LE FIGARO
Pierre Rousselin
"Ariel Sharon pouvait imposer ses choix à ses concitoyens,
comme personne d'autre ne pouvait le faire. L'inventeur du processus
de paix "à l'unilatérale" - sans négociations avec les
Palestiniens et avec un minimum de consultations internationales - a
pris de court le monde
entier pour ne suivre que l'idée qu'il se faisait de l'intérêt
d'Israël. (...) Le vide paraît insurmontable en l'absence de ce
chef plus grand que nature, qui s'était taillé une stature d'homme
providentiel. Dans la vie politique israélienne, son absence sonne
déjà comme un réveil
brutal. Après s'être laissé porter par l'énergie d'un seul
homme, le pays, fatigué de tant de guerres, aborde un retour à la
normale inquiétant : un retour aux divisions, aux coalitions
ingouvernables, bref à l'immobilisme, et, du coup, à un regain de
violence".
LA CROIX
Dominique Quinio
"Beaucoup de doutes ont accompagné l'arrivée au pouvoir
d'Ariel Sharon, armé de sa réputation de "dur".
La mort d'Arafat et l'élection d'Abbas, les initiatives surprises
du Premier ministre israélien ont entrouvert des fenêtres.
Aujourd'hui que se dessine son éloignement du paysage politique,
pour de longues semaines ou davantage, le découragement peut
gagner. Mais il faut croire que la fenêtre entrebâillée ne se
refermera pas, qu'en Israël comme dans les Territoires
palestiniens, des hommes et des femmes de bonne volonté savent que
la paix - et la sécurité - passe forcément par des concessions et
des renoncements. Que la relève doit être assurée".
LIBERATION
Gérard Dupuy
"Le geste de retirer de Gaza les forces militaires - et les
civils qu'elles protégeaient - a revêtu une importance historique
(...). A l'intérieur strict du cadre sécuritaire auquel Sharon a
toujours donné l'absolue priorité, ce retrait a ménagé une brèche
par où, peut-être, quelque chose comme un "processus de
paix" pourra être un jour relancé.
Il faut sans doute des hommes d'Etat âgés pour trouver la sorte de
réalisme dégagé des dogmes qu'a montré finalement Sharon. Mais
l'âge fragilise aussi ceux auxquels il apporte cette sorte de
sagesse à minima. Les prochaines élections israeliennes semblaient
jouées.
Elles ne le sont plus".
L'HUMANITE
Claude Cabanes
"Chacun sait bien que dans cette région du monde le moindre événement
imprévu peut avoir les conséquences les plus graves. Et chacun
sait aussi que le retrait ou la disparition d'un homme d'État peut
modifier en profondeur le cours de l'histoire, en particulier dans
les zones où le conflit en est l'essence. (...) Plus généralement,
une question stratégique est posée : est-ce que la présence de
300.000 soldats américains dans la région conduit les dirigeants
israéliens à estimer
possible de faire l'économie du processus de paix négocié ? On
souhaiterait pouvoir répondre négativement à cette question. Et
être assuré que l'absence d'Ariel Sharon n'alourdira pas encore un
peu plus le climat".
FRANCE SOIR
Serge Faubert
"Sharon allait-il vraiment évacuer à leur tour les
implantations en Cisjordanie à l'est de la cloture de sécurité
comme on lui en prêtait l'intention ? Envisageait-il un partage de
Jérusalem ? C'est
vraisemblable, même si nous n'aurons peut-être jamais l'occasion
de le vérifier. L'histoire est parfois singulièrement amorale.
Qu'elle ait choisi un personnage hautement haïssable pour réaliser
un début de concorde entre les peuples ne réjouira personne. Mais
si c'était là le prix à payer pour que le sang coule un peu moins
dans cette région, alors peu importent les états d'âme".
OUEST-FRANCE
Joseph Limagne
"Alors que prend fin la trêve fragile observée par les
Palestiniens depuis un an et que Gaza sombre dans le chaos,
compromettant la tenue des législatives du 25 janvier, les
perspectives de paix s'éloignent. De part et d'autre, on craint que
des provocations extrémistes ne viennent
ruiner ce qu'il en reste. C'est arrivé si souvent ! On voudrait
croire que la sagesse et l'esprit de responsabilité l'emporteront.
Mais on n'imagine pas que le prochain chef de gouvernement israélien,
quel qu'il soit, ait l'autorité et la poigne suffisantes pour déloger
plusieurs centaines de milliers de colons israéliens implantés en
Cisjordanie, condition indispensable de la paix. Seul Sharon
l'aurait fait. Pour peu qu'il l'ait décidé. Le sort l'emporte au
plus mauvais endroit : au
milieu du gué".
SUD-OUEST
Bruno Dive
"Sharon, comme de Gaulle jadis en Algérie, paraissait le mieux
à même de faire la paix, parce qu'il avait incarné jusqu'alors la
fermeté. C'est dire si sa disparition prématurée constituerait
une très mauvaise nouvelle. La formation centriste qu'il venait de
créer avec Shimon Peres partait favorite pour les élections
anticipées du 28 mars et, pour la première fois depuis longtemps,
une majorité solide aurait pu gouverner Israël et laisser à
Sharon les mains libres. Il paraît peu probable que ce parti
nouveau-né survive à son fondateur, ce qui devrait faire le jeu du
Likoud, l'ancien parti de Sharon, et du rival de ce dernier,
l'intransigeant Benyamin Netanyahou. Autant dire que le rêve de
paix risque de s'éloigner une nouvelle fois. D'autant que côté
palestinien le
successeur d'Arafat, Mahmoud Abbas, semble en mauvaise posture pour
ses propres élections législatives du 25 janvier".
LE PROGRES
Francis Brochet
"Ariel Sharon, fauteur de guerre devenu faiseur de paix. Faucon
métamorphosé en colombe... L'image plaît, car elle est simple et
morale.
Mais il faut se méfier des images simples, surtout dans l'Orient
compliqué.
Ariel Sharon a été un formidable combattant, tendu vers un seul
but : la défense de son pays. Par la guerre, longtemps, une guerre
de mouvement, où l'objectif était de toujours prendre l'ennemi de
vitesse. Puis par la paix, suivant la même tactique : garder
l'initiative, affaiblir
l'adversaire, pour mieux dicter ses conditions. Sharon ne croyait
pas possible une paix avec les Palestiniens, il préparait une paix
israélienne. Fidèle à la leçon de ce proverbe : "la paix
est à l'ombre des sabres" - un proverbe arabe".
LA PROVENCE
Gilles Dauxerre
"Pour l'emporter aux élections législatives anticipées de
mars prochain, il avait quitté le Likoud et créé son parti,
Kadima, attirant à lui des personnalités de droite et de gauche,
notamment Shimon Pérès.
Pragmatique, toujours, Ariel Sharon comptait sur la majorité des
Israéliens, las des violences et prêts à vivre aux côtés des
Palestiniens. Combinant à la fois la force et la négociation, il
apparaissait comme le seul homme politique capable de trouver des
solutions avec les Palestiniens sans sacrifier la sécurité d'Israël.
Alors que les territoires de Cisjordanie et de Gaza sombrent dans le
chaos, faute d'une autorité suffisante de Mahmoud Abbas, Israël
voit s'éclipser un de ses dirigeants historiques. La paix est
encore malade".
LA REPUBLIQUE DU CENTRE
Jacques Camus
"Lancé dans la bataille électorale législative du 28 mars
avec son nouveau parti centriste Kadima (En avant), Ariel Sharon,
fidèle à son image de bulldozer politique, semblait devoir se
jouer des obstacles pour remporter son audacieux pari. Tous les
sondages en témoignaient. Au fond, Kadima était un parti sans véritable
programme mais avec un vrai chef. Et ce que souhaitait Ariel Sharon,
c'était tout bonnement obtenir les coudées franches. Sans doute était-il
le seul à pouvoir mettre en oeuvre la "feuille de route".
Il fallait un inflexible homme de guerre de sa trempe pour
"militer" en faveur de "la paix dans la sécurité"
et obtenir la confiance du peuple israélien. Ce ne sont pas des
dirigeants faibles ou contestés qui imposeront la paix".
LA VOIX DU NORD
Jean-Michel Bretonnier
"Ariel Sharon a ouvert une voie vers la paix, à force de
volonté mêlée de pragmatisme.
Cette nouvelle route, il voulait pouvoir la tailler en marchant,
toujours plus libre de ses mouvements. C'est dans ce but qu'il avait
créé Kadima. Après lui, ce parti sera-t-il le creuset d'une génération
capable de prendre la relève ou le tombeau des illusions d'une
majorité
du peuple israélien ? La réponse est cruciale tant les dangers
s'exacerbent aux portes du pays, risquant d'enflammer la région :
l'Irak où la violence civile ne se dément pas, l'Iran aux mains
d'un intégriste qui veut la disparition d'Israël, la Syrie qui se
raidit à mesure qu'on la met en cause dans les attentats au Liban,
l'Égypte dont on se demande combien de temps le régime sera
capable de contenir la pression des islamistes. Homme providentiel
ou pas, le peuple israélien, pour l'heure, a perdu un guide".
LA NOUVELLE REPUBLIQUE DU CENTRE-OUEST
Hervé Cannet
"Sa succession à la tête de l'Etat hébreu dépend dorénavant
des élections de mars mais au-delà, c'est tout l'avenir du
processus de paix et du dialogue nécessaire entre les adversaires
d'hier qui est en jeu.
L'absence de Sharon pourrait d'ailleurs déstabiliser un peu plus
Mahmoud Abbas dont l'autorité est mise à mal par les extrémistes
du Hamas, désormais favoris des élections palestiniennes prévues,
elles, fin janvier. Des Israéliens " orphelins " alors
qu'ils semblaient avoir retrouvé confiance dans une solution
pacifique ; des Palestiniens tentés par le retour à la
radicalisation : l'heure des colombes paraît loin de sonner.
L'imposante carrure d'Ariel Sharon a peut-être caché les rameaux
d'olivier. Il doit bien exister des hommes de bonne volonté, de
part et d'autre, pour les saisir".
LES DERNIERES NOUVELLES D'ALSACE
Jean-Claude Kiefer
"Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si les mouvements
palestiniens les plus extrémistes, donc les plus affidés à Damas
et à Téhéran, se réjouissent de la disparition politique d'Ariel
Sharon : tout espoir de règlement au Proche-Orient les affaiblit,
eux et leurs commanditaires.
Une course contre la montre est engagée. Elle doit pousser le
successeur de Sharon au même réalisme. Elle doit conforter
l'Autorité palestinienne confrontée à de difficiles élections.
Un nouveau gel du processus de paix conduirait à de nouvelles déflagrations.
En Israël et dans le monde car la situation au Proche-Orient
nourrit le terrorisme islamiste, en propagande et en recrues".
LE COURRIER PICARD
Jean-François Montémont
"Alors que l'on pouvait prévoir en mars prochain une victoire
sans bavure du nouveau parti centriste Kalima, l'inéluctable
absence de son chef Ariel Sharon renforce les chances d'un Likoud et
de Benyamin Netanyahu, pour qui la mise à l'écart forcée du
Premier ministre peut être interprétée comme une aubaine. Il
faudrait un miracle pour sauver un homme qui au début de l'année
dernière avait, comme Paul, fait sa conversion de Damas. Son
courage et sa sagesse auront été d'admettre qu'il s'était précédemment
trompé de route en en tirant aussi les enseignements".
LE DAUPHINE LIBERE
Didier Pobel
"La "disparition annoncée" d'un chef d'État ou de
gouvernement au rôle décisif ne s'inscrit pas seulement dans le
cours normal d'une existence, avec cette part d'intimité suprême
que devrait constituer l'amorce du déclin. Elle est d'abord liée
à un pays, à une région, à un peuple, à un
parti, à une conscience collective, y compris, bien sûr,
lorsqu'elle n'échappe pas à la controverse. L'histoire en marche
est ainsi. Avide.
Cruelle. Impitoyable. Dérangeante. Toujours en avance de quelques
longueurs sur le sort isolé des individus".
LE TELEGRAMME
Hubert Coudurier
"Se conformant au principe de Clausewitz selon lequel pour
obtenir la paix, il faut faire la guerre, le Premier ministre israélien
a rappelé par sa politique de "liquidations ciblées"
qu'on ne pouvait frapper impunément la population israélienne pour
laquelle la sécurité reste un préalable. Puis il a entamé la séparation
entre les deux peuples dont le mur porte la dimension symbolique,
tandis que le retrait de Gaza lui permettait de renforcer
l'implantation de colonies en Cisjordanie tout
en éludant la question du futur Etat palestinien. Au final, les
Palestiniens, dont les élections du 25 janvier sont compromises du
fait de leurs dissensions internes, apparaissent comme les grands
perdants.
La deuxième Intifada a largement amputé les gains du processus
d'Oslo".
LE REPUBLICAIN LORRAIN
Philippe Waucampt
"Il y avait quelque chose de surréaliste dans la façon dont
cet archétype du "faucon" avait révisé ses propres
convictions pour bousculer la scène politique en vue de s'entendre
avec ses ennemis de toujours, les membres du Fatah en charge de
l'Autorité palestinienne.
Voire les islamistes du Hamas si les législatives du 25 janvier
venaient à leur donner la majorité, comme cela ne semble pas
improbable. Cette incarnation du réalisme politique démontre, en
s'effaçant au pire moment, que l'intérêt bien compris est de ces
plantes qui s'arrosent difficilement au Proche-Orient".
LA CHARENTE LIBRE
Jacques Guyon
"Kadima, tout en garantissant la sécurité d'Israël, préconise
la création d'un Etat palestinien. Une double promesse qui
correspond à la double exigence d'une majorité d'Israéliens comme
en témoignaient tous les sondages qui le donnaient vainqueur en
mars prochain. Le problème,
c'est que ce parti tire l'essentiel de sa légitimité, de sa crédibilité,
du charisme de Sharon et de son image dans l'opinion publique israélienne.
Kadima survivra-t-il à Sharon? Beaucoup en doutent. Et redoutent
qu'Israël se crispe à nouveau.
D'autant plus que Hamas, Djihad et autres extrémistes ont déjà
entamé une sinistre danse macabre. D'autant plus que l'Autorité
palestinienne ne semble plus avoir la moindre autorité. Et ceci à
quelques jours d'élections palestiniennes dont on peut tout
redouter".
LA MARSEILLAISE
Nadjib Touaibia
"Bien malin qui peut vraiment dire de quoi sera fait l'avenir
politique au tournant des législatives. Pour autant, il n'est
toutefois pas interdit d'espérer voir enfin s'imposer sur la scène
politique
israélienne les véritables voix de la paix. Pour aller au-delà du
retrait unilatéral de la bande de Gaza, renoncer à la constitution
de blocs de colonies, accepter le partage de Jérusalem et la
constitution d'un Etat palestinien qui ne se résume pas à une
enclave. Quoique l'on dise aujourd'hui, Ariel Sharon n'était pas
encore engagé dans ce processus".
L'INDEPENDANT DU MIDI
Bernard Revel
"Pour le meilleur mais aussi pour le pire, le
"bulldozer" n'a jamais reculé devant les difficultés. En
créant le parti centriste Kadima ("En avant"), il
risquait le tout pour le tout et était en passe de gagner son pari
aux élections générales anticipées du 28 mars.
C'était compter sans un adversaire qu'il n'avait jamais ménagé:
lui même. Alors qu'il s'apprêtait à se battre pour faire
triompher ses idées, c'est un dernier combat contre la mort qu'il
doit livrer. Sans succession préparée, il laisse Israël et le
monde dans l'incertitude. La paix au Proche-Orient est une fois de
plus en suspens".
LA REPUBLIQUE DES PYRENEES
Jean-Marcel Bouguereau
"Avec son passé militaire et son demi siècle de carrière
politique, il était sans doute le dernier homme politique à
pouvoir faire accepter les compromis nécessaires à la société
israélienne. Même si dans l'opinion palestinienne, Sharon était
d'abord vu comme l'un des responsable des massacres des camps de
Sabra et Chatila en 1982 comme d'avoir provoqué l'Intifada dans les
Territoires en se rendant en septembre 2000 sur l'Esplanade des
mosquées à Jérusalem, les responsables de l'autorité
palestinienne, confrontés à la veille des élections du 25 janvier
à de
sévères rivalités intestines, sont conscients qu'ils perdent leur
dernier interlocuteur et que toute perspective de paix est en train
de s'éloigner".
L'ALSACE
François Bécet
"Certes, en Israël comme ailleurs, la transparence médicale a
ses limites et les chirurgiens ne divulguent évidemment pas les détails
de leurs interventions, ne confirment pas la mort clinique de leur
patient.
Mais l'essentiel est dit. Si dans ce domaine, Israël donne
l'exemple, surtout dans une région où l'on pratique bien peu
l'ouverture et la démocratie, cela ne veut pas dire que tout est
parfait dans l'Etat hébreu. Alors qu'Ariel Sharon se retrouve entre
la vie et la mort, l'opposition s'apprêtait à l'attaquer sur son
intégrité après que la police eut affirmé détenir des preuves
dans une affaire de corruption, de financement électoral. Et les
coups bas, les manœuvres politiques douteuses ne sont pas moins
nombreuse que dans les autres pays. Mais grâce à cette
transparence, le monde peut vivre en direct un événement majeur
qui risque d'affecter l'histoire".
L'UNION
Hervé Chabaud
"Que va-t-il advenir en Israël où les législatives de mars
sont d'autant plus incertaines que sans Sharon, son nouveau parti
favori du scrutin, Kadima, aura bien du mal à exister face au
Likoud, aux travaillistes et aux partis religieux ? Le risque d'un
nouvel épisode de terreur orchestré par les groupes extrémistes
dont la seule ambition est de rayer l'Etat hébreu de la carte n'est
pas à exclure. Ce cas de figure sied à Damas et Téhéran. La guérilla
urbaine et le terrorisme servent
leurs plans obscurs. Les ennemis de Sharon se congratulent. Israël
vit une nouvelle épreuve mais le pays sait lorsque la situation
l'exige, constituer un gouvernement d'union nationale. Les Israéliens
ont leur destin en main et l'histoire montre qu'ils n'abdiquent
jamais".
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