Syrie
Nouvelles des
chrétiens du diocèse de Homs et de Hama
Jeudi 26 janvier
2012
Pour mémoire et pour l’histoire :
Les chrétiens du diocèse de Homs, Hama
et Yabroud sont intégrés au tissu social
comme des citoyens à part entière. Avant
les évènements qui ensanglantent la
Syrie il était inconvenant de décliner
sa confession religieuse. Aujourd’hui il
n’en est plus ainsi. Le conflit qui
s’instaure est passé d’une réclamation
populaire de liberté et démocratie à une
révolution islamiste. Le vendredi 20
janvier le slogan fatidique a été brandi
par les comités de coordination de la
révolution : « le peuple veut
déclarer le Jihad ! ».
Jusqu’à
présent nous n’avons pas fait état d’une
« persécution » directe qui frapperait
les chrétiens. Ils étaient englobés dans
les sévices ciblant la population
participant à la vie civile. Mais il
semble que la donne commence à changer.
Comme si la tendance qui couvait
devenait dorénavant une consigne. Le
futur le dira. Toujours est-il que nous
portons à votre connaissance diverses
agressions désormais franchement
antichrétiennes :
Aujourd’hui 25 janvier le Père Basilios
Nassar, curé grec orthodoxe du village
de Kafarbohom, province de Hama, a été
abattu par des insurgés alors qu’il
venait en aide à un homme agressé par
les insurgés dans la rue Jarajima de
Hama. C’est la première fois, depuis
l’insurrection, qu’un prêtre est la
cible de la violence aveugle qui est
devenue l’arme redoutable d’une
insurrection de plus en plus manipulée.
Le faire- part du décès du Père
Basilios avec le tropaire byzantin en
l’honneur des martyrs
Nous avons reçu plusieurs coups de fil
de la part de prêtres amis qui
devenaient inquiets.
Ce meurtre est alarmant. Il conforte
les craintes de voir la
révolution syrienne tourner au conflit
confessionnel. Sous couvert d’une quête
de liberté et de démocratie les insurgés
se révèlent comme des islamistes qui
s’en prennent à des civils innocents
dans une démarche de discrimination
religieuse.
Hier matin le fils de l’Emir islamiste
de Yabroud,
M.Khadra, attendait avec trois
autres hommes en armes le major chrétien
Zafer Karam Issa, âgé de 30 ans, marié
depuis un an, à la sortie de sa maison.
Ils le tuent en tirant sur lui une
centaine de balles qui criblent tout son
corps et s’enfuient.
Les funérailles ont eu lieu aujourd’hui
à une heure, avec la participation du
village en émoi. Le curé de Yabroud R.P.
Georges Haddad a eu des paroles
inspirées : « Dieu est amour et
miséricorde. Il incite l’homme à aimer
son prochain et à ne pas se détourner de
lui. Nous nous adressons à ceux qui se
sont érigés comme juges suprêmes de
leurs frères qui s’octroient le droit de
condamner à mort un être humain. Ils
brandissent de faux slogans et mettent
le pays à feu et à sang. Zafer, en bon
soldat fidèle à sa patrie, voulait
mourir dans un affrontement avec
l’ennemi pour libérer le Golan. Il a été
tué par qui ? et pourquoi ? Par un
frère, dans son village, devant sa
maison. Revenons à nous-mêmes et
réfléchissons sur la voie que nous
empruntons. Notre existence est basée
sur l’amour et l’acceptation de l’autre.
Ne laissons pas des étrangers nous
dicter une conduite qui instille la
méfiance, la haine et la division. Nous
tendons nos mains en signe de
réconciliation avec tous : ceux qui sont
proches et ceux qui sont loin. Que le
sang de nos martyrs donnent à notre cher
pays la paix et des lendemains
meilleurs ».
Dans la semaine, le jeune chrétien
Khairo Kassouha, âgé de 24 ans, a été
lui aussi abattu en sortant de chez lui
à Kusayr.
Le Père Mayas Abboud, recteur du petit
séminaire des grecs catholiques à Damas
nous rapporte qu’il a été contacté hier
par la veuve du martyr Nidal Arbache, un
chauffeur de taxi abattu dernièrement
par les insurgés. Dalal Louis Arbache
lui dit au téléphone : « cher Père, ici
à Kusayr nous sommes livrés au bon
plaisir des insurgés qui font la loi
chez nous. Nous nous attendons à toutes
sortes de sévices. Nous n’avons rien ni
personne pour nous protéger. Je vous en
supplie Père, prenez cela comme un
testament. S’il m’arrive quelque chose
de fâcheux je vous confie mon fils,
prenez soin de lui. Toute notre famille
est menacée par les bandes armées ».
On nous rapporte aussi qu’André Arbache,
mari de Virginie Louis Arbache a été
kidnappé la semaine passée. On ne sait
rien de lui. Sa famille craint pour lui
le pire.
Toujours à Kusayr un cousin de Père
Louka, curé de Nebek raconte ce qui
suit : « je rentrai à Kusayr lorsqu’à un
rond-point de la ville j’ai été arrêté
par les insurgés. Ils m’ont réclamé mes
papiers et
m’ont fait attendre deux heures
pour vérifier si mon nom est cité dans
les listes issues par les comités de
coordination de la révolution qui sont
désormais des organes de référence
judiciaire. Si mon nom avait été
mentionné j’aurai été exécuté sur place
comme ils le font avec d’autres.
A Homs la liste du Gouverneur
s’allonge : il y a plus de 230 chrétiens
qui ont été abattus. Plusieurs sont
kidnappés. Souvent les insurgés
réclament une rançon qui varie entre
20000$ et 40000$ par personne.
Certains quartiers mixtes comme Bab Sbah
ou Hamidiyeh à Homs voient 80% de leurs
habitants chrétiens les déserter pour
s’établir chez des amis ou des parents
dans les régions de la Vallée des
chrétiens. Les chrétiens de Hama et de
sa province font de même. Le mouvement
est progressif mais implacable.
POSITION DU MONASTERE SAINT JACQUES
L’INTERCIS PAR RAPPORT AUX EVENEMENTS EN
SYRIE
Depuis le début de la crise la position
de notre monastère et de son higoumène
s’est tracée la ligne suivante en
conformité avec ses convictions et les
exigences de la conscience chrétienne et
monastique.
Avoir une idée claire des enjeux
géopolitiques à travers une étude
approfondie et documentée.
Ne prendre aucune position politique non
par peur des uns ou des autres mais
parce que nous ne nous sentons pas
interpellés politiquement. Notre
témoignage se trouve ailleurs, dans le
domaine de l’Avènement en nous et autour
de nous du Royaume de Dieu dont les
moyens ne sont pas ceux du monde. Nous
ne sommes ni pour ni contre aucune des
parties au conflit. Nous nous
positionnons contre tout ce qui est
contraire à la loi de Dieu et aux droits
de l’homme.
Venir en aide à toute personne humaine
dans la détresse quelle que soit son
appartenance.
Si personne ne le fait : avoir le
courage de stigmatiser à haute voix la
désinformation parce qu’elle est une
atteinte à la vérité et une manière
d’encourager l’impunité des malfaiteurs,
quels qu’ils soient.
Prendre position pour les pauvres et les
maltraités. Particulièrement les civils
innocents qu’ils soient ciblés par le
régime ou par les bandes armées de
l’insurrection.
Faire attention à l’identité des
malfaiteurs ainsi qu’à celle des
victimes afin de pouvoir discerner et de
porter l’aide convenable à ceux qui sont
dans le besoin.
A cet égard Mère Agnès-Mariam de la
Croix a, en plein consensus avec sa
communauté :
aidé
l’opposition du village harcelée par
l’armée. A la demande des insurgés Mère
Agnès-Mariam a fait des pourparlers avec
les militaires pour adoucir leur poigne
et respecter la liberté de mouvement de
la population.
lancé
une opération pour la libération des
prisonniers de droit commun retenus sans
jugement.
accepté que des membres
de l’opposition se réfugient au
monastère pour une réunion secrète. De
là a été lancé un manifeste en vue d’un
dialogue national qui a été repris par
le Président de la République.
accédé
à la demande de l’UCIP-Liban pour
inviter des journalistes catholiques. Ce
groupe est le premier au monde à avoir
noté que la population civile était la
cible d’une violence qui ne provenait
pas du régime. Le fait de le dire a
déchaîné de graves accusations contre
Mère Agnès-Mariam qui ne se sont pas
tues à ce jour. La communauté est fière
d’être persécutée parce qu’elle a
contribué à faire la lumière sur ce
volet ténébreux des guerres de l’ombre.
écrit,
le 5 novembre 2011 dans l’Orient-le
Jour, quotidien pro-opposition libanais,
une lettre au Président Bachar El Assad
pour réclamer des observateurs de la
Croix Rouge qui vérifient que les
blessés sont convenablement pris en
charge dans les hôpitaux, abstraction
faite de leur appartenance politique
ainsi que pour solliciter la création
d’un comité ad hoc qui s’occupe
des prisonniers retenus indéfiniment en
prison sans jugement.
continué
à établir les vraies listes des vrais
morts en contraste avec les fausses
listes des faux morts produites
honteusement par le frauduleux
Observatoire syrien des droits de
l’homme.
visité,
au péril de sa vie, les quartiers de
l’opposition dans la ville de Homs et
dans le village de Kusayr. Durant cette
visite Mère Agnès-Mariam cachée par une
burqa a vu de ses yeux les bandes armées
évoluer et, prise pour une musulmane, a
recueilli les confidences des sunnites
insurgés. Elle a été attristée de
constater que l’esprit de ces
populations minoritaires est gagné à
l’islamisme militant. Elles forment un
environnement porteur propice aux bandes
armées qui sévissent cruellement contre
la population civile toutes confessions
confondues tant que celle-ci cherche à
maintenir la normalité de la vie
citoyenne à l’ombre des institutions en
vigueur.
lancé
une campagne d’aide aux familles
sinistrées de Homs et de Kusayr.
hébergé
des personnes et des familles sans abris
et recueilli des enfants abandonnés.
obtenu
des visas à la demande de la presse
mainstream. Ce volet sera traité
ultérieurement.
Dans un temps marqué par de graves
manipulations et des conflits où les
innocents payent le prix du sang notre
communauté n’a pas peur, malgré les
rumeurs et les quand dira-t-on, de
s’avancer sur une voie qui est celle du
Christ qui enseigne la véracité et prône
l’amour du prochain ainsi que la
protection des plus faibles et de toute
personne humaine en danger.
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