Discours
« Pour la
libération de Bahar Kimyongür »
Daniel Flinker
Dimanche 1er décembre 2013
Intervention de Daniel Flinker
(CLEA)
lors du rassemblement du 1er
décembre 2013 à Bruxelles
Jeudi 21 novembre 2013 : premier
jour en prison.
Vendredi 22 novembre : deuxième jour
d'incarcération.
Samedi 23 novembre : troisième jour
de détention...
« Je veux ma liberté »
Dimanche 24 novembre : quatrième
jour entre quatre murs...
« Je veux ma liberté ! »
Lundi 25 novembre : cinquième jour
d'isolement.
Mardi 26 novembre : sixième jour
d'emprisonnement...
« Si j'étais un dissident iranien,
j'aurais droit aux honneurs... »
Mercredi 27 novembre : septième jour
en cellule...
« Si j'étais un dissident cubain,
j'aurais droit aux honneurs... »
Jeudi 28 novembre : huitième jour
d'enfermement...
« Je ne veux pas des honneurs, je
veux ma liberté ! »
Vendredi 29 novembre 2013 : pour la
première fois, en neuf jours
d'enfermement à la prison de
Bergame, Bahar Kimyongür a droit à
10 minutes pour parler au téléphone
à sa femme et à ses enfants.
Ce que Bahar dit à Deniz :
« Je veux ma liberté. Si j'étais un
dissident iranien ou cubain,
j'aurais droit aux honneurs. Je ne
veux pas des honneurs, je veux ma
liberté ! »
Samedi 30 novembre : dixième jour
derrière les barreaux.
Aujourd'hui, dimanche 1er décembre,
cela fait onze jours, onze
interminables journées, que Bahar
Kimyongür est en prison pour ses
opinions.
En prison, pas pour un crime : en
prison, pour avoir parlé.
Pas pour un délit : en prison, pour
avoir haussé la voix, pour avoir osé
dire non.
Bahar critique -ça, personne ne le
niera- mais il n'a jamais appelé à
commettre le moindre attentat. Bien
au contraire, d'aussi loin que je
m'en souvienne, il a toujours
dénoncé le terrorisme d’État, les
tortures dans les prisons turques,
les exécutions sommaires de
syndicalistes, l'enfermement des
journalistes.
Bahar n'a de cesse de déclarer son
amour à la mosaïque anatolienne. Son
bonheur : nous faire découvrir
l'humanité des Arméniens, des
Syriaques, des Kurdes, des Turcs,
des Arabes sunnites ou chiites, des
Alaouites, des Juifs et des
Chrétiens d'Antioche.
Bahar s'indigne, c'est vrai. Il
s'insurge même contre toute forme
d'injustice. Mais il n'a évidemment
jamais appelé au meurtre de
quiconque. C'est même tout l'inverse
qui se produit : depuis trois ans,
son ambition exclusive est d'œuvrer
pour la paix en Syrie. Il travaille
actuellement au sein d'une ONG
accréditée par l'ONU où il défend
l'amitié entre les peuples, se
mobilise contre le démembrement de
la Syrie. Il milite contre la
guerre, tout simplement.
Bahar Kimyongür est un prisonnier
politique. En prison, pour avoir dit
la vérité, pour avoir l'ordre établi
contesté.
Demain, à 11 heures du matin à
Brescia, comme lundi passé à
Bruxelles, comme avant-hier à
Florence, se déroulera une
manifestation de soutien à Bahar.
C'est important car demain, en
Italie, Maître Federico Romoli
demandera à un juge la libération de
Bahar Kimyongür.
Onze jours en prison pour ses
opinions, c'est onze jours de trop.
Cette situation est intolérable,
insupportable. Il faut que cette
injustice, cette atteinte à la
liberté d'expression, cesse
immédiatement !
C'est la raison pour laquelle nous
sommes là. A l’État italien, nous
transmettons aujourd'hui un message
clair, pressant et précis : «
Liberté pour Bahar ! »
Ici, à nos côtés, il y a des
professeurs d'université qui
soutiennent Bahar et il y a aussi
des gens qui l'ont rencontré sur les
bancs de l'école.
Certaines personnes présentes ici
sont tristes, se disent que Bahar
n'a vraiment pas de bol. D'autres le
mettent en avant comme un symbole,
comme un cas d'école.
Il y a des gens qui envisagent leur
venue aujourd'hui comme un acte
militant, d'autres comme un geste
citoyen, certains comme un geste
amical.
Des gens sont venus manifester car
selon eux, ce qui arrive à Bahar est
la preuve qu'il faut révolutionner
le système ; d'autres, au nom de la
démocratie, pensent qu'il est urgent
d'évoluer, encore temps d'améliorer
les choses.
Certains parlent kurde et d'autres
croient que Bahar est Kurde.
Certains sont tellement petits qu'il
faut les déplacer en poussette pour
venir. D'autres viennent, même si
leurs genoux et leur dos commencent
vraiment à les faire souffrir.
Certains sont un peu fous, d'autres
complètement... fous d'Amour, fous
de Fraternité, de Justice, de
Solidarité.
Certains ont connu la dictature de
Pinochet, d'autres le franquisme. Il
y a parmi nous des camarades turcs
qui aiment ce que dit Bahar sur la
Syrie et il y a des amis syriens qui
aiment ce que dit Bahar sur la
Turquie.
Il y en a qui viennent pour la
première fois à une manif. Il y en a
qui viennent pour la première fois
en Belgique. Il y en a, ils sont en
civil, mais on sait bien que c'est
des flics!
Ce que je veux simplement vous dire,
c'est que notre diversité fait notre
originalité : il existe mille et une
portes d'entrée dans l'affaire
Kimyongür. Nos différences
constituent l'une de nos principales
forces : tous les milieux sociaux
peuvent être alertés, sensibilisés à
propos de ce cas exemplaire.
Nous sommes une force qui n'a
peut-être pas encore conscience de
sa force. Nous sommes une force -une
foule hétéroclite, des énergies
multiples- qui se concentre autour
d'une même volonté : pour Bahar, la
liberté !
Ici, nous sommes tous d'accord et
nous le répétons à nouveau, haut et
fort : il faut empêcher
l'extradition de Bahar vers la
Turquie.
Ici, nous sommes prêts à marteler
cette évidence sur tous les tons,
aussi longtemps qu'il le faudra :
Bahar a le droit de s'exprimer
partout où il le juge nécessaire ;
au quatre coins du monde, Bahar a le
droit et le devoir d'exprimer son
opposition au régime d'Ankara.
Le pire, ce serait que le juge de
Brescia ordonne, demain, le maintien
en détention de Bahar.
Si le pire arrive, on sera obligés
de redoubler d'efforts.
Si la Turquie et l'Italie continuent
à faire vivre à Bahar un enfer, il
faudra que nos mobilisations soient
à la mesure de la situation. Il
faudra évidemment écrire à Bahar, le
soutenir financièrement ; il faudra
noyer les ministres sous le courrier
et les contraindre à réagir; nous
devrons mobiliser des
parlementaires, faire signer des
pétitions.
Aujourd'hui, un peu plus de mille
personnes soutiennent Bahar sur
Facebook. Dans quelques semaines, il
faudra qu'il y en ait 2000, puis
3000.
Si la Turquie continue à empoisonner
la vie de la famille Kimyongür, nous
devrons organiser d'autres
manifestations -aujourd'hui on est
150. Pour la prochaine manif, si
chacun d'entre nous convainc ne
fut-ce qu'une seule personne de
venir, on sera 300.
Il faudra organiser d'autres
événements -pas deux fois par
semaine mais tous les jours-, des
conférences de presse, des
colloques, des délégations de
personnalités -des journalistes-
devront aller visiter Bahar en
prison.
La Turquie essaye d'épuiser notre
ami, elle veut qu'on s'essouffle. Si
Bahar est maintenu en détention -les
procédures d'extradition italiennes
étant particulièrement lentes-, il
restera en prison durant plusieurs
mois. Si Bahar demeure en captivité,
il sera nécessaire de se surpasser,
de faire preuve d'imagination, de
créativité. Faites des tableaux, des
dessins ; faites des films, des
happenings ; utilisez tous les
médias à disposition pour vous
exprimer.
Il faudra que tous vos talents
s'expriment... Il y a quelques
semaines, j'ai rencontré une amie
avec qui j'ai discuté de Bahar. A un
moment, je n'ai pas bien saisi :
elle me dit qu'elle a fait des
petits gâteaux. Plus précisément,
mon amie s'est mise d'accord avec sa
voisine boulangère pour mettre en
vente des tartelettes dans le
commerce que tient celle-ci. Sous la
pâtisserie, il y a un minuscule
explicatif de la situation de Bahar.
Et l'argent qu'elle récolte ainsi,
elle le reverse intégralement au
CLEA, pour aider Bahar.
Alors faites des tartes ou écrivez
des tartines : si demain, le juge
décide de renvoyer Bahar en cellule,
ce dernier sera transféré dans un
établissement pénitentiaire de haute
sécurité, dans une prison plus dure,
pour « terroristes ». Si tel est le
cas, il nous faudra faire preuve
d'audace et de courage.
Une autre solution existe : le juge
peut libérer Bahar mais l'assigner à
résidence en Italie, le temps
d'examiner la demande d'extradition.
Autant le dire d'entrée, cette
solution serait une véritable
catastrophe. Pendant des mois, Bahar
ne pourrait plus se déplacer.
Pendant des mois, comment ferait-il
pour voir ses jeunes enfants qui
sont nés, vivent et sont scolarisés
à Bruxelles ? La solution de
l'assignation à résidence ne
réglerait rien et serait le prétexte
tout trouvé par les autorités belges
ou italiennes pour ne plus écouter
nos revendications.
Mesdames, Messieurs, la seule
solution immédiatement envisageable
pour Bahar Kimyongür, c'est sa
libération et son retour en Belgique
!
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