Homme politique fin et chevronné, Ossama
Hamdane, représentant du Hamas au Liban, affiche pourtant
sans vergogne une position intransigeante sur le conflit israélo-palestinien.
Il se donne comme mission la libération de la Palestine.
L’engagement comme unique voie
Difficile d’être
en compagnie de Ossama Hamdane, le représentant du mouvement de la
résistance islamique Hamas au Liban, sans sentir naître ou renaître
en soi une sympathie profonde pour la cause palestinienne. Calme,
serein, les traits à la fois détendus et inspirant une grande détermination,
Ossama Hamdane est le prototype de l’homme engagé, qui voue sa
vie entière à une cause dont tout son être est imprégné. Il se
dégage de lui cette impression que l’on ressent auprès des
personnes qui savent pertinemment qu’ils ont une mission et
qu’ils y consacreront toute leur énergie, voire leur vie. Entouré
de ses gardes du corps, l’air alerte et vigilant, l’homme
politique chevronné sait choisir ses mots. Pourtant, c’est avec
passion qu’il parle de la cause palestinienne, malgré la
conjoncture actuelle qui ne porte pas à l’optimisme. « Nous
autres, Palestiniens, nous grandissons tous dans un environnement
hautement politisé. Dès notre jeune âge, nous entendons sans
cesse les discours et les commentaires concernant notre conflit avec
les Israéliens. Il est difficile d’être palestinien sans être
politisé, et cela quels que soient le niveau social ou le niveau
d’études. Le combat pour notre cause, on l’a dans le sang,
c’est presque génétique », explique Ossama. « Il était donc
logique que je m’engage dans la voie politique, d’autant plus
que ma famille était déjà en plein dans cet engagement ». Son père
avait en effet joué un rôle non négligeable dans la création du
mouvement Fatah — le Hamas n’existait alors pas —, mais il
s’en est ensuite démarqué.
A l’époque, la
famille de Ossama vivait au Koweït. C’est là qu’il a vu le
jour, en 1965. Sa famille faisait alors partie d’une importante
communauté palestinienne, quelque 450 000 à cette époque, vivant
dans ce pays. De son enfance, il garde de bons souvenirs. Dans le
temps, les Palestiniens vivaient relativement bien au Koweït, les
choses ont ensuite bien changé, en raison de la première guerre du
Golfe en 1992. Selon Ossama, « les Palestiniens avaient lourdement
payé le prix du choix du défunt président Yasser Arafat ». Après
la guerre du Golfe, ils avaient en effet subi persécutions et
mauvais traitements, ce qui a contraint la grande majorité
d’entre eux à fuir le pays. Un exemple parmi d’autres qui est
à l’image du destin du peuple palestinien, un destin fait
d’exils à répétition. « Aujourd’hui, ils ne sont plus que
quelques milliers à vivre au Koweït. Heureusement, ma famille
avait déjà quitté le pays avant le conflit ».
Mais l’engagement
de Ossama ne s’est façonné que petit à petit. Après une
enfance et une adolescence imprégnées de politique, il s’est
ensuite rendu en 1982 en Jordanie pour y faire ses études
universitaires. Sa formation de chimiste lui a permis de voir les
choses avec pragmatisme. Pendant ses études, Ossama a vu
progressivement croître son intérêt pour les grandes causes. Sur
les bancs de l’université, il était toujours à la tête de ceux
qui militaient pour telle ou telle question. Il opte alors pour la
tendance islamiste. « C’est à cette époque que j’ai commencé
à m’investir dans les actions estudiantines et syndicales. Ça
m’a permis d’approfondir mes connaissances et ma pensée. C’était
en quelque sorte un prélude à mon entrée dans le domaine de la
politique », raconte Ossama.
Mais ce qui a fait éclore
cet engagement, c’est en fait le déclenchement de la première
Intifada, en 1987. « J’ai alors senti qu’il n’était plus
possible de rester les bras croisés, qu’il fallait agir, prendre
position et entreprendre des pas concrets en faveur de la question
palestinienne ». Et ce n’est que quelques années plus tard, en
1992, que son engagement politique a réellement commencé à se
dessiner. C’est cette année-là qu’il rejoint le bureau du
Hamas à Téhéran. Il travaille alors avec Emad Al-Alami qui était
responsable du mouvement en Iran avant de devenir lui-même le représentant
du Hamas à Téhéran, poste qu’il occupera jusqu’en 1998.
Ossama Hamdane
s’est ensuite rendu au Liban pour prendre en charge le bureau du
Hamas à Beyrouth. C’est à partir de ce moment qu’il devient de
plus en plus actif, multipliant les rencontres avec les dirigeants
libanais, mais aussi plus présent dans les médias pour défendre
la cause de son mouvement. C’est probablement cette forte
personnalité qui lui a permis d’assumer une telle responsabilité.
Car être à la tête du bureau du Hamas à Beyrouth est une tâche
loin d’être facile au vu de la complexité de la situation dans
ce pays, qui abrite quelque 360 000 réfugiés palestiniens, un
nombre qui n’a cessé d’augmenter depuis la nakba de 1948, qui a
vu les premiers exils en masse des Palestiniens vers les pays
avoisinants. A ce sujet, Ossama reconnaît non sans amertume que la
question des relations entre les autorités de Beyrouth et les réfugiés
palestiniens a traversé des phases bien difficiles au cours des
dernières décennies. « C’est une relation instable qui a
longtemps été perturbée, notamment pendant la période de la
guerre civile libanaise. Les réfugiés palestiniens en ont pâti et
en pâtissent toujours. Il suffit de savoir par exemple que les
Palestiniens du Liban sont interdits d’exercer quelque 70
professions. Des points de vue économique et social, leur situation
est déplorable. Et nous faisons de notre mieux pour améliorer les
conditions de vie dans les camps palestiniens et protéger leur
droits », explique Ossama.
Mais selon lui,
s’il est primordial d’alléger les souffrances des Palestiniens
au quotidien, le plus important est de leur garantir le droit de
retour. C’est justement là son cheval de bataille. « Lorsque ce
qu’on appelle le processus de paix a été engagé et que la
question du droit de retour a été reportée aux négociations sur
le statut final — négociations qui, par ailleurs, n’ont jamais
eu lieu —, cela n’a fait qu’accroître l’inquiétude aussi
bien chez les réfugiés que chez les autorités libanaises. A cela
se sont ajoutés des projets d’implantation, évidemment
inacceptables ». Aujourd’hui, il est selon lui nécessaire de réorganiser
la relation entre les Palestiniens et les Libanais, c’est
d’ailleurs l’objectif du dialogue entamé entre les deux parties
et de la récente visite effectuée par une commission ministérielle
libanaise dans des camps de réfugiés palestiniens. « C’est un
premier pas, qui, espère-t-on, sera suivi de mesures concrètes ».
Mais la question la plus sensible reste celle du désarmement des
organisations palestiniennes présentes au Liban exigé par la résolution
1 559 du Conseil de sécurité de l’Onu. Pour Ossama Hamdane, ce
dossier ne doit pas être traité selon une approche uniquement « sécuritaire
». « Il faut régler le problème des réfugiés dans sa globalité
en prenant soin de ne pas négliger les dimensions politiques et
humaines, dit-il. Cela nécessite donc une entente
libano-palestinienne, surtout qu’il existe deux points de
convergence : le premier est la sauvegarde du droit de retour des réfugiés.
Et le deuxième, la nécessité que la sécurité, la paix et la
stabilité règnent au Liban ».
Ossama ne s’en
tient pas aux questions des réfugiés palestiniens, c’est là une
seule des multiples facettes de son combat. En véritable «
Hamassiste », il ne mâche pas ses mots lorsqu’il parle des
relations israélo-palestiniennes. « Il ne faut pas se leurrer,
toute relation est rompue depuis 2003, depuis qu’Israël a encerclé
l’ancien président Yasser Arafat dans son siège à Ramallah. Même
après l’arrivée au pouvoir de Mahmoud Abbass, rien n’a changé.
Ce sont les Israéliens qui coupent les ponts. Depuis Oslo, ça a
toujours été eux qui faisaient marche arrière, alors que l’Autorité
faisait de plus en plus de concessions. A quoi tout cela nous a-t-il
menés ? A rien. Ce qu’il y a en ce moment, c’est un système de
séparation démographique et non politique, comme au temps de
l’apartheid en Afrique du Sud. Même la trêve, ce sont les Israéliens
qui l’ont toujours rompue. Pour preuve,en 2005, il y a eu près de
190 martyrs dont des femmes et des enfants ; une quarantaine
d’activistes, toutes factions confondues, ont été tués. La trêve
doit être réciproque, sinon elle ne sert à rien. Aujourd’hui,
il n’est plus question pour nous de faire la moindre concession ».
Même fermeté et même
rigorisme quand il évoque l’épineuse question de la relation du
Hamas avec l’Organisation de la Libération de la Palestine (OLP),
remise sur le tapis depuis la formation du gouvernement Hamas. « On
ne peut nier que la création de l’OLP a été en soi une
importante réalisation. Cependant, il faut reconnaître que l’OLP
a été mal dirigée, et c’est pour cela qu’on veut la
restructurer », explique Ossama. Tout en ajoutant avec ferveur : «
Il faut que l’OLP soit représentative de l’ensemble du peuple
palestinien et que les différentes parties participent à la prise
de décision. Jusque-là, la prise de décision répondait à un
système autocratique, tout était entre les mains d’une seule
personne ou à la limite d’une seule faction. Et c’est ça
qu’on veut changer ».
Changer l’état des
lieux actuel par la résistance notamment, telle est l’ambition
affichée de Ossama Hamdane et de son mouvement. Mais les défis
auxquels fait face le gouvernement Hamas sont colossaux. Le premier
et le plus grand d’entre eux est, comme le rappelle Ossama, ce
dont souffre le peuple palestinien depuis plus d’un demi-siècle :
l’occupation.
Abir
Taleb
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