Quoi de mieux qu'une bonne dose de mauvaise foi pour se donner bonne
conscience. C'est que peut l'on peut retenir de l'exercice de
mauvaise foi auquel s'est livré Madame Benita Ferrero-Waldner,
commissaire européenne en charge des relations extérieures et de
la politique européenne de voisinage (sic) dans Le
Monde du mardi 9 mai sous le titre "Palestine : l'Europe
reste engagée". Ainsi une responsable de l'Union Européenne a
besoin de justifier la scandaleuse décision européenne de couper
les vivres à l'Autorité Palestinienne en expliquant avec la
meilleure mauvaise foi qu'il n'est pas question de suspendre l'aide
au peuple palestinien, seulement de couper les vivres à un
gouvernement de l'Autorité Palestinienne issu d'élections dont
tous reconnaissent qu'elles furent démocratiques, oubliant de dire
que ce gouvernement n'est le gouvernement d'aucun Etat, qu'il est
d'abord un lieu de résistance à une occupation qui n'en finit pas,
et que cette élection démocratique exprime d'abord la volonté de
résistance des Palestiniens.
Ecrire : "nous respectons le verdict des urnes, mais nous ne pouvons pas
appuyer un gouvernement qui refuse les fondements mêmes du
processus de paix" relève de l'imposture intellectuelle.
De quel processus de paix s'agit-il ? En quoi le vote palestinien
a-t-il mis fin à un processus de paix qui n'existe pas s'il a
jamais existé ? Lorsque l'auteur ajoute : "Lorsque
les membres du Quartet demandent l'arrêt des violences, la
reconnaissance du droit d'Israël à exister et l'acceptation des
accords existants, ils ne font que demander au nouveau gouvernement
d'adhérer à ce processus de paix et de tirer toutes les conséquences
de sa décision de se présenter aux élections", on reste
pantois devant tant de mauvaise foi.
Ce discours pourrait
être acceptable, sinon accepté, si les responsables de l'Union
Européenne avaient pris une position analogue par rapport à Israël,
car, à ce jour, Israël n'a pas reconnu le droit d'existence d'un
Etat de Palestine, n'a pas mis fin à l'occupation et aux violences
qui en découlent, et son gouvernement ne semble pas être lié par
des accords existants ou un processus de paix. Mais l'Union Européenne
refuse toute sanction contre l'Etat d'Israël, laisse l'occupation
continuer, le Mur annoncer la nouvelle frontière de l'Etat d'Israël,
alors qu'aucun processus de paix n'est en vue et que la colonisation
continue.
Madame Benita
Ferrero-Waldner semble avoir oublié que le Conseil National
Palestinien a reconnu en 1988 le principe de l'existence de deux
Etats, l'israélien et le palestinien, que Yasser Arafat a reconnu
l'existence de l'Etat d'Israël, lors de l'échange de lettre qu'il
a eu avec Rabin avant la grande cérémonie de Washington de
signature des Accords d'Oslo, alors que Rabin se contentait de
reconnaître l'OLP comme interlocuteur. Madame Benita
Ferrero-Waldner pourrait alors poser la question : quels sont les bénéfices
de cette reconnaissance pour les Palestiniens ? et prendre acte que
cette reconnaissance n'a rien apporté aux Palestiniens toujours
soumis à l'occupation israélienne et à une colonisation
grandissante.
Que pouvait dire
Mahmoud Abbas sur ce que les divers accords, processus et autres
leurres mis en place avaient apporté aux Palestiniens ? RIEN. Et
c'est devant ce rien que les Palestiniens ont choisi d'exprimer leur
volonté de résistance en donnant la majorité au HAMAS.
Mais Madame Benita
Ferrero-Waldner, comme ses collègues des divers instances européennes,
ne veulent rien comprendre. Les Palestiniens n'ont qu'à se
soumettre à ce bon élève de l'Occident que constitue l'Etat
d'Israël, à cette seule démocratie qui pratique une politique
d'occupation et de colonisation contre le peuple qu'elle a expulsé
de sa terre il y a près de soixante ans et qui considère ses
citoyens non juifs comme des citoyens de seconde zone.
Après avoir laissé
se développer l'antisémitisme européen et laissé faire le
massacre du milieu du siècle dernier, l'Europe reconnaît que les
Juifs sont une partie d'elle-même et qu'ils peuvent continuer sa
politique coloniale dans ce bastion de l'Occident que constitue
aujourd'hui l'Etat d'Israël. Du projet de Herzl il ne sera resté
que le bastion avancé contre la barbarie asiatique. L'Europe peut
être satisfaite.
La décision européenne
de couper les vivres à l'Autorité Palestinienne peut alors être
considérée à la fois comme l'une des dernières grandes
manifestations de l'antisémitisme européen et comme un crime
envers les Palestiniens à qui elle continue de faire payer les
crimes européens du siècle dernier.
Que l'Union Européenne ait au moins le
courage, lorsqu'elle sanctionne les Palestiniens, de le dire au lieu
de développer quelques arguties de mauvais goût destinées à
masquer son soutien à Israël.
Rudolf Bkouche
membre de l'Union
Juive Française pour la Paix.
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