contrôle de l’autre.
L’histoire de l’Homme, compte plus d’un chef tortionnaire, bourreau ou monstre en tout genre. Il est bien la seule  espèce,  à pouvoir torturer, tuer, exterminer et détruire l’autre sans états d’âmes. Ses pulsions libidinales et ses inclinaisons mortifères, suffiraient pour dessiner les scénarios les plus atroces.
Le Terrain des violences et des conflits, entretiennent ces pulsions chez l’adulte. Chez l’enfant,  l’effet est le même, mais les dégâts psychosociaux, sont  à  plus grandes conséquences.

Que est l’impact du milieu de guerre sur le comportement prosocial de l’enfant ?

( Douville, 1997) dans un registre symbolique, expliquait que les guerres devenaient des scènes de violence identitaire pour les enfants. Il met en exergue, l’impact dévastateur de celles cis sur la psyché enfantine. La violence de la guerre, expriment autant la souffrance du lien, qu’elles s’attaquent aux références sociétales, tout en obérant l’identification. Les scènes de guerres contemporaines, ont toutes la particularité d’induire une sorte de déparentalisation. La dévalorisation des pères et les différences intergénérationnelles accroissent les incompréhensions. Un phénomène que l’on retrouve dans beaucoup de terrains de conflits armés, où l’embrigadement des jeunes, prévaut car la figure parentale est exclu. Un phénomène qui ôtera à  cette catégorie d’enfants, toute possibilité de réinsertion sociale dans l’immédiat. L’enfant de la guerre, est  en pleine crise identitaire, en crise  du sens et des  valeurs, il  va se baser sur une politique de désaveu pour  justifier sa violence. Il sent qu’il a un contentieux avec la société et  les  adultes qui l’ont trahi. Sa participation et son action violente dans les combats, deviennent sa seule forme d’interaction sociale.

La psychologue (Dot, 1972), souligne que les enfants témoins et victimes de la guerre, voient la possibilité de développer des fantasmes sur le terrain. Un certain nombre de modèles identificatoires, de mécanismes d’apprentissage, vont alors le pousser à embrasser la carrière de combattant. De témoin, victime, il devient acteur et plus grave encore : offenseur.
Le  passage de  traumatisé victime, à  traumatiseur potentiellement traumatisé n’en est que plus facilité. Les enfants conditionnés par leur environnement, adoptent ses règles symboliques.  Ils échappent ainsi à leur première  frayeur du temps où ils étaient victimes, ils rejettent la   terreur et le trauma qui les ont incapacités antérieurement. Trouvant par la même,  un moyen  de digérer et  de  se rassurer dans l’idée qu’ils seront  à l’avenir, plus aptes à tolérer le choc des situations traumatiques.
Les terrains de violence  disqualifient  les repères identificatoires, alors que les parentés sont remises en question,  les  fratries disloquées, les  instances sociétales sont en question. En  l’absence d’encadrement, livré à lui-même ; l’enfant réagit et se nourrit de fausses représentations et d’idéologies malsaines. L’étude de (Pynoos, 1985) explique que le  fait d’assister à la violence, pour l’enfant, amène de profonds changements sur sa perception de l’avenir et du rapport avec les autres. Plus rien n’est comme avant et le devenir de l’enfant devient alors  flou.
Dans une dynamique où les enfants ont du mal à se projeter dans l’avenir, l’étude de  ( Terr, 1983), souligne qu’il  y a très peu d’espoir pour eux   de se rétablir le sentiment de confiance et de sécurité.
Cela explique dans une certaine mesure,  le  grand  désir d’anéantissement de l’autre chez   l’enfant.
Deux  psychiatres,
( Freud,  1938; Houballah,  2001  ) avaient dans cet ordre d’idées,  mis en exergue, comment lors de la construction de la personnalité, l’enfant au travers de son miroir,  voulait tuer cet autre qui était pourtant, une partie de lui. Cet autre, qui selon la perception enfantine,  aliène et retient  prisonnier.

Conclusion :

La violence et la délinquance de guerre sont difficilement compréhensibles, dés lors qu’elles engagent des enfants. Pourtant, après les avoir utilisés, ces mêmes   sociétés au sortir des conflits,  leur tournent le dos.  Ces enfants qui ne sont plus considérés comme des enfants, tant leurs actes ont été abominables, deviennent  une honte pour la communauté  qui tente tant que bien mal de cacher leurs méfaits. Les  sociétés les craignent, les refusent et taisent leur existence. Peur des représailles ? Mécanisme d’auto préservation ? Le fait est que  les  sociétés  en deuil abandonnent ces enfants à leur sort, une seconde fois.  Des Nations entières, au sortir des conflits, éludent le passé de violence de ces enfants, préférant axer la priorité sur la  reconstruction morale et physique du pays.  Ces enfants violents, délinquants ou soldats,  embrigadés ou désembrigadés,  sont voués à une agonie morale certaine. Au sortir des conflits s’ils ne sont pas en prison, ils sont dans les rues.  La rue va les accueillir, les déformer, les marginaliser. Ces oubliés de la souffrance sont ceux là même qui l’ont causée. Spirale infernale qui fait que, ni la victime ni l’ancien bourreau ne pourront accéder à  leur humanité retrouvée. Alors ces gamins de la guerre, devenues gamins des rues, se réinventent leur histoire, leur vie et leur enfance volées.
Tous les moyens sont bons pour survivre dans la rue après la guerre : prostitution, drogue, rackets, vagabondage à la délinquance grave. Mais comment reconstruire  l’enfant quand il est cassé  pour une seconde fois ? Comment restaurer sa confiance, alors qu’il est encore  trahi par la société des  adultes ? Comment le réconcilier avec cette humanité qu’il a perdue ?
Pour arriver à braver tous ces obstacles, encore faut il que l’enfant  puisse se réconcilier avec lui même,  avant de se réconcilier avec l’autre.

Contact : Fériel Berraies Guigny
ferielbg@gmail.com

Lien sur les interventions  en criminologie de Fériel Berraies Guigny :
http://www.palestine-solidarite.org/dossier.criminologie.Feriel_Berraies-Guigny.sommaire.htm

Lien sur les travaux journalistiques de Fériel Berraies Guigny :
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Feriel_Berraies-Guigny.sommaire.htm

Press Book et Communication : www.journaliste.montaf.com
                                                    
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Source : Fériel Berraies Guigny


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