Le jour du triomphe du Hamas, le chef suprême, Khaled Meshal, contrôle
son euphorie et pèse ses mots : "C'est une première étape.
Cependant, d'autres étapes sont nécessaires avant d'arriver à
l'objectif : la libération de l'occupation".
Il n'est pas facile de réussir à rencontrer Meshal (Abu'l Walid,
pour ses partisans).
Étant une cible mobile d'Israël, il change continuellement de
place son quartier général.
À Amman, le Mossad lui a injecté du poison derrière l'oreille
avec une seringue à air-comprimé. Après avoir été découverts
et capturés, les agents Israéliens ont été libérés en échange
de l'antidote. Le fait a provoqué une crise internationale.
Maintenant, pour le rencontrer, on nous amène à une Mercedes 200
blindée et avec des vitres teintées. Nos téléphones portables
sont coupés, désassemblés et mis dans une boite en métal, nous
laissons nos sacs et nos chaussures.
M. Khaled Meshal, quel goût a la victoire ?
"Vous devriez le demander aux Américains et aux Israéliens,
à voir leur consternation avant les résultats des élections.
Washington appelle à la démocratie.
Bien, l'électorat s'est exprimé.
Peut-être que notre démocratie a un visage qui ne plait pas aux
Occidentaux : cependant, c'est un jour splendide pour notre
nation."
Et aussi pour la paix? Israël considère votre victoire comme
une catastrophe, la fin du processus de paix.
"Cela dépend d'Israël, pas de nous. S'il est disposé à
reconnaître le droit des Palestiniens à vivre librement sur leurs
propres terres, alors la paix est à portée de main.
Nous sommes prêts. Mais le sont ils?"
M. Meshal, êtes-vous disposés à négocier?
"Depuis Madrid et Oslo, les accords ont mené nulle part.
Le processus de paix est dans une impasse, la qualité de vie des
Palestiniens a empiré, la barrière avance et engloutit d'autres
terres.
Quant à la Feuille de Route, elle est inacceptable.
Elle nous impose des conditions détaillées : Le désarmement et
l'arrestation des mujaheddins, abandonner la résistance.
Pourtant elle est vague en ce qui concerne les devoirs d'Israel :
elle ne dit pas un mot sur Jérusalem, ni sur le sort des réfugiés,
ni sur la dimension des territoires à rendre".
Le Hamas ne dit pas clairement non plus quelle partie de la
Palestine il veut
libérer. Svp, dites-le : Voulez-vous dire, récupérer la Palestine
Historique qui comprend Israel ou seulement les territoires occupés
en 1967?
"Je vous répondrai par une autre question : pourquoi le monde
demande-t-il aux Palestiniens de définir les frontières de leur
propre patrie alors qu'il ne demande pas aux Italiens de faire la même
chose avec l'Italie?
Je connais très bien la carte de mon pays."
Donc, le Hamas ne reconnaîtra pas Israël, n'est-ce pas ?
"Non, nous ne le ferons pas. Israël est né d'une agression,
une occupation des terres d'un autre peuple."
Votre charte appelle à la destruction d'Israël. On dit que, en
raison des
élections, vous supprimeriez ce paragraphe écrit en 1988.
"Vous, les Occidentaux, avez tort : la charte n'appelle pas du
tout à la destruction d'Israël.
En Arabe, il est écrit : "Pour mettre un terme à l'occupation
israélienne de
la Palestine".
Nous ne voulons pas nous débarrasser de l'autre, nous souhaitons
seulement obtenir nos droits. Ainsi, ce paragraphe restera."
Est-ce que vous accepterez des négociations via un tiers impliqué,
comme Israël l'a fait au Liban avec le Hezbollah?
"Nous n'avons toujours pas décidé. Nous avons déjà à négocier
avec les Israéliens, en ce qui concerne les municipalités, pour
des raisons pratiques.
Le Hamas ne rejette pas les discussions.
C'est la philosophie d'Israël qui nous empêche de négocier.
Ainsi, il ne nous reste plus que la résistance ".
L'Amérique, l'Europe et Israël vous demandent de déposer les
armes.
Accepterez-vous?
"Évidemment pas, aussi longtemps que la majeure partie du
territoire sera sous occupation. Seule la force a donné des résultats,
le retrait israélien de Gaza."
Pourtant, vous avez négocié une trêve.
"C'est vrai, et nous l'avons respectée tandis qu'Israël ne
l'a pas fait.
Maintenant, elle a expiré depuis le 1er janvier. Cela ne signifie
pas que le Hamas ne tiendra pas compte de la réalité : cela dépendra
des conditions du peuple et sur le terrain."
Comment le Hamas pense-t-il entrer dans le processus politique?
"Le Hamas s'occupe de politique depuis longtemps. Notre
plateforme politique prévoit également une seconde voie, en plus
de la résistance : construire la vie politique sur une base démocratique
et solide, lutter contre la corruption et introduire un principe de
liberté et de justice."
Marwan Barghouti, depuis sa prison, vous propose un gouvernement
de coalition avec le Fatah.
"C'est trop tôt. Nous devons évaluer la situation
internationale, qui est très sensible, examiner les pressions de
l'Amérique sur l'Autorité Palestinienne.
Si Abu Mazen nous demande d'accepter les Accords d'Oslo et de
reconnaître Israël, c'est quelque chose que nous ne ferons pas.
En tout cas, nous participerons à chaque processus décisionnel."
Sharon a frappé et liquidé votre direction. Quelles en ont été
les conséquences, M. Meshal?
À cette question, M. Meshal bondit. "Regardez", dit-il en
pointant un panneau sur le mur : un panneau énorme en forme de
diamant rempli de photos de visages souriants, les chefs
"martyrs" du Hamas.
A droite, magnifique à l'intérieur d'un soleil, il y a le cheik
Yassine. A gauche, le Dr. Rantissi.
"Les conséquences sont sous les yeux de tous. Que, en dépit
de la mort de tous ces hommes, l'Amérique, l'Europe et Israël
devront dorénavant traiter avec nous."
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