« Le dernier combat » (Yédiot) ; « Sharon lutte contre la mort
» (Maariv) ; « La fin d'une ère » (Haaretz) : la presse israélienne
était plongée ce matin dans la stupeur et retenait son souffle
au lendemain de l'hospitalisation du Premier ministre israélien,
victime hier soir d'une grave hémorragie cérébrale.
Sans spéculer sur l'évolution de l'état de santé du chef du
gouvernement, les commentateurs estiment toutefois que s'il
survit, Ariel Sharon ne pourra toutefois plus exercer les fonction
de Premier ministre. Le poste, notent les journaux, sera donc
confié au vice-Premier ministre, Ehoud Olmert, jusqu'à
la tenue des élections législatives de mars 2006.
Les ministres du Likoud, qui devaient remettre dimanche leur
lettre de démission, ont annoncé qu'ils resteraient au
gouvernement jusqu'à nouvel ordre.
Largement occultés par l'hospitalisation du Premier ministre israélien,
les heurts entre gardes-frontières égyptiens et activistes
palestiniens à Rafah qui ont fait deux morts côté égyptien,
font l'objet d'articles factuels.
Enfin, le quotidien populaire Maariv annonce que la compagnie aérienne
espagnole Ibéria cessera de transporter de l'armement israélien
à destination de l'Amérique latine.
Victime hier soir d'une grave hémorragie cérébrale, le
Premier ministre israélien Ariel Sharon se trouve dans un état
« grave mais stable » et va devoir être maintenu durant au
moins 24 heures dans un coma profond et sous ventilation
artificielle après avoir subi deux interventions chirurgicales
de plusieurs heures, annoncent les sites Internet des grands
quotidiens israéliens après le dernier point de presse du
directeur de l'hôpital Hadassah Eyn Kerem de Jérusalem, le
professeur Shlomo Mor-Yossef.
Les commentateurs israéliens sont unanimes pour dire que l'ère
Sharon touche à son terme. « Avec toute la prudence que la
conjoncture nécessite, il semble bien que l'ère Sharon à la tête
d'Israël soit parvenue hier à sa fin tragique », estime Aluf
Benn dans le Haaretz. « Quoi qu'il en soit, une relève de la
garde se déroulera dans ce pays qui a connu ces 5 dernières
années la stabilité avec Sharon. Stabilité que l'opinion appréciait
et qu'elle souhaitait, selon tous les sondages, maintenir pour
un nouveau mandat. »
La presse salue le dirigeant fort, qui a guidé Israël pendant
son mandat long de cinq ans.
« Dans cet océan d'instabilité sécuritaire, politique et
diplomatique, Sharon était pour les Israéliens un véritable
roc. Depuis plusieurs dizaines d'années, personne ne l'a égalé,
s'agissant de la confiance que place en lui l'opinion israélienne,
et de l'affection qu'il suscitait. Il est peu probable que
quelqu'un puisse prochainement l'égaler et présenter comme lui
une telle image d'invincibilité et de puissance », écrit le
commentateur politique du Maariv.
Plusieurs éditorialistes vont même jusqu'à le comparer à
David Ben-Gourion. Pour l'éditorialiste influent Nahum Barnéa
du Yédiot Aharonot, « il est encore trop tôt pour résumer la
carrière politique de Sharon, ses succès militaires et
politiques, sa contribution au renforcement du statut d'Israël,
son parcours, ses erreurs, ses forces et ses faiblesses. Mais
l'on peut d'ores et déjà dire que rares sont les dirigeants de
ce pays qui avaient l'assurance, le sang-froid, et le courage
dont a fait preuve A. Sharon pendant ses deux derniers mandats
en tant que Premier ministre. Tout au long de sa carrière,
depuis qu'il était jeune officier, il souhaitait ressembler à
l'homme qu'il admirait le plus, David Ben Gourion. Ces dernières
années, il lui ressemblait de plus en plus. Ceux qui ne
voulaient pas de Sharon en héritier de Begin l'ont eu en héritier
de Ben Gourion. », écrit le journaliste.
Les médias spéculent par ailleurs sur les implications
politiques de l'état de santé d'Ariel Sharon.
« Si dans un premier temps, la classe politique va s'unir
autour du nouveau cabinet, le thème des élections refera
surface très rapidement », estime Nadav Eyal dans le Maariv.
« Kadima devra surmonter l'absence de Sharon - du moins dans un
futur proche - car Sharon est Kadima et Kadima est Sharon.
L'assemblage que représente Kadima risque d'éclater, d'autant
plus qu'une guerre de succession risque de se déclarer »,
est-il noté.
Sur le plan juridique
Après avoir été tenu informé de l'état de santé d'Ariel
Sharon et après concertation avec le Secrétaire du
gouvernement, Israël Maïmon, le Conseiller juridique du
gouvernement, Ménahem Mézouz a annoncé que conformément à
la loi fondamentale du gouvernement, le ministre des Finances et
vice-Premier ministre Ehoud Olmert assurerait les fonctions de
Premier ministre par intérim.
Dans les colonnes du quotidien à grand tirage Yédiot Aharonoth,
un expert en droit constitutionnel explique aux lecteurs que la
loi fondamentale du gouvernement prévoit qu'en cas d'incapacité
du Premier ministre d'assurer ses fonctions, il est
automatiquement remplacé par le vice-Premier ministre pendant
une période de 100 jours. Au 101ème jour, le gouvernement est
considéré selon la loi comme démissionnaire et le président
de l'Etat confie alors à l'un des 120 députés de la Knesset
le soin de former un nouveau gouvernement.
Or, souligne l'universitaire, le gouvernement actuel, qui est un
cabinet de transition a déjà été dissout dans le cadre de
l'anticipation des élections. De plus, aucun député n'est
actuellement en mesure de pouvoir former une coalition
gouvernementale.
Par ailleurs, le journal précise que le Premier ministre israélien
par intérim, qui détient dorénavant pas mois de 12
portefeuilles ministériels, est habilité à nommer de nouveaux
ministres sans l'approbation du Parlement.
Réactions de la classe politique israélienne
Le Premier ministre par intérim, Ehoud Olmert a présidé ce
matin une réunion d'urgence du gouvernement israélien. «
C'est une heure difficile et une situation inhabituelle à
laquelle la démocratie israélienne saura faire face. Nous
prions tous pour la santé du Premier ministre », a-t-il déclaré
lors d'un bref point de presse.
La ministre de la Justice, Tzippi Livni (Kadima) a pour sa part
affirmé que le gouvernement continuait de fonctionner. « Comme
tous les Israéliens, je prie pour la santé du Premier ministre»,
a déclaré Mme Livni avant d'assurer qu'elle aiderait le
Premier ministre par intérim « à prendre les bonnes décisions
».
De son côté, le ministre de la Défense, Shaoul Mofaz a annoncé
qu'il s'entretiendrait dès ce soir avec le Premier ministre par
intérim pour le tenir informé des questions sécuritaires qui
sont à l'ordre du jour.
Le chef du Likoud, Binyamin Nétanyahou, a décidé de suspendre
jusqu'à nouvel ordre la démission des ministres du parti, prévue
pour dimanche. « Nous prions tous pour que Ariel Sharon
retrouve la santé », a-t-il déclaré à la radio.
Réactions de la communauté internationale
Les messages adressés au Premier ministre Sharon affluent du
monde entier. Le site Internet Ynet du Yediot Aharonot note que
le Président américain George Bush a, en plus du communiqué
officiel de la Maison-Blanche, adressé un message personnel :
« Laura et moi-même partageons l'inquiétude du peuple israélien
et prions pour la santé du Premier ministre. Le Premier
ministre Sharon est un homme courageux et un homme de paix. Au
nom de tous les Américains, nous adressons nos vœux et nos
espoirs au Premier ministre et à sa famille ». La Secrétaire
d'Etat Condoleezza Rice a écrit : « nos pensées et nos prières
vont au Premier ministre, à sa famille et au peuple israélien.
Nous souhaitons au Premier ministre un total rétablissement ».
Le Président Jacques Chirac, rapporte le Ynet, a souhaité à
Ariel Sharon un prompt rétablissement et a exprimé le souhait
« que les initiatives courageuses de M. Sharon se poursuivent
». Le Président Chirac a assuré le Premier ministre par intérim
Ehoud Olmert de son soutien, ajoute le site du Haaretz.
La Chancelière allemande Angela Merkel a déclaré : « mes
pensées vont à Ariel Sharon et à sa famille. Je lui souhaite
de tout cœur un prompt rétablissement ».
Le Premier ministre britannique, écrit le site Ynet, a fait
part de sa profonde inquiétude pour la santé d'Ariel Sharon.
Tony Blair a transmis à Ehoud Olmert et à la famille Sharon un
message de prompt rétablissement.
Selon le site du Haaretz, le conseiller du Président
palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que ce dernier avait téléphoné
à des hauts responsables israéliens pour prendre des nouvelles
du Premier ministre Sharon.
Toujours selon le Haaretz, le Ministre de l'Information
palestinien Nabil Shaath a déclaré : « Nous sommes désolés
pour M. Sharon, mais uniquement sur un plan humanitaire ».
Nabil Shaat à estimé qu'il était difficile de savoir quelles
allaient être les répercussions sur le processus de paix, «
un processus auquel Sharon n'a jamais cru », a-t-il ajouté.
Am Haaretz note que les chaînes télévisées arabes suivent de
près l'évolution de l'état de santé d'Ariel Sharon. Le site
ajoute que si des organisations terroristes, telle que le FPLP
d'Ahmed Jibril, ne cachent pas leur satisfaction, il n'y a pas
eu, contrairement à ce qui s'est vu il y a deux semaines, de
manifestations de joie dans les rues de Gaza.
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