in Ha’aretz, 13.01.2006
http://www.haaretz.com/hasen/spages/669647.html
Traduit de l'anglais en français par Marcel Charbonnier, membre
de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité
linguistique (transtlaxcala@yahoo.com).
Cette traduction est en Copyleft.
Des onze Premiers ministres de l’histoire israélienne, aucun
n’a été à la fois aussi admiré et aussi haï qu’Ariel
Sharon. Beaucoup de gens admiraient Ben Gourion, mais rares étaient
ceux qui le détestaient. Beaucoup de gens exécraient Golda Meir,
et ses admirateurs ne se bousculaient pas au portillon. Menachem
Begin était admiré et respecté, y compris par ceux qui n’étaient
pas d’accord avec ses prises de position. Moshé Dayan et Ezer
Weizman n’ont jamais été, quant à eux, Premier ministre :
Dayan était admiré, mais il suscitait plus la crainte que la haine ;
Ezer Weizman, lui, suscitait plus d’affection que d’admiration.
Sharon, lui, c’est la totale : il est à la fois admiré, et
haï.
Cette semaine, tout le monde a avalé sa haine de Sharon – même
les évacués des colonies du Gush Katif. C’est dire. Où que
l’on se tourne, on n’entendait que des admirateurs. Ils le décrivaient
bon ami, homme chaleureux débordant d’humour et de charme, berger
attentif dévoué au bien-être de ses brebis, dans son ranch… Des
croyants se rendaient au Mur des Lamentations pour y demander sa guérison,
des enfants envoyaient des dessins et des poèmes, des journalistes
évoquaient les conversations téléphoniques franches et cordiales
qu’ils avaient eu avec lui, racontaient qu’il ne manquait jamais
de partager leurs joies et leurs peines, parce que, qu’est-ce que
vous voulez, Arik, c’est comme ça, qu’il était : il avait
le cœur sur la main… Les mots « héros » et « père »
ne cessaient de revenir dans les propos…
En ce genre d’occasion, les médias ont tendance à tomber dans
le kitsch politique. Mais cette fois-ci, ils ont même cédé à la
tendance qu’ont beaucoup d’Israéliens d’éluder la
responsabilité de ce qui est fait en leur nom et d’abandonner la
« politique » aux mains d’un dirigeant puissant, qui
leur épargne le tracas de prendre leur part aux décisions. Cinq
années de terreur et d’oppression, de crise économique, plus le
démantèlement des colonies de Gaza : voilà qui a fait d’Israël
un pays fourbu. Tellement
fatigué que personne n’a plus l’énergie de fouetter les blancs
d’œuf du retrait en neige, pour en faire un authentique
traumatisme national.
Les Israéliens ont pardonné à Sharon d’avoir fait le
contraire de ce qu’il leur avait promis avant les élections, et
ils se sont rendus en masse vers le centre politique, vague et qui
n’engage à rien, que Sharon leur offrit, avec ou sans Shimon
Peres, avec ou sans Dalia Itzik : qui s’en préoccupe ?
La plupart des Israéliens n’ont pas été non plus particulièrement
scandalisés quand la police a informé la justice qu’elle détenait
des preuves qui indiqueraient que Sharon aurait accepté 3 milliards
de dollars offerts par un magnat des casinos autrichien. Ce que
voulaient les Israéliens, c’était confier leurs destinées à
Sharon, de la même manière que Sharon leur confiait la sienne,
depuis toujours.
Sharon vit en identification absolue avec l’Etat ; comme
beaucoup d’hommes de sa génération, il a identifié l’Etat à
l’armée, et il a identifié l’armée avec le destin national.
D’une guerre à l’autre, et au fur et à mesure qu’il grimpait
dans la hiérarchie de commandement de l’armée israélienne,
Sharon s’est auto-persuadé qu’il savait ce qui était bon pour
Israël et ce qui était mauvais pour Israël, et donc qu’il était
digne de le diriger : sans restrictions, ni doutes ni
inhibitions, sans compromis. Et même, sans partenaire !
C’est un Napoléon israélien, a écrit le vétéran des
sharonologues, Uri Avnery, ancien rédacteur en chef de
l’hebdomadaire Haolam Hazeh. Cela fera bientôt cinquante ans
qu’Avnery admire Sharon. Et qu’il le hait.
« Je ne déteste pas
les Arabes »
La réputation du militaire a éclos durant les combats contre
l’Egypte, mais le fils de paysans de Kfar Malal ne voyait pas le
danger principal dans les armées arabes. La grosse menace, c’était
les Arabes qui vivaient en Eretz Israël. « Je ne déteste pas
les Arabes », a-t-il déclaré un jour, poursuivant :
« mais j’ai à n’en pas douter un attachement très fort
à nos droits historiques sur la terre d’Israël, et cela, bien sûr,
durcit mon attitude à l’égard des Arabes. » Il faisait
allusion aux Arabes israéliens. C’était ses principaux ennemis.
Qu’il s’agisse des civils ou de combattants – Sharon ne
faisait pas le distinguo. Il voyaient dans les derniers comme dans
les premiers une menace pour l’identité nationale d’Israël.
En ceci, Sharon ne différait pas de bien d’autres dirigeants.
Depuis le jour où le mouvement sioniste avait commencé ses opérations
en terre d’Israël, il fut conscient de la résistance arabe.
Depuis le jour où les premiers pionniers arrivèrent, les juifs,
ici, se sont querellés sur la manière la plus appropriée de vivre
avec le « problème arabe ». Ils prirent en considération
toutes les possibilités, tout : depuis le transfert des Arabes
vers un autre pays, jusqu’à la création d’un Etat binational.
Ils ont envisagé toutes les manières possibles de partager le
pays, mais ils étaient unanimes sur un principe fondamental,
intangible : le maximum de territoire, avec le minimum d’Arabes…
Sharon fit sien ce principe, mais il pouffait de rire au constat
de la tendance à l’auto-flagellation, qui gâcha depuis son tout
début l’activité du mouvement sioniste et de l’Etat d’Israël.
« En parfaite bonne foi, je pense que notre survie dépend
d’une insistance décisive sur nos droits et, si nécessaire, nous
devons châtier sans pitié », dit-il. Et pour ce qui est de
« châtier » sans pitié les Palestiniens, il les châtia
sans pitié…
Les conséquences de l’opération de Qibya, dirigée en 1953
par Sharon, furent si horribles qu’au début, l’Etat tenta de dénier
que cette action avait été menée « à bien » par un
escadron de l’armée régulière. Quelques soixante Palestiniens
habitant ce village cisjordanien [jordanien, à l’époque]
furent tués ; près de la moitié des victimes étaient des
femmes, des enfants et des personnes âgées. Sharon prétendit que
cela était dû à une erreur, et on lui permit, par la suite, de
poursuivre sa carrière militaire. Et l’expérience lui enseigna
que l’Etat ne désapprouvait pas son approche.
La répression contre la population palestinienne de la bande de
Gaza, au début des années 1970, causa de cruelles violations des
droits humains ; d’aucuns y virent des crimes de guerre.
Mais, là encore, personne n’arrêta Sharon. Il put poursuivre sa
carrière militaire, et il continua à croire qu’il rendait un
signalé service à l’Etat.
Plus de trente ans s’écoulèrent avant qu’on ne lui demande
des comptes pour ce qui était advenu à des Palestiniens confiés
à sa garde : cela se produisit à la fin de 1982, quand une
commission d’enquête chargée d’étudier le massacre perpétré
dans les camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila [à
Beyrouth] conclut que Sharon avait ignoré le danger d’un bain de
sang vraisemblable, quand il décida de permettre aux Phalangistes
libanais de pénétrer dans ces camps. Sa responsabilité dans le
massacre contraignit Sharon à renoncer aux responsabilités de
ministre de la Défense. « Tous ceux qui ne veulent pas de lui
comme ministre de la Défense l’auront comme Premier ministre »,
déclara son ami Uri Dan. Et, comme de juste, c’est ce qui s’est
produit, énième preuve que l’approche fondamentale qu’avait
Sharon des Palestiniens n’était pas étrangère à son pays…
Illusion optimiste
En sus de sa guerre contre les Palestiniens, Sharon a fait sans
doute plus que quiconque d’autre, dans le domaine de la
construction de colonies dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Et, par voie de conséquence, personne n’a plus porté atteinte
aux chances d’un dialogue avec les Palestiniens. Dans ce domaine,
là encore, Sharon n’était pas seul. Après la guerre des Six
Jours, tout le monde convenait du fait que Gaza ferait désormais
partie d’Israël ; le débat sur la Cisjordanie n’a jamais
été conclu, néanmoins, tout le monde était d’accord pour dire
qu’il n’y aurait jamais de retour à la Ligne verte [= aux
frontières de juin 1967, ndt]. Ainsi, il est absurde de peindre les
colons en « propriétaires terriens » qui se seraient
imposés au gouvernement ; beaucoup parmi eux sont venus
s’installer dans les territoires à l’instigation d’un
certain… Ariel Sharon.
Le retrait de Gaza et le démantèlement des colonies qui s’y
trouvaient répandirent une thèse selon laquelle Sharon avait muté
en un nouvel homme, un « nouveau Sharon ». C’était là
une illusion qui péchait par optimisme : Sharon était resté
celui qu’il avait toujours été, c’est-à-dire quelqu’un qui
ne croyait qu’en la force, et non un homme d’Etat qui aurait
connu son « chemin de Damas », et qui aurait soudain vu
la lumière de la paix. Sharon ne croyait pas en la paix avec les
Palestiniens. Essentiellement parce qu’il n’a jamais été
capable de leur faire confiance. Il s’accrochait, par ailleurs,
aux principes définissant la carte qu’il aimait montrer à ses hôtes,
auxquels il faisait faire le « tour du propriétaire »
dans les territoires…
Son idée était d’annexer à Israël autant de territoires que
possible, tout au long de la Ligne verte et de la vallée du
Jourdain, et de concentrer la population palestinienne dans des
enclaves tantôt complètement isolées les unes des autres, tantôt
reliées entre elles uniquement par de minces bandes de terrain.
Gaza fut la première enclave a être ainsi créée. Le principal
changement, dans la position de Sharon, ne consista pas à reconnaître
que la terre d’Israël devait être partagée, mais dans le fait
qu’il était prêt désormais à qualifier d’ « Etat »
les enclaves palestiniennes. C’était le prix qu’il devait
acquitter, en échange d’un large soutien, presque sans aucune réserve,
du président américain George Debeuliou Bush.
Les frontières permanentes envisagées par Sharon requerraient
le démantèlement de certaines colonies, édifiées au fil des années
en Cisjordanie, y compris certaines d’entre elles, qui gênent les
objectifs de sa carte. Celle-ci n’exigeait pas le démantèlement
des colonies de Gaza, et par conséquent, on peut affirmer que ce
n’est pas Sharon l’homme d’Etat qui a donné l’ordre
qu’elles soient démantelées, mais bien Sharon le militaire, qui
a estimé que le prix à payer pour mener la guerre contre le
terrorisme n’en valait pas la chandelle. Son évacuation des
colons fut un écho de l’axiome fondamental de Ben Gourion :
« L’homme n’est rien, l’Etat est tout ».
« Une légende en
uniforme »
Tous nos Premiers ministres, David Ben Gourion compris, ont laissé
des archives qui ne sont pas encore ouvertes à l’examen public.
Sharon prenait des notes, il tenait peut-être même un journal et,
dans les années à venir, il y aura vraisemblablement beaucoup de
scoops sur ses actions et ses échecs, un peu partout : de
Dimona à Ramallah…
Il n’est pas facile de dire ce qui fait que quelqu’un choisit
la carrière militaire ; la plupart des Israéliens ont servi
sous les drapeaux, mais ils n’ont pas choisi de faire de l’armée
leur carrière. Ceux qui l’ont fait diffèrent quelque peu du
reste des Israéliens, dans leur idiosyncrasie, au moins en ceci
que, bien souvent, la carrière militaire est la satisfaction
d’une passion. Sharon a évoqué un jour ce qu’il ressentit au
cours d’une opération militaire à laquelle il avait participé,
alors qu’il était encore un jeune homme : « C’était
par une nuit de pleine lune. Je me retournai, et vis cette immense
colonne, qui avançait derrière moi. Cela donne un puissant
sentiment de pouvoir, de puissance. » La force que Sharon
irradiait générait à la fois l’admiration et la haine.
Sharon combattit lors de la guerre d’Indépendance du pays ;
il fut blessé à Latroun. Cette semaine, un vieil homme qui avait
sauvé la vie à Sharon, il y a aujourd’hui bien des années,
s’est rendu à l’hôpital Hadassah et, bien entendu, sa visite a
été suivie par les caméras de télévision. On l’a autorisé à
monter au septième étage. A sa sortie, il était tout heureux
d’informer qu’il avait vu Gilad [le fils de Sharon, ndt].
Le fait d’être directement connecté aux prémisses de l’Etat
comporte, en soi, un certain enchantement. Sharon était admiré non
seulement en raison de l’héroïsme qu’on lui attribuait, mais
aussi à cause de la continuité qui émanait de lui, en vertu du
fait qu’il était déjà là quand l’Etat d’Israël est né ;
ses racines plongent profondément dans l’époque où Ben Gourion
était là. Ceci a rehaussé son image de dernier géant légendaire.
Comme commandant des paras, Sharon exemplifiait la virilité juvénile
irrésistible que tant d’Israéliens convoitent pour eux-mêmes,
ou instillent dans leurs rejetons, la nuque roide et les pieds
solidement campés par terre qu’ils aspirent à cultiver, en lieu
et place de la faiblesse et du détachement qu’ils constataient
dans la diaspora juive. « Si un para savait qu’il devait sa
peau à la fuite ou à la retraite, la seule chose qu’il pourrait
ressentir, vis-à-vis de lui-même, c’est du mépris. Sa vie
n’aurait plus aucune valeur, à ses yeux », écrivit un
journaliste, à la fin des années 1960.
A la veille de la guerre des Six Jours, le pays étaient en proie
à une terrible angoisse ; l’Holocauste était dans la
plupart des mémoires. La victoire fut perçu comme un sauvetage
d’une destruction totale, et valut à Sharon une part considérable
de sa gloire. « Une légende en uniforme », dit de lui
Geula Cohen, en 1967. « Il vous donne l’impression qu’il
est chacun d’entre tous et nous tous à la fois, simplement, en
plus corpulent, en plus intelligent et en plus élégant. »
Mme Cohen était dingue de sa chevelure poivre et sel, de ses larges
épaules, de son poitrail puissant, de ses yeux, de son sourire…
La guerre du Kippour fit brutalement voler en éclat l’excessive
confiance en soi héritée de la guerre des Six Jours, et Sharon émergea,
une nouvelle fois, en héros et en sauveur. Le pansement qu’il
arborait autour de la tête, en raison d’une blessure au combat,
devint son symbole, durant un temps. Presque comme le bandeau noir
sur un œil, devenu emblématique de Moshe Dayan. Presque,
seulement…
Cette semaine, une chaîne de télévision européenne a émis la
théorie que la fin de la carrière de Sharon marquerait la fin de
l’ère des généraux, dans la politique israélienne. Ce n’est
pas vrai. En revanche, il est bien vrai que Sharon était un des
officiers les plus politiques, et un des politiciens les plus
militaires qu’Israël ait jamais connus. Quand il était dans
l’armée, il maintenait un contact direct avec les hommes
politiques, y compris Ben Gourion, qui voyait en lui l’incarnation
du nouvel héros juif laïc : « Tu n’as pas encore fait
toutes tes preuves : une carrière brillante s’ouvre encore
devant toi », lui écrivit Ben Gourion, tout en notant dans
ses mémoires que Sharon avait la fichue manie de lui mentir…
La guerre des Six Jours étant sur le point d’éclater d’un
instant à l’autre, Sharon se mêlait de plus en plus fréquemment
de politique, afin d’en hâter le déclenchement. Perdant
patience, il suggéra que Rabin enferme le conseil des ministres au
complet dans une pièce et de lancer la guerre, sans attendre la décision
qu’ils s’avéraient incapables de prendre. Après la guerre de
Kippour, Sharon s’émergea dans la guerre entre généraux, qui était
très politique. Et une fois la guerre au Liban venue, Sharon était
d’ores et déjà plus un homme politique qu’un chef militaire.
Mais Sharon ne met pas fin à l’ « ère des généraux »
dans la politique israélienne, parce qu’une telle ère n’a
jamais existé. Depuis les années Ben-Gourion, les Israéliens ont
eu un certain nombre de Premiers ministres qui étaient des
politiciens professionnels, voués à la seule politique, comme Moshé
Sharett et Benjamin Netanyahou, et les successeurs potentiels de
Sharon leur sont similaires, de ce point de vue : aucun
d’entre eux n’est venu à la politique, en étant issu du sérail
militaire.
Le militaire le plus éminent dans la vie politique israélienne
fut Dayan. Mais Dayan était une exception : beaucoup de
militaires se sont essayés à la vie politique, mais seuls,
quelques-uns ont réussi à laisser une trace. Beaucoup ne sont pas
allés bien loin, dans la politique. Beaucoup ont échoué, et tombèrent
dans un oubli quasi total : les chefs d’état-major Yigael
Yadin, Haim Bar-Lev, Mordechai Gur, Rafael Eitan et Amnon Shahak ;
les généraux Aharon Yariv, Mati Peled, Rehavam Ze’evi, Yitzhak
Mordechai, Ori Orr, Amram Mitzna et d’autres, fort nombreux…
Ces dernières années, l’establishment de la défense a lancé
de nouveaux hommes en politique, des gens comme Shaul Mofaz, Ami
Ayalon, Uzi Dayan et Avi Dichter : aucun d’entre eux n’a réussi
à s’imposer comme un leader particulièrement marquant.
Sur onze Premiers ministres israéliens, seuls trois sont entrés
en politique après leur carrière dans l’armée : Yitzhak
Rabin, Ehud Barak et Ariel Sharon. Rabin et Barak on intégré
l’appareil de l’administration parlementaire en tant qu’hommes
politiques civils ; Sharon, lui, est resté un militaire toute
sa vie. D’une certaine façon, il a réussi à rester au-dessus de
la politique partisane, dans la conscience populaire : beaucoup
d’Israéliens l’identifient à l’Etat lui-même.
La première excursion de Sharon dans la vie politique fut un
flop. Son expérience à Shlomzion lui fit prendre conscience de la
nature marécageuse du système des partis. Il s’esclaffa devant
les limitations de la démocratie, et démissionna du Likoud. Son
parti Kadima a juré, entre autres choses, de « changer le régime »
en Israël, c’est-à-dire, d’introduire un régime personnel :
celui de Sharon himself. Il laisse derrière lui un pays qui risque
fort d’arriver aux élections en étant en proie au plus grand
danger qui puisse menacer une démocratie : l’ennui…
Entre Paris et Jérusalem
L’hospitalisation de Sharon a incité les médias à se livrer
à leur sujet favori : eux-mêmes. Voici quelques semaines, les
journaux ont critiqué le cabinet du Premier ministre, qui aurait
diffusé une information concernant la santé du Premier ministre,
à la fois trop partiale et trop tardive. Aujourd’hui, les
journaux se demandent s’ils en seraient pas par hasard allés un
peu trop loin dans leurs reportages. Entre tel général français,
qui venait dire sur les médias, une fois par jour, avec sa
casquette rigolote et sa voix éraillée, qu’il n’avait rien à
dire sur l’état de santé de Yasser Arafat (lequel était,
apparemment, déjà mort) et le professeur Shlomo Mor-Yossef,
tellement crédible et direct, je pense que je préfère encore
Motti Ravid, de la dixième chaîne israélienne, qui est capable
d’expliquer l’information délivrée au compte-gouttes par l’hôpital
et qui, c’est plus important, est aussi parfois capable de dire
qu’il n’en sait pas plus que ce que les médecins de Sharon
veulent bien dire…
Toute
la semaine écoulée, les citoyens israéliens se sont retrouvés
dans la peau des parents d’un malade attendant, dans la salle
d’attente, ce que diraient ses médecins. Ils veulent tout savoir,
et ils en ont le droit. Ils ont aussi besoin de savoir si les médecins
penchés sur leur proche se sont ou non trompés dans leur
diagnostic ou dans leur traitement. En même temps, ils n’ont nul
besoin des commérages de médecins qui n’ont absolument rien à
voir avec le patient en question, et dont ils ne connaissent même
pas le nom. Ils n’en ont vraiment pas besoin…
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