|
Justice Paix
Stopper Agrexco
Faire respecter les Droits Humains et la loi internationale
Omar Barghouti
Discours d'Omar Barghouti,
Montpellier, le 10 octobre 2009
Après la guerre israélienne illégale contre les 1,5 millions de
Palestiniens dans la bande de Gaza occupée, avec tous ses crimes
de guerre et ses actes criminels de génocide, la campagne de la
société civile palestinienne pour le boycott, les
désinvestissements et les sanctions contre Israël, BDS, s’est
étendue spectaculairement et régulièrement dans le monde entier,
de Montpellier à Johannesbourg, de Stockholm à Londres, de
Ramallah à Toronto et New York, d’Oslo à Rio de Janeiro, du
Caire à Kuala Lumpur. Pour la première fois depuis des
décennies, nous sentons que l’impunité d’Israël va lentement
vers sa fin et que le peuple originel de Palestine pourra
finalement obtenir la justice et l’égalité sous la loi
internationale.
Mais que peuvent faire les mouvements de solidarité après le
retrait honteux par l’Autorité Palestinienne lors du Conseil des
Droits de l’Homme de l’ONU, du soutien pour le rapport de la
commission d’enquête Goldstone de l’ONU sur les crimes de
guerres israéliens ? Le représentant français au Conseil a
répété le mantra : « Nous ne pouvons pas être plus Palestiniens
que les Palestiniens ». A lui et au gouvernement français, je
dis : ne tentez même pas de masquer votre complicité criminelle
dans les violations israéliennes du droit international en vous
cachant cyniquement et immoralement derrière la position
malavisée et complètement impopulaire d’une autorité que vous,
l’Union Européenne, Israël et les Etats-Unis nous avez imposés,
sans mandat démocratique ni comptes à rendre !
Si vous voulez vraiment savoir ce que « LES Palestiniens »
veulent, lisez toutes les déclarations faites par les partis
politiques palestiniens, les associations des droits de l’homme
et les autres coalitions de la société civile ; elles ont toutes
exprimé un ferme soutien au rapport Goldstone et demandé
l’adoption immédiate du rapport et de ses recommandations par
l’ONU. Amnesty International et Human Rights Watch l’ont aussi
fait. Cette position est aussi adoptée unanimement par le comité
national palestinien du BDS, le BNC, la plus grande coalition de
partis palestiniens, d’ONG, de syndicats et d’autres composantes
de la société civile, représentant les Palestiniens des
territoires palestiniens occupés, y compris Jérusalem Est, les
Palestiniens à l’intérieur d’Israël et, avant tout, les réfugiés
Palestiniens, qui forment la majorité absolue du peuple de
Palestine. Le BNC appelle toutes les personnes de conscience
autour du monde à intensifier le BDS comme réponse la plus
efficace au dernier échec de l’ONU et de la soi-disant
communauté internationale à défendre la loi internationale et à
tenir Israël pour responsable de ses crimes de guerre et de la
violation continuelle des droits humains.
Là où les gouvernements ont échoué à protéger les droits
palestiniens, il y a un impératif moral à l’action des citoyens.
Comme pendant la lutte mondiale contre l’Apartheid en Afrique du
Sud, des campagnes imaginatives, graduelles et tenant compte du
contexte constituent le meilleur espoir pour la fin de
l’occupation et de l’oppression israéliennes.
Très récemment, le Trade Union Congress britannique, le TUC, qui
représente 6,5 millions de travailleurs, a adopté une forme
sélective de BDS. Quelques semaines auparavant, des centaines de
personnalités culturelles, comprenant John Berger, Danny Glover,
Noam Chomsky et Naomi Klein, ont publié une déclaration
protestant contre l’hommage spécial à Tel-Aviv du festival
international du film de Toronto, disant que « l’utilisation
d’un festival international d’une telle importance pour mettre
en scène une campagne de propagande de la part d’un … régime
d’apartheid » était un acte de complicité critiquable.
Dans le même temps, le ministre des finances Norvégien annonçait
que le fonds de pension souverain de son pays, le troisième au
monde, avait décidé de désinvestir d’une compagnie d’armement
israélienne impliquée dans la fourniture d’équipements pour le
mur israélien construit sur les terres palestiniennes occupées.
La décision était en conformité avec l’opinion consultative de
la Cour Internationale de Justice de La Haye en 2004, qui a
décidé que le mur israélien et les colonies contreviennent à la
loi internationale.
La dernière guerre d’agression israélienne contre la Bande de
Gaza occupée et ces deux années de siège illégal et immoral de
la Bande ont stimulé une véritable transformation de l’opinion
publique mondiale contre la politique israélienne. Les images à
retourner le cœur, diffusées dans le monde entier, des bombes
israéliennes au phosphore blanc déversées sur des quartiers
palestiniens très peuplés et brûlant des enfants réfugiés aux
abris de l’ONU ont déclenché dans le monde entier des
initiatives de boycott et de désinvestissement dans les domaines
économiques, universitaires, sportifs et culturels. L’ancien
président de l’assemblée générale de l’ONU, le père Miguel D’Escoto
Brockman, l’archevêque Desmond Tutu, des artistes éminents, des
écrivains, universitaires et réalisateurs, des groupes juifs
progressistes, de grands syndicats et fédérations du travail,
des organisations affiliées à des églises et des groupes
étudiants ont tous soutenus, à des degrés divers, la logique des
sanctions, convaincant beaucoup de gens que notre temps
sud-africain est enfin arrivé.
La campagne de BDS(http://www.bdsmovement.net/)
à direction palestinienne, lancée en juillet 2005, est avalisée
par une majorité écrasante d’organisations palestiniennes de
partout. Elle est ce que nous avons de plus proche d’un
consensus palestinien. Enracinée dans une longue tradition de
résistance populaire non-violente en Palestine, et largement
inspirée par la lutte anti-Apartheid en Afrique du sud, elle
adopte une approche fondée sur les droits qui est ancrée sur les
droits humains universels que toutes les personnes de conscience
ont défendus depuis la révolution française. Elle rejette
résolument toute forme de racisme, y compris l’antisémitisme et
l’islamophobie.
L’appel du BDS définit sans ambiguïté les trois droits
palestiniens fondamentaux qui constituent les exigences
minimales pour une paix juste et par lesquels les Palestiniens
peuvent exercer leur droit inaliénable à l’autodétermination :
(1) La fin de l’occupation militaire de 1967 de toutes
les terres arabes, comprenant Gaza, la Cisjordanie y compris
Jérusalem Est, ainsi qu’au Liban et en Syrie;
(2) Les droits des réfugiés, ratifiés par l’ONU, en particulier
leurs droit au retour chez eux et à des réparations ; et
(3) La fin du système de discrimination raciale contre les
citoyens Palestiniens d’Israël, décrit par un nombre croissant
d’experts comme un « régime d’apartheid ».
Le BNC a publié cette année une analyse approfondie du système
israélien d’oppression contre les Palestiniens, concluant
qu’Israël pratique l’occupation, la colonisation et l’apartheid.
Une étude récente commissionnée par le gouvernement sud-africain
et dirigée par le professeur John Dugard, expert en droit
international de premier plan, est arrivée à la même conclusion,
malgré qu’elle se soit limitée au territoire de 1967.
Qualifier Israël d’État d’apartheid n’implique pas que son
système de discrimination est identique à l’apartheid
sud-africain. Il établit seulement que les lois israéliennes et
la politique contre les Palestiniens, que même un rapport de
2008 du Département d’État US (http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2008/nea/119117.htm)a
qualifié de système de « discrimination institutionnelle,
législative et sociétale », correspondent largement à la
définition de l’apartheid faite par l’ONU en 1976.
Malgré ce qui précède, submergés par une culpabilité
compréhensible concernant le génocide des Juifs, incapables ou
ne voulant pas reconnaître la différence fondamentale entre une
opposition aux violations israéliennes de la loi internationale
et une discrimination contre les Juifs, les pouvoirs occidentaux
ont failli à adopter un quelconque instrument politique afin de
rendre Israël responsable ou de faire pression sur Israël de
manière significative pour mettre fin réellement à ses
violations des droits humains et appliquer les préceptes
pertinents de la loi internationale. Au lieu de cela, l’Europe a
continué à soudoyer les Palestiniens pour qu’ils acceptent de
payer de leurs terres et de leurs droits le prix d’un génocide
européen contre les Juifs auquel les Arabes Palestiniens n’ont
pris aucune part.
La démarche la plus morale et la plus avisée politiquement que
la société civile internationale peut poursuivre afin de
contribuer au respect de la primauté du droit international et
des droits humains universels au Moyen-Orient, c’est l’adoption
d’une position cohérente et vigoureuse, soutenant des
initiatives BDS intelligentes contre Israël, similaires à celles
qu’ils furent appliquées contre l’Apartheid sud-africain.
A quoi appelle
précisément le BDS ?
Les groupes de la société civile, les partis politiques et
syndicats les plus significatifs représentant la grande majorité
des Palestiniens, dans les territoires occupés, en Israël et
dans l’exil, ont soutenu le BDS depuis juillet 2005. Nous
appelons le monde entier à boycotter Israël avec toutes ses
institutions et entreprises, ainsi qu’à désinvestir des
compagnies qui profitent de l’apartheid israélien, de
l’occupation ou de la négation des droits des réfugiés.
Mais si un groupe veut se focaliser uniquement sur l’occupation,
pas sur l’apartheid en Israël ou sur les droits des réfugiés,
quoi alors ? Les droits inaliénables du peuple de Palestine sont
indivisibles et non négociables. Seuls les Palestiniens peuvent
décider à quoi nous aspirons et comment nous pouvons exercer
notre droit à l’autodétermination. Les mouvements de solidarité
choisissent les tactiques qu’ils considèrent comme les plus
efficaces et les plus durables dans leur contexte particulier
pour nous aider à parvenir à nos droits.
Lors du boycott contre l’Apartheid sud-africain, toutes les
institutions d’Apartheid furent boycottées : culturelles,
sportives, universitaires, économiques, etc. Nous demandons que
les mêmes mesures soient exactement appliquées à l’occupation et
à l’apartheid israélien. Dans chaque mouvement de boycott, vous
adoptez des mesures contre l’État qui viole la loi
internationale et les principes des droits humains. Même si vous
vous opposez seulement à l’occupation et aux colonies, vous
devez boycotter Israël ; après tout, d’après la loi
internationale, Israël en tant qu’État est l’entité coupable des
crimes d’occupation et de colonisation. Malgré les différences
évidentes, personne n’a jamais appelé à ne boycotter que les
produits soudanais faits au Darfour ou les produits chinois fait
au Tibet, en opposition à ce qui est considéré comme des
violations des droits de l’homme dans chaque cas. On doit
insister sur la cohérence morale est rejeter les doubles
standards.
Mais le boycott
n’est-il pas contre-productif parce qu’il frappe les
Palestiniens ?
C’est à nous, Palestiniens, de décider. Nous sommes
reconnaissants pour votre solidarité, mais nous sommes assez
mûrs pour décider ce qui est de notre meilleur intérêt. Oui, le
boycott a un prix pour nous; mais clairement la grande majorité
de notre société est prête à payer le prix pour mettre fin à
l’oppression d’Israël.
Le BDS peut-il
vraiment marcher contre un pays aussi puissant Israël ?
Un passage en revue rapide des succès les plus récents de la
campagne BDS nous dit qu’en vérité, non seulement le BDS peut
marcher, mais en fait qu’il marche plutôt bien. En quatre ans
seulement, le mouvement BDS contre Israël a fait beaucoup plus
que ce que nos camarades Sud-Africains avaient réalisé en 20
ans. Nous avons maintenant le soutien de grands syndicats, de
l’Afrique du Sud à la Grande-Bretagne, au Canada, de plusieurs
pays européens, dont la France et l’Italie. D’importantes
personnalités occidentales de la culture se sont mises en avant
en soutien au boycott ou bien ont tenu compte de nos appels à
boycotter Israël, même sans annoncer leur soutien. Chaque
semaine, il y a une nouvelle initiative quelque part dans le
monde de groupes de la société civile et de mouvements sociaux
organisant des campagnes pour réaliser les tactiques du BDS.
Dans ce qui est peut-être le plus important indicateur de notre
succès à ce jour, au mois de mai passé, à la conférence
d’orientation annuelle de l’AIPAC, le directeur exécutif de
l’AIPAC, Howard Kohr, s’est référé à la campagne BDS en disant,
« cette campagne n’est plus confinée aux furieux de l’extrême
gauche ou de l’extrême droite politique, mais elle entre de plus
en plus dans le grand public américain ».
Un boycott d’Israël
n’est-il pas finalement antisémite ?
En réalité, cette accusation est elle-même antisémite ! Elle
considère que la critique d’Israël où l’action contre son
oppression est nécessairement une attaque contre tous les Juifs,
comme si tous les Juifs avaient une vision monolithique de
soutien à Israël et étaient collectivement responsables de ses
actions et de sa politique. CET a priori est la définition de
l’antisémitisme !
Notre mouvement est ancré sur des principes universalistes et
progressistes qui rejettent toute forme de racisme, dont
l’antisémitisme. Nous appelons à un boycott d’Israël non pas
parce que la plupart des Israéliens sont Juifs, mais parce
qu’Israël est un État colonial et d’apartheid. S’il s’agissait
de Chrétiens, de Hindouistes ou de Musulmans, ça ne ferait
aucune différence. Tant qu’il nous opprime et qu’il viole nos
droits fondamentaux nous continueront à y résister par tous les
moyens, dont le BDS. De plus, il y a un réseau croissant de
groupes juifs autour du monde qui rejoignent le mouvement BDS.
Aux USA, en Grande-Bretagne, au Canada, en France, aux Pays-Bas
et même en Israël, un nombre croissant de groupes juifs et
d’intellectuels publics parviennent à la conclusion d’une paix
juste ne pourra jamais devenir réalité sans des tactiques
efficaces, durables et moralement cohérentes contre Israël.
Deux jours après la fin des hostilités israéliennes
contre Gaza et malgré toutes les morts, les dévastations et les
traumatismes, des centaines de milliers d’enfants de Gaza se
sont levées presque littéralement des gravats à quoi la plus
grande part de Gaza était réduite et sont allés avec
enthousiasme vers leurs écoles endommagées, emmenant leurs sacs
abîmés, leur livres déchirés et leurs âmes blessées. Leur
douleur était profonde et encore plus leur colère, mais leurs
yeux brillaient toujours d’ambition, de défi et d’espoir en leur
émancipation.
Comme les
enfants Sud-Africains des années passées, ils méritent un futur
meilleur; ils méritent la liberté et une vie digne. Alors : BDS
!
|