Yasser Uqbi
"Tuer et voler les bêtes, brutaliser la population"
: c'est la tâche essentielle des patrouilles vertes dans le
Naqab
Rien ne peut vaincre la volonté d'un homme, ni sa conviction,
quelle que soit l'ampleur de l'injustice et de l'oppression.
Il a plus de 70 ans, et vit une situation amère, au milieu du
désert. La volonté de cette catégorie de population est
encore plus ferme que celle des autres, parce qu'elle a fait
l'expérience de la vie en affrontant l'aridité du désert et
la difficulté d'y vivre.
Mais il doit faire face à l'oppression exercée par les
autres, par le responsable, par celui qui prétend protéger
les gens. Le pire, c'est lorsqu'il a en face de lui ceux qui
se prétendent démocratiques, dans un Etat démocratique.
C'est l'histoire du vieillard Salem Awwad Rimaq, Abu Jumaa,
habitant de Tahma, dont la carte d'idendité indique qu'il est
citoyen dans l'Etat d'Israël. Il est né en 1935, mais
il ne porte pas la nationalité israélienne, comme des
dizaines de sa tribu, les Azazme, dans le Naqab, qui, bien que
vivant sur leurs terres, la citoyenneté leur est refusée. Ne
pas être citoyen signifie pour Abu Jumaa qu'il est interdit
de quitter le pays. Mais ce qui est encore plus terrible, ce
sont les mesures du pouvoir visant à l'expulser de sa terre
et auxquelles il doit faire face.
Nous avons rencontré ce vieillard au cours de la visite
organisée à l'attention des journalistes par le conseil régional
des villages non-reconnus. Le but était de mieux comprendre
la terrible vie menée par la tribu des Azazme, au sud-sud de
l'Etat d'Israël, et l'oppression menée par ce qui s'appelle
"les patrouilles vertes" soi-disant chargées de
protéger la nature contre ceux qui protègent réellement la
nature parce qu'ils sont les savants et les connaisseurs du désert.
Nous sommes arrivés à la maison de Salem Awwad Rimaq, exténués
par la route, située dans une vallée dans la région Tahma.
Et nous avons constaté qu'il résiste encore, malgré tout ce
que les autorités le font endurer, depuis plus de 40 ans.
Bien qu'il vive dans une région appauvrie, perdue entre les
montagnes, les diverses autorités et notamment les
inspecteurs de l'autorité de "la protection de la
nature" viennent le déranger de temps à autre. Trois
cabanes de bois empêchent ces inspecteurs de dormir la nuit,
parce qu'ils veulent la région vidée de toute présence bédouine.
Tuhma est une région éloignée qu'on ne peut rejoindre
qu'après avoir marché une longue distance, à partir de
l'est d'al-burj al-aaji. Le nom Tuhma a été choisi pour désigner
cet endroit parce qu'il est situé en contrebas des terres
situées autour.
Depuis sa naissance, Hajj Salem habite cette région, avec son
épouse. Il raconte tout ce qu'il a souffert dans cette région,
jusqu'à ce qui lui est arrivé il ya deux jours, à la fin du
mois de Ramadan. Il dit : "Nous attendions le maghrib
pour rompre le jeûne. Vint alors un inspecteur de l'autorité
de "la protection de la nature", très en colère,
parce que nous buvons l'eau d'une des sources de la région,
et que nous abreuvons nos bêtes. Il était en colère, car
a-t-il dit, l'eau est réservée à la chasse, la chasse aux bêtes
de la région. "Si vous voulez boire, allez à Beer
Haddaj!"
Il ajoute : "Après qu'il ait crié et rouspété, il a
renversé le tonneau d'eau, devant notre maison. Mon épouse a
essayé de l'en empêcher, il l'a poussée par terre. Elle a
eu quelques hématomes. Puis, il a confisqué le tonneau, que
notre fille nous avait rapporté".
"Cela s'est déroulé le dernier lundi du mois de
Ramadan. J'ai emmené la hajja au dispensaire de Shuqayb Salam
(village ghetto reconnu) où le médecin l'a soignée. Le
jeudi suivant, le jour de la fête, nous nous sommes dirigés
à la police de Dimona pour porter plainte, ils nous ont dit
de revenir le dimanche. Le dimanche, nous sommes allés une
autre fois, ils nous ont demandé de prouver que nous habitons
dans la région, afin que nous puissions porter plainte. Nous
avons alors porté plainte ailleurs, au poste de police des
villages, à l'intersection d'al-Suqati, contre l'inspecteur.
Hajja Umm Jumaa ajoute : "l'inspecteur a fouillé notre
maison. Il a même volé dix livres en or et 2000
shekels".
Mais les endurances de la famille Rimaq sont nombreuses. 450 bêtes
lui a été confisquées par les patrouilles vertes, ainsi
qu'une dizaine de chameaux. Pour l'obliger à quitter sa
terre, alors qu'il s'y accroche.
Ses enfants sont partis vivre dans les villages-ghettos, mais
lui ne veut pas s'en aller. Il refuse de laisser la terre pour
que l'Etat d'Israël se l'approprie.
Ailleurs, dans le village de Abdo, 'Id Saoud, 36 ans, témoigne
de la pratique des patrouilles vertes : Cet été, j'ai libéré
mes 16 chameaux sur le pâturage, comme font d'habitude les
gens dans cette région. Puis j'ai voulu les rentrer. Je les
ai cherchés mais en vain. Deux mois plus tard, je les
trouvais tués et enterrés dans la terre. Je suis allé au
poste de police de Matzpe Ramon (la colonie) pour porter
plainte, et la plainte dort toujours jusqu'à ce moment".
Hussayn Rafay'a, président du conseil régional des villages
non-reconnus, commente : "ils ont jugés ces bêtes, dans
un tribunal sommaire, et les ont exécutés. Ils auraient pu
les arrêter, connaître leurs propriétaires, puis procéder
autrement. Mais ici, c'est la loi de la jungle. Nous sommes
dans la "république du sud", avec ses propres lois.
Ce n'est qu'un aspect de l'injustice que nous vivons. Mais il
faut savoir que les hommes des "patrouilles vertes"
agissent selon des directives légales, comme s'ils agissent
dans un autre pays. Ils sont soutenus quoi qu'ils
fassent".
Traduit par Centre d'Information
sur la Résistance en Palestine