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Les Etats-Unis participeront aux discussions internationales avec l’Iran : encore une série de menaces et d’ultimatums en perspective

Peter Symonds

Malgré les spéculations des médias sur un soi-disant virage dans la politique américaine envers l’Iran, l’annonce cette semaine que la secrétaire d’État Condoleezza Rice participera à une conférence régionale avec son homologue iranien ne représente pas un adoucissement de la position américaine. Dans le contexte d’une confrontation grandissante avec l’Iran, les Etats-Unis vont, à n’en pas douter, utiliser le forum pour intensifier, et non amoindrir, les tensions avec Téhéran.

Comme le porte-parole de la Maison-Blanche l’a carrément dit à la presse : « Il n'y a pas de cassure. Un certain nombre de personnes décrivent la participation américaine à une rencontre régionale comme un changement de politique. Il n’en est rien. » Le porte-parole du département d’État Sean McCormack a renforcé ce message, déclarant que, contrairement aux reportages, la politique américaine concernant l’Iran « ne vacille pas, ne vire pas, ne fait pas volte-face, ne change pas. »

Le premier ministre Nouri al-Maliki, qui fait pression depuis un certain temps pour une telle conférence, a officiellement annoncé hier que la première étape des discussions, impliquant des responsables de moins haut rang, se tiendra le 10 mars à Bagdad. Le gouvernement irakien y a invité tous ses pays voisins, y compris l’Iran et la Syrie, des membres de la Ligue arabe et de l’Organisation de la conférence islamique ainsi que les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU et différentes organisations internationales.

Cette première étape aura pour objectif de préparer une autre rencontre à laquelle participeront Rice, les ministres des Affaires étrangères de l’Iran et de la Syrie ainsi que les représentants d’autres pays et organisations. Le porte-parole du département d’État McCormack a laissé entendre que des discussions informelles avec des diplomates iraniens seraient possibles, mais seulement sur la question de la sécurité en Irak. Lorsqu’on lui a  demandé si des pourparlers pourraient avoir lieu sur l’impasse concernant la question des programmes d’armements nucléaires iraniens, il a réitéré la demande américaine que Téhéran suspende son programme d’enrichissement de l’uranium.

La proposition de pourparlers régionaux est loin d’être nouvelle. À la fin de 2004, le secrétaire d’Etat de l’époque, Colin Powell, avait participé à la première rencontre d’un comité sur l’Irak nommé International Compact on Iraq au centre de villégiature égyptien Sharm El Sheik au cours de laquelle il n’avait échangé que des banalités avec le ministre iranien des Affaires étrangères Kamal Kharrazi. L’an dernier, des responsables américains et iraniens avaient annoncé un projet de rencontre entre l’ambassadeur américain en Irak, Zalmay Khalilzad, et des responsables iraniens sur les questions de sécurité en Irak. Mais ces projets étaient tombés à l’eau après que des dirigeants irakiens aient objecté que Khalilzad empiétait, dans les faits, sur les responsabilités de leur gouvernement « souverain » et aient proposé à la place un forum régional.

L’administration Bush a l’intention d’utiliser les rencontres prochaines pour faire avancer agressivement ses allégations que l’Iran et la Syrie soutiennent les insurgés anti-américains en Irak. Depuis que le président Bush a déclaré lors de son discours sur l’Irak du 10 janvier que les États-Unis allaient « rechercher et détruire » les réseaux fournissant armes et entraînement, les soldats américains effectuent des rafles de responsables iraniens prétendument impliqués. Selon un article de Seymour Hersh paru cette semaine dans le New Yorker, jusqu’à 500 Iraniens, y compris des travailleurs humanitaires, ont été détenus à un moment ou à un autre.

Malgré tout, l’administration Bush n’a fourni aucune preuve montrant que le régime iranien est directement impliqué dans l’approvisionnement d’armes à la milice chiite en Irak. Le week-end dernier, des soldats américains ont présenté une série d’armes qui auraient appartenu à la milice chiite, mettant l’accent sur les pièces faites en Iran servant à la fabrication de bombes, connues sous le nom de projectiles à charge formée (EFP). Toutefois, comme l’a rapporté le New York Times, les autres objets ne provenaient vraisemblablement pas d’Iran, mais plutôt d’Irak, des Émirats arabes unis et d’autres pays du Moyen-Orient.   

D’autres accusations non fondées ont été portées par le directeur de l’Agence de renseignements de la défense, Michael Maples, lors d’une audience du Sénat américain mardi. Sans présenter aucune preuve, Maples a soutenu que l’Iran entraînait la milice chiite irakienne à utiliser des EFP au Liban et en Iran, ajoutant que le Hezbollah était lui aussi impliqué. Le nouveau directeur du renseignement national, Mike McConnell, qui était aussi présent, a reconnu toutefois qu’il n’y avait pas de preuve directe de l’implication de hauts dirigeants iraniens, affirmant seulement que cela était « probable ». 

Le « dossier » monté contre l’Iran — des pièces iraniennes servant à la fabrication de bombes,  des « renseignements » secrets sur l’implication de l’Iran, de sinistres histoires sur les forces « d’élite » Al-Qods de la Garde révolutionnaire iranienne ainsi que des spéculations selon lesquelles de hauts dirigeants de Téhéran seraient « probablement » impliqués — est aussi solide que la fabrication mensongère qui a été utilisée pour justifier l’invasion criminelle de l’Irak. Et malgré tout, comme l’a clairement affirmé le porte-parole du département d’État McCormack, les armes fabriquées par l’Iran seront « certainement notre priorité » lors des prochaines conférences internationales. 

L’administration Bush ne fait pas de « diplomatie » au sens généralement accepté du terme. Rice n’assistera pas à la conférence pour négocier avec l’Iran ou la Syrie, ni même avec tout autre participant, mais pour imposer sa loi et lancer une série de demandes et d’ultimatums. Elle a ainsi passé les dernières semaines à forger une alliance anti-iranienne d’États « modérés » du Moyen-Orient, incluant l’Arabie Saoudite, la Jordanie et l’Égypte, pour ajouter plus de poids aux menaces américaines.

En coulisse, les officiels américains sont tout à fait clairs quant au but de la participation des Etats-Unis aux conférences. Le New York Times a rapporté qu’« Un haut représentant de l’administration a affirmé que, malgré le fait que des représentants de Bush aient tenté d’entamer des pourparlers avec l’Iran et la Syrie, ils ne voulaient pas paraître en position de faiblesse en s’adressant à eux. En intensifiant la confrontation, ont affirmé les représentants de l’administration, les Etats-Unis étaient plus en situation de contrôle. »

Même si l’on prend pour argent comptant que les États-Unis se limitent au rôle de participant à un jeu stratégique complexe, les actions de l’administration Bush n’en demeurent pas moins complètement casse-cou. L’armée américaine a déjà deux groupes de porte-avions stationnés dans le golfe Persique et elle a intensifié les patrouilles de ses chasseurs le long de la frontière entre l’Irak et l’Iran. Ces actions provocatrices se sont aussi accompagnées d’une intensification de la campagne de propagande contre le soi-disant programme d’armes nucléaires de l’Iran et son soutien à l’organisation « terroriste » du Hezbollah, ainsi que son approvisionnement en armes des insurgés irakiens. Tout ceci pourrait facilement dégénérer en un conflit militaire.

L’administration Bush n’a aucune intention de négocier de bonne foi avec l’Iran et la Syrie. En même temps que Rice annonce qu’elle sera présente à la conférence à venir, les États-Unis intensifient les pressions sur les membres du Conseil de sécurité de l’ONU pour imposer des sanctions plus sévères contre l’Iran à cause de son programme nucléaire.  Des sanctions économiques plus dures vont évidemment augmenter les difficultés économiques de l’Iran. Cependant, ce n’est pas l’unique objectif de la nouvelle résolution de l’ONU. Comme cela avait été le cas pour les préparatifs de guerre contre l’Irak, les États-Unis vont certainement exploiter la liste grandissante des résolutions de l’ONU pour donner un mince vernis de légitimité à toute agression militaire contre l’Iran.

Entre-temps, la participation des États-Unis à la conférence internationale sur l’Irak est un stratagème qui sert plusieurs objectifs politiques. Il est destiné à engourdir le sentiment d’inquiétude grandissant parmi les travailleurs aux États-Unis et internationalement face à l’imminence de la catastrophe que représente une autre guerre au Moyen-Orient et à obtenir l’appui du Parti démocrate pour celle-ci. Bien que la participation américaine à la conférence soit un geste creux, la Maison-Blanche va sans aucun doute prétendre qu’elle a donné une chance à la diplomatie. L’ex-congressiste démocrate Lee Hamilton, qui coprésida le groupe d’étude sur l’Irak, a immédiatement pris cette position, déclarant que la décision de Rice « était un geste très positif » et un « changement énorme » dans l’approche de l’administration Bush au Moyen-Orient.

Au même moment, l’administration Bush a utilisé son projet de participation à la conférence pour forcer son régime fantoche en Irak à accepter son plan d’exploitation pétrolier. Comme l’expliquait le New York Times : « Les représentants irakiens font pression depuis des mois pour une telle rencontre, mais les représentants de l’administration Bush ont refusé de participer avant que le gouvernement irakien s’entende sur des questions intérieures urgentes, dont des directives sur la distribution nationale des revenus du pétrole et celles sur l’investissement étranger dans l’immense industrie pétrolière du pays, a dit un représentant officiel. »

Le chantage américain semble avoir fonctionné. Lundi, le cabinet irakien s’est finalement mis d'accord après des mois de disputes acerbes sur le partage des revenus et pour l’adoption d’une loi qui va définir comment les sociétés internationales, principalement américaines, pourront commencer l’exploitation de nouveaux gisements de pétrole. Le même jour, les plans pour les conférences internationales étaient annoncés et, le jour suivant, Rice confirmait sa présence. Le ministre irakien des Affaires étrangères Hoshyar Zebari a décrit la décision de Rice comme étant « très significative. »  Il avait précédemment publiquement souligné le danger de voir l’Irak entraîné dans une confrontation américaine contre l’Iran. 

Pour l’administration Bush, la participation de Rice à la conférence n’est rien de plus qu’une manœuvre utile qui peut facilement être renversée. Entre-temps, la principale poussée de la politique américaine se poursuit : la préparation menaçante d’une nouvelle aventure militaire contre l’Iran. 

(Article original paru le 2 mars 2007)

 

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Source : WSWS
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