Palestine . Reprise par le président Abbas, l’initiative de
Marwan Barghouti visant notamment l’instauration d’un pouvoir
d’unité nationale, a relancé le dialogue interpalestinien.
Le dialogue national, entamé depuis quelques jours
entre les différentes factions pales-tiniennes, montre que l’Organisation
de libération de la Palestine (OLP) et sa principale organisation,
le Fatah, ont lancé une offensive politique d’envergure alors que
les affrontements armés interpalestiniens de ces dernières
semaines semblaient marquer le glas de tous les espoirs. Le Fatah,
soumis à de multiples pressions internes après sa défaite aux élections
législatives du mois de janvier, incapable de prendre de
quelconques initiatives, au bord de l’implosion, s’est donc
ressaisi.
Une nouvelle donne
Deux facteurs majeurs expliquent cette nouvelle
donne. En quatre mois, le Hamas n’a pas su prouver sa capacité à
gouverner et surtout à proposer une alternative crédible à
l’impasse dans laquelle la précédente équipe se trouvait. Or,
si les Palestiniens ont récusé le Fatah c’est bien pour que des
solutions soient trouvées, tant au plan intérieur (amélioration
de la situation économique, frein à la corruption) qu’extérieur
avec l’instauration sinon de la paix en tout cas d’une méthode
permettant de forcer Israël à se conformer au droit international
et aux accords signés. Las, le mouvement de la résistance
islamique s’est empêtré dans ses propres contradictions
(participer aux élections comme le prévoyaient les accords d’Oslo
signés avec... Israël). Paradoxalement, la politique de blocus menée
par les États-Unis et l’Union européenne, qui plonge le peuple
palestinien dans une misère économique et sanitaire rarement égalée,
donne au Hamas une certaine marge de manoeuvre en lui permettant de
s’absoudre de toute responsabilité (1).
Le document élaboré à l’initiative de Marwan
Barghouti par les principaux prisonniers palestiniens de toutes
tendances politiques (Fatah, Hamas, Djihad islamique et FDLP)
actuellement dans les geôles israéliennes est aujourd’hui à la
base de ce dialogue national palestinien. Que prévoit ce document ?
L’instauration d’un État palestinien dans les frontières de
1967 et le retour des réfugiés ; l’intégration du Hamas et
du Djihad islamique à l’Organisation de libération de la
Palestine (OLP) ; la fin des attentats en Israël ; la
formation d’un gouvernement d’unité nationale auquel
participent toutes les factions et particulièrement le Fatah et le
Hamas ; donner mandat à l’OLP et au président de l’Autorité
palestinienne afin de mener les négociations de paix avec Israël.
Mahmoud Abbas a donné jeudi dernier dix jours aux participants au
dialogue, et particulièrement au Hamas, pour accepter le document,
faute de quoi il a annoncé qu’il le soumettrait à un référendum
dans les 40 jours.
Peur d’un référendum
Jusqu’à présent, le Hamas s’est refusé à
reconnaître ce document, du moins officiellement puisque l’un de
ses principaux dirigeants, en prison, l’a approuvé. Les difficultés
du Hamas semblent surtout provenir de sa direction à l’extérieur :
depuis Damas, Khaled Mechaal met tout son poids dans la balance pour
que l’organisation islamique campe sur ses positions. « Ce
processus a un coût alors que nous avons besoin d’argent. Nul ne
reconnaîtra Israël, ce n’est pas la peine d’avoir un référendum »,
a déclaré Mahmoud Zahar, ministre des Affaires étrangères.
Taufik Abou Khoussa, porte-parole du Fatah, s’est interrogé sur
les raisons qui poussent le Hamas à refuser un référendum.
« Ils disent que la majorité de la rue soutient leur
programme politique. Pourquoi alors existe-t-il une telle peur
panique face à l’éventualité d’un référendum ? »
Selon un sondage réalisé par le Near East
Consulting (NEC) en liaison avec l’Agence suisse pour le développement
et la coopération (SDC), globalement, 81 % des Palestiniens
soutiennent l’appel du président Abbas pour un référendum au
cas où le dialogue national échouerait (95 % des électeurs du
Fatah soutiennent l’appel du président Abbas pour un référendum,
c’est le cas pour 67 % de ceux du Hamas et 66 % pour ceux qui ne
font confiance à aucune des deux factions). Si le référendum est
effectivement organisé, 85 % des Palestiniens voteraient en faveur
du document des prisonniers (95 % de ceux du Fatah, 72 % parmi les
électeurs du Hamas et 73 % de ceux qui ne font confiance à aucune
faction). De même, 71 % des Palestiniens soutiennent une solution
de deux états sur la base des frontières de 1967. Dans la Bande de
Gaza 78 % soutiennent cette solution ; ils sont 66 % en
Cisjordanie. 85 % des électeurs du Fatah se prononcent pour la
coexistence de deux États, c’est le cas pour 61 % de ceux qui ne
font confiance à aucune faction et 55 % pour les supporters du
Hamas.
Un accord possible
« L’initiative des prisonniers a fourni à
Mahmoud Abbas l’occasion de mettre le Hamas en difficulté, de
l’acculer », estime un analyste palestinien, George Giacaman.
« Le problème, maintenant, c’est le Hamas, parce qu’il ne
semble pas disposer de beaucoup d’options. » Lundi, le président
du Parlement, Aziz Doweik (Hamas), faisait état de « progrès »,
estimant qu’une entente pourrait être conclue avant
l’expiration samedi, du délai de dix jours fixé par Abbas.
« L’atmosphère est très positive et nous commençons à
nous approcher d’un accord », a pour sa part déclaré
Moustapha Barghouti.
(1) Jean-Claude Lefort, député (PCF), membre de la
commission des Affaires étrangères, a écrit au ministre français
des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, pour demander la
tenue d’une Conférence internationale et un débat parlementaire
sur la situation au Proche-Orient.
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