Site d'information sur le conflit israélo-palestinien

 

Palestine - Solidarité

 

Retour : Accueil Analyses  - Ressources  -  Mises à jour



Une autre pierre à l’édifice
Robert Fisk


Je crois me rappeler que les Allemands de l’Est avaient appelé le mur de Berlin - ou la « clôture de Berlin » comme je suppose que nous l’aurions appelé s’il avait été érigé par les Israéliens - une « barrière de sécurité » 

On nous a roulés, encore. Les élections israéliennes, à nous entendre, signifient que le rêve du « grand Israël » est finalement abandonné. Des colonies en Cisjordanie seront fermées définitivement, comme l’ont été celles de Gaza l’année dernière. La revendication sioniste sur tout l’Israël biblique s’est évanouie. Le Likoud, le parti cauchemardesque de Menachem Begin et de Benjamin Netanyahu, a été fracassé par un personnage gaullien, le mourant Ariel Sharon, dont le parti Kadima a recueilli Ehud Olmert et ce symbole décadent de la gauche israélienne, détenteur du prix Nobel, Shimon Peres.

Cela, du moins, c’est le récit présenté par nombre de nos journalistes, « analystes » et « commentateurs ». Mais c’est un mensonge.

C’est seulement dans le deuxième - ou 3ème ou 4ème - paragraphe des comptes rendus obséquieux des informations sur le Moyen-Orient, que nous pouvons lire que la victoire électorale - pas vraiment impressionnante - d’Olmert lui permettra de « redessiner » les « frontières » d’Israël, une décision présentée comme « à discuter » ; le lecteur fidèle n’aura cependant pas cette information que le journal tient à lui éviter : Israël va s’emparer de plus de territoire, et déclarer qu’il fait partie de l’Etat d’Israël.

Oui, c’est vrai, les plus petites et les plus vulnérables colonies juives, illégales, sur la terre des Palestiniens vont être abandonnées ; attendez-vous à plus de chagrin et de larmes encore que vous en avez vus pour Gaza. Mais le reste, le formidable demi-cercle de béton qui chemine tout autour de Jérusalem-Est, par exemple, lui, ne sera pas dépeuplé.

Commençons par le mur. Il s’étendra bientôt du haut en bas de la Cisjordanie palestinienne occupée, et il va y demeurer. Dans ses tronçons déjà achevés (Jérusalem-Est par exemple), il est plus haut que le mur de Berlin. Les journalistes pourtant continuent de l’appeler « barrière de sécurité », ou « clôture » car dans les parties non terminées, ce n’est encore que des rouleaux de fil de fer barbelé. Tout cela fait partie du monde imaginaire que les rédacteurs et les journalistes ont créé autour du conflit israélo-palestinien.

Il existe dans le même paysage de Potemkine * qui permet à des journalistes d’appeler les territoires palestiniens occupés, des « territoires disputés », après que le secrétaire d’Etat US, Colin Powell, ait ordonné à ses diplomates dans la région d’utiliser cette expression mensongère, et d’appeler les colonies juives illégales sur la terre arabe, des « implantations » ou - mes préférées maintenant - des « quartiers juifs voisins » ou des « avant-postes ». On procède de la même manière pour les Israéliens qui sont tués par des Palestiniens - ce qui est vrai - mais quant aux Palestiniens, ils meurent dans des « affrontements » incognito (avec qui, tués par qui exactement ?)

Et chacun de ces petits mensonges, naturellement, contient un grain de la vérité. Les territoires occupés effectivement "sont disputés" entre les Israéliens et les Palestiniens, les premiers prétendant que Dieu leur a donné la terre, les seconds produisant les documents se rapportant à la terre et prouvant qu’elle leur appartient en propre de par la loi.

Si les colonies illégales, comme Maale Adumim, sont construites en limite de Jérusalem - elle-même annexée illégalement par Israël - alors bien sûr qu’il y « voisinage ». Et si le mur - qui a englouti 10 % de terres palestiniennes supplémentaires au bénéfice des Israéliens - est destiné à empêcher les attentats suicide (et il y a un peu réussi), c’est donc une « barrière de sécurité ».

***

Je crois me rappeler que les Allemands de l’Est avaient appelé le mur de Berlin - ou la « clôture de Berlin » comme je suppose que nous l’aurions appelé s’il avait été érigé par les Israéliens - une « barrière de sécurité ».

Oubliées l’illégalité de l’occupation, l’illégalité du vol de la maison d’autrui et de sa terre, et l’illégalité de la construction d’un mur qui s’empare d’encore plus de propriétés sur les 22 % de la Palestine mandataire, lesquels sont censés être l’objet de négociations avec les Palestiniens.

Je vais être franc. Si j’étais Israélien, moi aussi, j’aurais construit un mur pour faire obstacle aux candidats au suicide du Jihad islamique et, auparavant, du Hamas. Mais je l’aurais monté le long de la frontière internationale d’Israël, je ne m’en serais pas servi comme d’un moyen facile pour voler plus de terre.

En effet, en vertu de la résolution 242 du Conseil de Sécurité des Nations unies - sur laquelle est censée se fonder la paix - l’acquisition de terre par la guerre est déclarée illégale. Le mur lui-même est donc illégal. Et la Cour internationale l’a aussi déclaré illégal. Et Israël ignore toutes ces décisions. Et de même, bien sûr, les Etats-Unis.

Seulement maintenant, tout le poids de ce vol post-électoral va reposer sur le Président palestinien, Mahmoud Abbas. Cet homme sans charisme, démuni, qui a pu présider malgré une corruption permanente de l’Autorité palestinienne, est supposé convaincre le gouvernement Hamas d’accepter les saisies de la terre par Israël, de reprendre le processus d’Oslo là où il a été laissé (qui laisse toujours Jérusalem entre les mains israéliennes exclusivement), et d’abandonner toute violence - ce qui signifie lever les mains à chaque fois que les troupes israéliennes font des raids sur les camps de réfugiés ou les villes de Cisjordanie.

Le fait est que les membres du Hamas ont été élus sans ambiguïté représentants des Palestiniens - comme Olmert et ses futurs partenaires au gouvernement, le sont des Israéliens. Mais au Hamas, ceci ne lui permet pas de monter des projets pour les « discuter » et redessiner sa « frontière » avec Israël, même pas d’insister pour qu’Israël se retire - ou se redéploie - jusqu’à ses frontières reconnues internationalement (je parle de la frontière d’avant 1967, pas celle de 1948). Il ne peut pas non plus exiger l’application de la résolution 242 des Nations unies puisque que le Président George Bush a déjà indiqué clairement que les grandes colonies juives à l’est de Jérusalem, et Jérusalem elle-même, resteraient entre les mains des Israéliens.

C’est sûr, 14 des 24 ministres Hamas sont passés par les prisons israéliennes. Mais que doivent penser les Palestiniens quand 15 généraux israéliens ont été élus à la Knesset, et parmi eux, six agents des services secrets ?

Pourtant même ça, ce n’est pas la question. Si les Israéliens veulent que le Hamas reconnaisse l’Etat d’Israël, alors il faudrait qu’il le reconnaisse dans ses frontières légales, pas dans des frontières illégales comme en rêve Olmert.

Il nous faut abandonner l’idée selon laquelle Ariel Sharon - criminel de guerre, non poursuivi, par son implication dans les massacres de Sabra et Chatila - aurait renoncé aux principales colonies juives implantées illégalement sur la terre arabe, ou à l’annexion illégale de Jérusalem.

Certainement, Olmert n’est pas sur le point de faire cela. Il va créer des frontières plus larges pour Israël et de cette manière, voler - disons pelletée par pelletée - plus de terre arabe.

Les USA seront d’accord avec cette nouvelle saisie illégale de terres. Et l’Union européenne ? Et les Nations unies ? Et la Russie ? Et Tony Blair ?

Les Israéliens méritent la paix et la sécurité autant que les Palestiniens. Mais, les « nouvelles » frontières, en expansion, « à discuter », n’apporteront ni la paix ni la sécurité, à aucun.

* Homme d’Etat et feld-maréchal russe qui annexa la Crimée en 1783.

©


Robert Fisk
Vendredi 7 avril 2006 - The Independent - http://www.imemc.org/content/view/1...
Traduction : JPP


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2480


Avertissement
Palestine - Solidarité a pour vocation la diffusion d'informations relatives aux événements du Proche Orient.
L' auteur du site travaille à la plus grande objectivité et au respect des opinions de chacun, soucieux de corriger les erreurs qui lui seraient signalées.
Les opinions exprimées dans les articles n'engagent que la responsabilité de leur auteur et/ou de leur traducteur. En aucun cas Palestine - Solidarité ne saurait être tenue responsable des propos tenus dans les analyses, témoignages et messages postés par des tierces personnes.
D'autre part, beaucoup d'informations émanant de sources externes, ou faisant lien vers des sites dont elle n'a pas la gestion, Palestine - Solidarité n'assume aucunement la responsabilité quant à l'information contenue dans ces sites.

Retour  -  Ressources  -  Analyses  -  Communiques  -  Accueil