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Une semaine de « retenue israélienne » *
Tanya Reinhart

 

http://www.tau.ac.il/~reinhart

in Yediot Aharonot, 21 juin2006

Traduction de l’hébreu par Mark Marshall (notes de bas de pages ajoutées)

Traduit de l'anglais par Marcel Charbonnier, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique (www.tlaxcala.es). Cette traduction est en Copyleft.

 

Dans le discours israélien, Israël est en permanence la partie qui observe la retenue, dans son conflit avec les Palestiniens. Cela s’est vérifié, encore une fois, avec les événements de la semaine passée. Tandis que les roquettes Qassâm pleuvaient sur la ville de Sderot, au sud d’Israël, des « fuites » indiquaient que le ministre israélien de la Défense avait recommandé à l’armée de faire preuve de retenue [1]

Au cours de cette semaine de « retenue », l’armée a tué toute une famille palestinienne qui était allée pique-niquer sur la plage de Beit Lahya, dans la bande de Gaza ; après quoi, l’armée tua neuf personnes, afin de liquider un site de tir de roquettes Katyusha. Mais, dans le discours de retenue, le premier massacre ne compte pas, en effet, l’armée a rejeté toute implication. Et le second a été qualifié d’acte nécessaire d’autodéfense. Après tout, Israël est pris sous des tirs de Qassam, et il doit défendre ses citoyens, non ? Selon ce discours, le fait qu’Israël se contente de bombarder la bande de Gaza par air, par mer et par artillerie terrestre illustre une retenue et une humanité dont peu d’Etat pourraient se vanter.

Mais demandons-nous ce qui provoque des attaques de roquettes Qassam sur Israël ? Depuis dix-sept mois qu’il a déclaré un cessez-le-feu, le Hamas n’a plus été impliqué dans ces tirs de Qassam. Les autres organisations (palestiniennes) n’ont réussi qu’à lancer quelques Qassam erratiques. Comment cela a-t-il pu aboutir à un nombre de tirs de Qassam aussi élevé que soixante-dix roquettes en trois jours ?

L’armée israélienne a une longue tradition d’ « invitation » des salves de Qassam. Au mois d’avril de l’année dernière, Sharon est allé à un meeting au cours duquel son message central fut qu’il ne fallait faire nulle confiance à Abbas, car il n’exerce aucun contrôle sur le terrain ; il ne saurait donc être considéré comme un partenaire pour de quelconques négociations. L’armée prit soin de fournir la piqûre de rappel appropriée à ce message. A la veille du départ de Sharon, le 9 avril 2005, l’armée israélienne a tué trois jeunes hommes à la frontière de Rafah, lesquels, selon des sources palestiniennes, étaient en train de jouer au foot. Cette tuerie arbitraire suscita une vague de colère dans la bande de Gaza, qui avait été relativement calme jusqu’alors. Le Hamas réagit à la colère qui s’exprimait dans la rue, et il autorisa son peuple à participer aux tirs de Qassam. Les deux jours suivants, ce sont près de quatre-vingt Qassam qui furent ainsi lancés, mais le Hamas parvint à rétablir le calme. Ainsi, au cours de ce meeting avec Sharon, le monde eut droit à une illustration parfaite de la « non fiabilité » d’Abbas [2]…

Au début de la semaine passée (le 11 juin), Olmert a lancé une campagne de propagande, en Europe, afin de convaincre les dirigeants européens que désormais, avec le Hamas au pouvoir, Israël n’avait absolument plus de partenaire. Les Etats-Unis n’ont apparemment pas besoin d’être convaincus, en ce moment ; mais en Europe, les mesures unilatérales [proposées par Olmert, ndt] sont accueillies avec beaucoup de réserves. L’armée israélienne avait commencé à préparer la piqûre de rappel durant la nuit du jeudi précédent (8 juin), en « liquidant » Jamal Abu Samhadana, qui venait d’être nommé chef des forces de sécurité du ministère de l’Intérieur [du gouvernement Hamas]. Il était entièrement prévisible que cette action était susceptible d’entraîner des attaques de Qassam sur Sderot. Néanmoins, l’armée bombarda, le lendemain, la côte de Gaza (tuant les sept membres de la famille Ghalya et blessant des dizaines de personnes), et elle a effectivement réussi à provoquer la conflagration souhaitée, jusqu’au jour où, à nouveau, le Hamas a demandé à son peuple, le 14 juin, de cesser les tirs.

Cette fois-ci, la mise en scène de l’armée a été un peu confuse. Des photos de la petite Huda Ghalya ont fini par percer le mur de l’indifférence occidentale pour la souffrance des Palestiniens. Même si Israël dispose d’encore assez de puissance pour forcer Kofi Annan à s’excuser d’avoir osé soulever un doute quand au déni Israélien, le message selon lequel le Hamas serait l’agresseur, dans le conflit, n’est pas passé sans être contesté, dans le monde, pour une fois. Mais l’armée israélienne ne baisse pas pour autant les bras. Elle semble déterminée à continuer à provoquer des attaques susceptibles de justifier le renversement du gouvernement Hamas par la force. Et Sderot continuera à en payer le prix.

Même s’il est impossible de comparer les souffrances des habitants de Sderot avec celles des habitants de Beit Hanoun et de Beit Lahia, dans le nord de la bande de Gaza, localités sur lesquelles 5 000 projectiles sont tombés seulement au cours du mois écoulé [3], mon cœur saigne aussi pour les résidents de Sderot. Il leur échoit le triste sort de vivre dans la peur perpétuelle et dans la douleur, parce qu’aux yeux de l’armée israélienne, leur souffrance est nécessaire, afin que le monde puisse « comprendre » qu’Israël est le camp qui fait preuve de retenue, dans une guerre pour [carrément] sa propre existence.


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* Cette tribune a été mise sous presse une heure avant que l’aviation israélienne ne tue trois enfants de plus dans une rue bondée, au nord de Gaza, le 20 juin (mardi).

1. Le lundi 12 juin, les titres annonçaient que le ministre de la Défense Peretz avait suspendu une initiative prise par l’armée consistant à lancer une offensive terrestre massive à Gaza [voir Amos Har’el et Avi Issacharoff, in Ha’aretz du 12 juin 2006]. Dans les pages intérieures des suppléments du week-end, il s’avéra qu’il s’agissait là d’un « bobard médiatique » produit par les services de Peretz « sur la base d’une consultation en matière de sécurité, tenue la veille au soir » [Avi Issacharoff et Amos Har’el : Lost innocents, in Ha’aretz, 16-17.06.2006].

2. Cet enchaînement d’événements est présenté en détail dans mon livre : La Feuille de Route Vers Nulle Part [The Road Map to Nowhere] [à paraître (en anglais) en juillet 2006].

3. Alex Fishman, le plus grand spécialiste des questions sécuritaires au quotidien Yediot Aharonot, écrit qu’au début : « le bombardement d’artillerie de la bande de Gaza a été examiné », mais qu’ensuite, « ce qui avait commencé, dix mois auparavant, par des dizaines de projectiles par mois tirés sur des terrains vagues atteignait désormais un nombre de projectiles astronomiques. Une batterie qui avait tiré six obus le vendredi 9 juin en était arrivée à tirer en moyenne plus de mille obus par semaine vers le nord de la bande de Gaza. Cela signifie que la batterie qui avait été installée à cet endroit depuis quatre semaines avait d’ores et déjà tiré environ 5 000 obus ( !) [Yediot Aharonot, Supplément du samedi 16 juin 2006].

 

 


Source : Silvia Cattori


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