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NOUVELOBS.COM | 28.01.06 | 07:12
Les quotidiens du samedi 28 janvier commentent la victoire du Hamas
aux législatives palestiniennes.
LE MONDE
"Les deux raisons du succès du Hamas sont connues. Du retrait
israélien de Gaza, après cinq ans de guerre, la plupart des
Palestiniens, exsangues, ont conclu que les Israéliens ne se
retirent jamais d'un territoire conquis que devant la force. Ils ont
crédité les islamistes de cette cohérence. Et ils ont voulu
"punir" leur Autorité pour son incurie, son clientélisme
et sa corruption. (...) Quant aux Israéliens, ceux qui espéraient
que le scrutin en Palestine clarifierait la situation en sont pour
leurs frais. Pour certains, notamment ceux que les ambiguïtés du
Fatah avaient définitivement déçus, mieux vaut devoir traiter
avec son pire ennemi. Dans le passé, un ministre du courant dur du
Likoud a pu affirmer sans ciller : "Je préfère un Hamas sans
masque à une Autorité palestinienne qui avance masquée. Alors,
les choses seront claires..." Nous y sommes. L'avenir des
relations israélo-palestiniennes semble beaucoup moins
"clair" que ne l'imaginait ce ministre.
D'autant qu'aucun responsable ne peut oublier une seconde que le
mouvement qui vient de l'emporter affiche résolument sa détermination
à voir disparaître l'Etat d'Israël."
LA CHARENTE LIBRE
Jacques Guyon
"Deux jours après le raz de marée électoral du Hamas, tout
le monde se réveille avec une sale gueule de bois.
D'abord Israël et son service de sécurité intérieure, le Shin
Beth, mis en cause très directement hier par le gouvernement pour
ne pas avoir su prévoir un événement qu'il avait sous le nez.
Ensuite les Etats-Unis, qui voient leur théorie de la contagion démocratique
par "effet domino"
totalement mise en échec.
Mais encore l'Union européenne, premier contributeur de l'Autorité
palestinienne, qui se demande comment elle pourra gérer sans
dommage humanitaire le gel de ses aides si le Hamas ne renonce pas
à la violence.
Sur le plan intérieur, et en raison de cette écrasante victoire
qu'ils ne prévoyaient pas, les dirigeants du Hamas sont, eux, en
train de mesurer l'énorme responsabilité devant laquelle ils se
trouvent. Les voilà désormais face à un dilemme: ou précipiter
leur peuple vers la ruine, ou mettre de l'eau dans leurs versets
contre Israël. (...)"
LA REPUBLIQUE DES PYRENEES
Henri Jacques
"(...) Même si aujourd'hui le Premier ministre israélien par
intérim, Ehoud Olmert, refuse tout contact avec les membres d'un
mouvement voué à la "destruction" de son pays, même si
les leaders islamistes palestiniens font valoir qu'il n'est pas
question de "reconnaître" l'Etat d'Israël, des contacts
s'établiront forcément, ne serait-ce que parce que la vie
quotidienne des deux peuples est trop imbriquée pour que les deux
parties s'ignorent totalement. Et ce qui peut nourrir, en dépit de
tout, quelque optimisme en Israël, c'est que le Hamas au pouvoir
aura trop à perdre pour risquer, sans y réfléchir à deux fois,
une confrontation directe. Mais il est vrai aussi que la vague
islamiste qui atteint à leur tour les Palestiniens a moins à voir
avec Israël qu'avec le repoussoir constitué dans le monde arabe
par les régimes en place du Caire à Bagdad, en passant par Damas
ou Ramallah."
LE TELEGRAMME
Dominique Bromberger
"(...) L'avenir dépendra de l'habileté du président
palestinien, de l'esprit de réalisme dont sauront ou ne sauront pas
faire montre les dirigeants du Hamas et du résultat des élections
israéliennes du mois de mars.
A terme, pourtant, ce qui a été considéré par les dirigeants du
monde entier comme un "tsunami politique" ne débouchera
pas automatiquement sur une catastrophe. Richard Haas, président du
Council of Foreign relations, le plus prestigieux des centres d'études
américains sur la politique étrangère, estime que dès que les
esprits se seront un peu apaisés et si le Hamas tient sa promesse
de ne pas organiser d'attentats, Israël pourrait reprendre la
politique qui avait été celle d'Ariel Sharon, c'est-à-dire procéder
par étapes à l'évacuation de certains territoires occupés. Rien,
évidemment, ne peut être considéré comme assuré aujourd'hui. Il
faut encore que les Palestiniens ne se déchirent pas entre eux, que
les militants déçus du Fatah ne jouent pas la politique du pire.
Et que puisse se constituer un gouvernement palestinien acceptable
aux yeux des Américains."
NORD ECLAIR
Jules Clauwaert
"(...) Ce qui importe, désormais, c'est de renoncer à la
violence, et de respecter le droit à l'existence de deux peuples et
de deux Etats, dans des frontières reconnues et garanties.
Il ne manquera pas de médiateurs, s'il le faut, pour faciliter les
arbitrages, dès lors que se manifestera de part et d'autre une véritable
volonté de paix. Ni d'aides extérieures, pourvu qu'elles soient
d'abord utilisées au mieux-être des plus démunis. Quant aux
religions, sur cette
terre sacrée pourtant de monothéistes, on attend d'elles qu'elles
unissent, et non pas qu'elles divisent. Qu'elles rassemblent, et non
pas qu'elles séparent. Et qu'à tous les niveaux, elles jouent un rôle
de lien, et d'exemple de compréhension et de charité entre les
hommes, les groupes, et les peuples."
LA NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE-OUEST
Jean-Pierre Bel
"Le 25 janvier n'est pas le 11 septembre ! Même s'il a tout
d'une bombe, le triomphe du Hamas en Palestine est, en fait, une
implosion démocratique. Le résultat bouleverse brutalement un
Moyen-Orient figé dans une vraie fausse guerre depuis les accords
d'Oslo. Mais cette fulgurante étincelle jaillit à l'intérieur
d'un processus légal répondant à tous les critères de nos démocraties.
Elle apparaît en fait comme l'apogée d'une lente et puissante
vague verte qui, plus sûrement que les boeings détournés du World
Trade Center, peut faire vaciller bien des institutions installées
(...) Point d'orgue de cette évolution : le Hamas est à Ramallah !
On verra très vite si le bulletin de vote lui est un simple masque
ou un véritable outil politique."
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