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RPL France
Qui bloque la
formation du nouveau cabinet ?
Bernard Mikael
Le général Michel Aoun
Vendredi 4 septembre 2009
Beaucoup d’information nuit à l’information… Les Libanais, du
Liban ou de la diaspora, vivent dans le brouillard le plus total
quant aux raisons, vrais raisons, du retard dans la formation du
nouveau cabinet. D’où vient ce retard, qui en est responsable
Revue chronologique
Suite aux élections du 7 juin 2009, l’ancienne majorité a été
reconduite au pouvoir avec 72 députés. Coûts de l’opération
selon un responsable saoudien, environ 10.5 million de barils de
pétrole saoudiens (à 72 $ le baril), soit un jour de production
dédié au Liban, sans compter les frais engagés par les candidats
eux-mêmes.
La majorité (majorité depuis 1992 : coûts total de l’opération :
52 milliard de dollars de dette, soit plus de 170 % du PIB)
s’est alors réunie et a désigné M. Saad Hariri comme leur
candidat au poste de premier ministre.
Ensuite, et selon la Constitution libanaise, le Président de la
république a entamé les consultations parlementaires et a
désigné M. Hariri pour former le nouveau gouvernement. Les
consultations parlementaires est une action constitutionnelle
protocolaire dans laquelle le Président de la république demande
aux députés et blocs parlementaires de désigner leurs candidats
au poste de premier ministre. Le Président n’a plus qu’à faire
un petit calcul des voix pour désigner le nouveau chef de
gouvernement.
Mission du Président accomplie, nous sommes à la troisième
semaine après les élections.
Le premier ministre désigné, M. Saad Hariri, déclare le
lendemain qu’il souhaite former un gouvernement d’union
nationale pour que le Liban puisse faire face aux difficultés
économiques, difficultés politiques, et surtout face aux menaces
de guerre d’Israël.
Dans un gouvernement d’union nationale, chaque bloc
parlementaire aura un nombre de ministère qui soit proportionnel
au nombre de sa représentation parlementaire, à savoir :
- Bloc du Futur: (72
députés/128 sièges parlementaires)*30 ministères = 16,875
ministres
- Bloc du CPL:
(27/128)*30= 6,32 ministres
- Bloc d’Amal :
(15/128)*30= 3,5 ministres
- Bloc du Hezbollah :
(14/128)*30= 3,5 ministres
Or, cette formule ne peut pas être appliquée telle qu’elle,
puisqu’il a fallu compter une part pour le Président de la
république.
Au fait, la Constitution libanaise donne au Président le rôle
d’arbitrage dans les conflits internes, or les « Réformes de
Taëf » ne lui a laissé aucun outil constitutionnel pour qu’il
puisse honorer sa mission. D’où le consentement de tous les
partis politiques de céder chacun un nombre proportionnel de ses
sièges ministériels au Président. C’est ainsi que la fameuse
formule 10+5+15 est née : 10 ministres pour l’opposition (BCR,
Amal et Hezbollah), 5 ministres pour le Président de la
République et 15 ministres pour la majorité (Hariri, Joumblatt,
Forces libanaises, Kataëb…).
À la quatrième semaine après les élections, M. Hariri entame
alors les consultations avec les chefs des blocs parlementaires
pour l’affectation des ministères, mais, un changement de taille
vient bouleverser cet équilibre millimétré. M. Joumblatt avec
son bloc de 9 députés décident de sortir de la majorité, les
Kataëb, parti chrétien de la majorité, fait du chantage et est
sur le point de s’éloigner de la ligne majoritaire… La majorité
passerait donc à 63 députés, y compris les centristes, et le
pays se retrouvent avec 2 minorités.
Toutes les cartes sont en train d’être mélangée et nul ne sait
où atterrira le bloc Joumblatt et qui aura à nouveau la
majorité !! Il faudra, entre temps, remplir le vide et éloigner
les caméras curieuses des fissures majoritaires. Il y a une
cible idéale et historique qui dure depuis 1988, le Général Aoun
et sa représentativité.
L’obstacle Aoun »
C’est alors que naisse la campagne médiatique contre Joubran
Bassil, militant du CPL puis beau-fils du Général Aoun, et
ministre sortant des Télécommunications avec un bilan très
positif.
La campagne est né alors qu’il n’y a jamais eu de discussions
entre Hariri et le Général Aoun ou le CPL en général sur les
ministères demandés par le BCR, encore moins sur les noms des
candidats.
Cette campagne acharnée a pour objectif, probablement, le
brouillage des conflits internes et des séparations au sein de
la majorité, mais aussi, l’attente d’un feu vert venant des
États-Unis avec une escale en Arabie Saoudite.
La majorité (ou ce qui l’en reste) désigne le Général Aoun comme
responsable du blocage de la formation du nouveau cabinet et lui
reproche :
- d’être « gourmand » en
demandant 5 ministères, dont un dit « souverainiste »
(Intérieur, Affaires Étrangères, Justice et Défense sont
considérés comme ministères souverainistes)
- de demander 4 autres
ministères n’incluant pas des Secrétaires d’États
- de vouloir reconduire
Joubran Bassil au ministère des Télécommunications, alors
qu’il a échoué aux législatives !!
Ce sont ces trois conditions qu’on appelle aujourd’hui
« l’obstacle Aoun ».
Du côté du BCR, on considère que ces trois conditions ne forment
qu’un voile aux vrais problèmes dont souffre la majorité. Le BCR
voit que le blocage se situe au niveau des problèmes suivants :
- Les États-Unis et
Israël ainsi que plusieurs alliés de la majorité ne
souhaitent pas voir Hezbollah au cabinet
- Les gouvernements
Hariri ont pris l’habitude depuis l’accord de Taëf à ce jour
de marginaliser la représentativité chrétienne au sein du
pouvoir, jusqu’ici maillon faible à cause de sa résistance à
l’occupant syrien. Pourtant, le BCR est le deuxième plus
grand bloc parlementaire et de loin celui qui a la plus
grande représentativité chrétienne avec 52% des voix
- Un désaccord régional
entre les saoudiens, les syriens et les égyptiens. Les
premiers soutenant Hariri et le considère le « petit fils »
du Royaume. Les syriens ne veulent pas d’un gouvernement
pro-occidental qui ne prend pas en compte les intérêts
syriens dans le conflit Israélo-arabe. Les égyptiens font
tout pour compromettre les chances de Hariri et cherche à
reconduire leur allié, le premier ministre sortant, Fouad
Siniora.
- A l’instar du
ministère des Télécommunications, celui de l’Énergie et
celui des Affaires Sociales, des modèles exemplaires de
gouvernance et de gestion, le BCR veut étaler sa politique
réformiste sur d’autres ministères. Il s’oppose ainsi aux
intérêts des Hariri qui depuis 1992 ont les mains libres
dans la gestion des affaires de l’État et ses caisses
- Le BCR considère que,
depuis 1990, seuls les chrétiens paient le prix de la
gourmandise des Hariri et font seuls les concessions. Une
politique Haririenne qui a porté ses fruits en provoquant
une immigration chrétienne massive
Des voix de plus en plus hautes s’élèvent pour que le premier
ministre désigné abandonne la formation d’un cabinet d’union
nationale pour ainsi former un cabinet de majorité uniquement.
Voix portées par le Patriarche maronite, les Forces Libanaises,
les Kataëb… Ce sont, par hasard, les mêmes qui ont fait les
choix politiques, depuis l'accord de Taëf, qui ont conduit les
chrétiens à être isolé de leur milieu naturel, en vue d'un
partitionnement du Liban
Mais cela ne répond-il pas aux demandes américaines ?
Est-ce qu’il y a toujours une majorité depuis la sortie de
Joumblatt ?
Et jusqu’à quand les chrétiens paieront seuls le prix des
conflits régionaux et feront seuls les concessions ?
La question qu’il faut poser pour comprendre la volonté
d’écarter l’opposition : Quel est le point de blocage à
l’initiative de paix américaine et européenne dans la région, et
qui s’y oppose ? N’est-ce pas l’implantation des réfugiés
palestiniens dans les pays hôtes et un changement démographique
irréversible de la carte communautaire libanaise ? Ce ne sont
pas le BCR, Hezbollah et Amal qui s’y opposent ? C’est là qu'il
faut chercher la réponse au blocage…
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