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Nouvelles d'Irak
Ahmed
Chalabi, l'homme de soufre
Gilles Munier
Gilles Munier
Jeudi 4 mars 2010
Le nom de Chalabi est associé aux mensonges qui ont alimenté la
machine de propagande américaine pour justifier la Seconde
guerre du Golfe et renverser Saddam Hussein, les plus connus
étant l’existence d’armes de destruction massive en Irak et les
liens entre Saddam Hussein et Ben Laden. Moins médiatisés sont
l’étendue de ses relations avec Israël, l’Iran, et son rôle dans
le déclenchement de la « purge anti-baasiste » qui
perturbe actuellement l’organisation des prochaines élections
législatives.
Etablir des relations diplomatiques
et commerciales avec Israël
Les premiers contacts d’Ahmed Chalabi avec le Mossad sont anciens.
Ils datent de l’époque où il dirigeait la Banque Petra en
Jordanie. En effet, dans les années 70, Israël l’autorisa à
ouvrir des succursales dans les territoires occupés de
Cisjordanie. Son premier voyage secret à Tel-Aviv, connu, eut
lieu en 1985 pour rencontrer Albert Wohlstetter, un de ses
professeurs à l’université de Chicago, considéré comme le
« parrain des néo-conservateurs américains », dont la
personnalité a inspiré le personnage psychopathe de Docteur
Frolamour, le film de Stanley Kubrick. Wohlstetter lui
présenta Richard Perle - surnommé « le prince des
ténèbres », ou Dark Vador ! -, alors sous-secrétaire à la
Défense de Ronald Reagan, et, plus tard, Paul Wolfowitz, qui
propageait dans les années 70 une soi-disant menace irakienne
sur l’Arabie Saoudite.
Malgré les accusations d’escroquerie portées contre Chalabi après
la faillite frauduleuse de la Banque Petra - plus de 200
millions de dollars envolés –, Wohlstetter l’introduisit
dans le cercle restreint des amis de Dick Cheney et de Donald
Rumsfeld. Leur poulain s’étant engagé à établir des relations
diplomatiques et commerciales avec Israël et à reconstruire
l’oléoduc reliant Kirkouk à Haïfa *, ils en firent le pivot des
opérations de déstabilisation de l’Irak et le président éventuel
du pays après le renversement de Saddam Hussein. A ses alliés
arabes qui craignaient que ses liens avec l’American Israel
Public Affairs Committee (AIPAC), le lobby
sioniste américain, le desservent, Chalabi répondait qu’il
« avait besoin des Juifs pour obtenir ce qu’il voulait de
Washington, et qu’après il les laisserait tomber » !
Qui manipule qui ?
Ni les néo-conservateurs, ni la CIA ne se doutaient que Chalabi
était en relation d’affaires avec le Vevak, le service
secret iranien. Scott Ritter, ancien chef des inspecteurs des
Nations unies, s’en était inquiété lorsque Chalabi, cherchant à
le manipuler, lui avait proposé de rencontrer le chef de poste
du Vevak à Bagdad. Personne ne se rappelait que la
Banque Petra n’avait pas seulement couvert des opérations du
Mossad, mais géré des comptes du mouvement pro-iranien
Amal au Liban, dans les années 80. Sur les conseils de
Téhéran – seul à préparer sérieusement l’après-Saddam
-, Chalabi avait convaincu David Wurmser, un des maîtres à
penser néo-conservateur, que le remplacement du régime baasiste
par son opposition chiite « terrifierait » les mollahs
khomeynistes ! En 1999, il lui fit écrire dans « Tiranny’s
Ally », que la concurrence des chiites irakiens
contrebalancerait l’influence de l’Iran au Proche-Orient, et,
qu’ainsi, naîtraient des coalitions proaméricaines dans toute la
région… Ce scénario défendu par Wurmser, co-auteur d’« Un
changement radical pour sécuriser le royaume » (… d’Israël,
bien sûr), rapport expliquant à Benjamin Netanyahou comment
redessiner la carte du Proche-Orient, remonta aux plus hauts
niveaux de l’administration Bush. On connaît la suite : une
coalition chiite s’empara du gouvernement à Bagdad, aucune des
prédictions de Chalabi ne se réalisa et l’Irak sombra dans un
chaos sanglant sur lequel surfent des groupuscules manipulés par
l’Iran.
Mortifié par le refus de George Bush de le laisser créer un
« gouvernement provisoire de la république irakienne »,
marche pied permettant d’accéder à la présidence du pays,
Chalabi en déduisit que sa seule chance d’arriver un jour au
pouvoir était Mahmoud Ahmadinejad, car ce dernier n’acceptera
jamais un retour du parti Baas à Bagdad, surtout orchestré par
les Occidentaux. En avril 2004, la DIA (Service
secret de la Défense) découvrit le pot aux roses en
écoutant les conversations téléphoniques entre l’ambassade
d’Iran en Irak et Téhéran. Comme Scott Ritter l’avait subodoré,
Chalabi trahissait les Etats-Unis. Il avait informé le Vevak
que les services secrets américains avaient cassé le code
cryptant ses messages. Celui que les néo-conservateurs
appelaient "Notre homme à Bagdad" était un sous-marin
iranien.
* Lire
L’oléoduc kurde (AFI-Flash – 25/1/06)
http://www.france-irak-actualite.com/pages/kurdistan-l-oleoduc-kurde-26-1-06--1985589.html
La soif de pétrole irakien d’Israël (Afrique Asie- mars 2008)
http://www.france-irak-actualite.com/pages/Petrole_Israel_et_le_petrole_irakien_mars_2008-1969256.html
© G. Munier/X.Jardez
Publié le 6 mars 2010 avec l'aimable
autorisation de Gilles Munier
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