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Ha¹aretz, 10 novembre 2005
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Le rêve du président Bush n¹a jamais été de trouver une
solution au conflit israélo-palestinien. Bien au contraire :
puisque cela a été le bébé de Clinton, et puisque
pour Bush, tout ce qui est lié à Clinton est à rejeter a priori,
il était clair depuis le début qu¹il ne toucherait pas à ce
conflit.
La richesse de la langue diplomatique permet de parler de l¹inaction
en termes sérieux et respectables. Ainsi, la décision de ne pas
jouer un rôle actif dans la recherche d¹une solution au conflit
israélo-palestinien s¹appelle une gestion de conflit.
En pratique, la décision de l¹administration américaine revient
à dire que, tant que les Israéliens et les Palestiniens se tuent
en "basse intensité, ils peuvent continuer à saigner.
Si le conflit s¹aggrave, il faut déclarer quelque chose (du genre
de la vision pathétique de Bush en juin 2004, ou de la
Feuille de route remise aux parties en avril 2003 sans que ni ses
initiateurs ni les parties ne s¹y attachent sérieusement).
Quand on se rend à Washington en ce moment, on a du mal à se défaire
de l¹impression que l¹administration américaine est prise d¹une
profonde dépression et veut qu¹on la laisse tranquille, à se débrouiller
avec ses problèmes internes sans qu¹on l¹ennuie avec les problèmes
internationaux. Le cyclone qui a frappé le Sud a montré une
administration incapable de traiter
des questions vitales pour ses concitoyens et qui abandonne les
pauvres et les faibles à leur sort. Le sang de soldats et de civils
américains continue à couler en Irak, et l¹énorme déficit budgétaire
créé par Bush, qui avait hérité de Clinton d¹un budget sans déficit,
contribuent également à une sensation de faiblesse américaine (en
particulier si l¹on considère qu¹une proportion importante de la
dette extérieure américaine est constituée d¹obligations détenues
par les Chinois).
L¹affaire surréaliste de la dénonciation d¹un agent de la CIA
est le dernier d¹une série de coups portés au président et à
son administration. Les sondeurs jurent que si Bush devait se
mesurer aujourd¹hui à n¹importe quel Démocrate anonyme, il
serait battu à plate couture. On s¹accorde à penser qu¹aujourd¹hui,
Bush est un canard boiteux, à plus de trois ans de la fin de son
mandat.
Il y a un peu moins de trois ans, Thomas Friedman, l¹éditorialiste
vedette du New York Times, avait proposé un test pour mesurer le
succès de la guerre en Irak : si le prix du baril de pétrole, à l¹époque
en dessous de 30 $, descendait sous les 6 $, cela signifierait une
grande victoire ; s¹il
grimpait au-dessus de 60 $, ce serait la défaite. Friedman,
partisan de la guerre, n¹a plus jamais reparlé de son échelle,
mais même sans cela, le sentiment général est que les Etats-Unis
ont perdu une large part de leur influence en tant que
super-puissance. Et l¹éveil du géant chinois crée l¹impression
que quelqu¹un, dans un futur proche, va prendre la relève.
La situation en Irak renforce cette impression : la quasi-totalité
de l¹armée américaine est maintenant clouée là-bas, et le résultat
en est que personne ne prend au sérieux les menaces américaines d¹actions
militaires contre la Syrie ou l¹Iran.
Pour ce qui nous concerne, dès l¹élection de Bush pour son second
mandat, il y a eu plusieurs de ses proches pour dire que le conflit
israélo-palestinien serait l¹une des priorités de sa politique étrangère
et que la secrétaire d¹Etat Condoleezza Rice serait en pratique
une émissaire spéciale au Moyen-Orient. Il est aujourd¹hui clair
que les scandales intérieurs et l¹échec en Irak ont tant détourné
de nous l¹administration américaine qu¹elle ne remarque même pas
que nous brûlons.
L¹unique super-puissance du monde joue depuis quelque temps
à esquiver ses responsabilités. La vision américaine se fonde sur
l¹idée absurde de transformer Gaza en un modèle de succès régional
à l¹image de Singapour ou de Hong Kong, et la secrétaire d¹Etat
ne se montre que pour s¹occuper de l¹évacuation des gravats des
colonies du Goush Katif ou de la question vitale des dispositions
techniques à prendre pour le passage frontalier de Rafah.
Quiconque veut faire avancer le processus de paix et sait
(contrairement à Sharon) que, dans cette région, le temps joue
contre les partisans de la raison, doit comprendre qu¹il n¹y a
aucune chance pour une Pax Americana. La seule formule applicable, c¹est
"faisons-le nous-mêmes".
*Yossi Beilin est président du parti Meretz-Yakhad. Il est à l¹origine,
avec Yasser Abed Rabbo, de l¹Initiative de Genève.
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