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il manifesto
Petite et mortelle, voici
l’arme testée à Gaza
Annalena Di Giovanni - il manifesto
Il
manifesto, jeudi 12 octobre 2006.
Plus petites,
plus mortelles et plus précises. Les arsenaux vidés de leurs
bombes à fragmentation, controversées, on en serait maintenant
au tournant des « armes à mortalité concentrée » ou
« munitions à dommages collatéraux réduits », dans
la soi-disant « guerre au terrorisme » .Une nouvelle génération
d’engins aux dimensions réduites à effet circonscrit, qu’on
puisse utiliser dans les zones à forte densité de population :
en Afghanistan, en Irak, dans les Territoires occupés
palestiniens, et au Liban. Pour s’opposer moins à une armée régulière
qu’à de petits groupes de guerriers souvent camouflés (selon
les versions officielles) à l’intérieur des centres habités.
Un type d’intervention, le bombardement, jusque là limité par
les dommages très larges qu’il comporte : des dizaines de
civils tués, des protestations de l’opinion publique.
Le problème
pourrait maintenant être résolu. Partant des requêtes de la
marine et de l’aviation étasuniennes, avec une plausible coopération
israélienne, la firme Boeing a remporté en 2003 l’appel
d’offre pour le projet des Small diameter bomb
(bombes à petit diamètre), des engins qui ne dépassent pas les
90 kilos de poids et la taille d’un mètre et demi. Grâce aux
énormes crédits alloués par le Département étasunien de la défense
(investissements redoublés en 2004) les premiers prototypes ont
été disponibles pour l’expérimentation sur le terrain à
partir de mai 2006, et ils seraient déjà disponibles dans les
arsenaux militaires depuis septembre dernier. Avec une variante
par rapport aux munitions traditionnelles : le Dense
insert metal explosive, soit la dernière trouvaille en matière
de létalité concentrée.
Le Dime
est formé d’une charge interne en alliage de tungstène (celui
des ampoules électriques, pour avoir une idée de la conduction
et de la réactivité). Elle libère dans l’air une poudre
incandescente qui, en tombant sur son poids spécifique
(traductrice pas sûre des termes, au plus près du texte original
donc...NDT), attaque l’objectif sous un
angle qui provoque d’innombrables coupures et blessures sans dépasser
les 4 mètres de portée. A la charge inerte est associée une
enveloppe externe en fibre de carbone, plus légere et plus économique
que le métal, invisible aux rayons X. Une fois explosée, elle se
pulvérise en micro particules au lieu des éclats. Bien qu’étant
capable de pénétrer le béton armé, la fibre de carbone
n’offre pas de résistance excessive à la détonation de
l’explosif contenu, augmentant de ce fait son efficacité, au
point que les premiers prototypes ont détruit les instruments de
mesure des laboratoires militaires. Un Dime serait en outre
capable de suivre son propre objectif mobile grâce à sa légèreté
et à un système de contrôle Gps.
Donc :
haute précision, explosion circonscrite, aucun éclat. Mais le
tournant semble peu positif. Des tests réalisés jusqu’à présent
dans les laboratoires militaires du Maryland auraient mis en évidence,
selon le New Scientist de février 2005, une
mortalité de 100 % sur les cobayes : exposés à des
fragments de tungstène, en l’espace de 5 mois, ils développent
tous la même forme rare de cancer, le rabdo
sarcome. Mais si on laisse de côté les hypothèses sur la
toxicité du tungstène, des préoccupations plus urgentes
demeurent. Si ce qui a été testé à Gaza étaient des Dime,
comme cela semble très probable, les effets produits semblent
plus graves que ceux des anciennes bombes en acier. Quelques
centaines d’éclats sont remplacés par une nuée déchirante de
particules incandescentes qui pénètrent, coupent et brûlent
leurs victimes jusqu’aux os. En l’espace de quelques minutes,
elles provoquent la nécrose de membres entiers, et se déposent,
à la fin, à l’intérieur du corps sans possibilité
d’extraction. Le tout dans un scénario asymétrique où d’un
côté il y a un être humain, et de l’autre une bombe lancée
par un drone piloté à distance, et où augmente le nombre des
victimes invisibles : les invalides permanents. Obtenir le
maximum de résultats et le minimum de pertes, voilà l’impératif.
Et, étant données les dimensions réduites des Dime,
les munitions transportables par tout engin volant quadruplent
automatiquement.
En conclusion,
la différence des munitions à létalité concentrée pourrait résider
justement dans la justification morale suggérée par les
commanditaires eux même : l’intérêt présumé de limiter
les dommages collatéraux. Difficile, sur la base du droit
humanitaire, d’interdire l’usage de ces munitions, dévastatrices
dans les faits mais présentées comme réduites, circonscrites
aux seuls « terroristes ».Le Dime,
économique et léger, pourrait être largué dans des zones à
forte densité de population, en des quantités quatre fois supérieures,
provoquant les effets rencontrés à Gaza (ni les civils, ni les
femmes, ni les enfants n’ont été épargnés). Et ce sera alors
sa définition même d’arme à faible dommage collatéral qui
fournira un alibi à quiconque l’utilisera, beaucoup plus
justifiable que les « vieilles » armes utilisées
jusqu’à présent.
Annalena Di
Giovanni
Traduit
de l’italien par Marie-Ange Patrizio
(Palestine13)
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