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Palestine. Retour à Naplouse ravagée
Pierre Barbancey


La ville de Naplouse a connu une des incursions israéliennes les plus terribles au début de l’année, dans le silence assourdissant de la communauté internationale : 19 morts, 270 blessés, des dizaines de maisons détruites.

Naplouse (Cisjordanie),

envoyé spécial.

C’est un matin comme un autre à Naplouse, la grande ville palestinienne du nord de la Cisjordanie. Quatre heures à l’horloge de la place centrale ce jeudi, et les véhicules militaires israéliens s’engouffrent dans les ruelles de la cité, précédés par des chars. Une incursion sporadique, comme pour montrer qui est le maître. Dans les maisons la crainte le dispute à la colère. Qui peut ignorer le bruit des chenilles sur l’asphalte, le son métallique qui annonce destructions et meurtres ? Avant-hier, le prétexte des escadrons de la mort israéliens était la capture d’un militant d’une des branches armées proches du Fatah, les brigades Al Aouda. Alors que le pâté de maisons est encerclé, les jeeps patrouillent dans le centre-ville. Des toits, les projectiles pleuvent : bidons, parpaings... tout y passe pour exprimer le rejet de l’occupant. Des barricades de fortune sont érigées, les pierres volent. Pendant plus de douze heures, l’armée israélienne fait le siège d’une maison, utilisant tous les moyens pour obtenir la reddition du militant, jusqu’à forcer sa mère à parler dans un haut-parleur pour lui demander de se rendre. La répression n’a pas de morale. La maison est finalement détruite dans une explosion qui ébranle Naplouse. Selon les Israéliens, l’homme recherché a été enseveli sous les décombres. Les Palestiniens affirment qu’il a pu s’enfuir.

Une description sommaire d’une journée, scène de la vie quotidienne à Naplouse qui ne connaît pratiquement aucun répit depuis le début de l’Intifada, à la fin du mois de septembre 2000. Le 26 décembre, l’armée israélienne y est entrée en force et a installé son campement jusqu’au 5 janvier, s’est retirée, avant de revenir deux jours plus tard. Des journées terribles. Terribles comme jamais, au dire de tous, malgré le souvenir du couvre-feu imposé en juin 2003 pendant près de cent quarante jours ! " 19 personnes ont été tuées et 270 blessées, révèle le gouverneur de Naplouse, Mahmoud Al-Alloul. C’est l’incursion la plus dure que nous ayons connue. Les soldats avaient des instructions spécifiques pour tuer. Des familles entières ont été confinées dans des salles et utilisées comme otages. " Pour le gouverneur, le silence de la communauté internationale est difficilement compréhensible et n’a fait qu’encourager l’armée d’occupation. " Dès le premier jour nous avons essayé d’alerter les diplomates et les médias mais personne n’est vraiment intervenu ", dit-il.

Aux quatre coins de la ville, les témoignages sont édifiants. Sur le fronton de sa maison, Mustafa a accroché le portrait de son frère Aboud, vingt-six ans, tué le 7 janvier, vers deux heures du matin. Cette nuit-là, le quartier est, une fois de plus, encerclé. La population se terre sans vraiment comprendre les ordres aboyés selon lesquels il faut sortir des habitations. Une rafle, en quelque sorte. La famille de Mustafa se décide à ouvrir la porte alors qu’Aboud n’est pas encore habillé. Outre la troupe, des snipers sont en position sur les toits alentour. Les soldats pénètrent, manu militari, dans les pièces et s’emparent du jeune homme qui n’a jamais fait partie d’aucun groupe politique et encore moins armé. Ils l’emmènent derrière le bâtiment où un autre homme, membre des brigades Al Aouda, est déjà menotté. Aboud affirme ne pas le connaître : il est d’abord battu. Nouvel interrogatoire et même réponse : un soldat lui tire une balle dans la jambe. Le scénario se répète : une balle dans le flanc. La troisième, tirée en pleine face, mettra fin à la question. Aboud est mort, quasiment en même temps que l’autre prisonnier. Des exécutions sommaires, visualisé par un voisin qui, aujourd’hui, se tait par peur des représailles israéliennes. Mustafa n’entend pas en rester là et tente de saisir la Haute Cour de justice d’Israël, aidé par l’association israélienne Betselem, connue pour avoir dénoncé l’utilisation de la torture par l’armée.

La vieille ville de Naplouse a sérieusement souffert des différentes incursions israéliennes. Ce lieu historique, normalement protégé par l’UNESCO, a subi des dégâts considérables : en avril 2002, les Israéliens ont fait donner l’aviation, puis les bulldozers sont entrés en action. Trois mosquées et deux églises ont été en partie rasées. Depuis avril 2002, 270 maisons ont été complètement détruites, au dire du gouverneur. En janvier, la casbah a été de nouveau le théâtre des opérations des occupants. Moen Abdel Hadi est un descendant d’un des collecteurs de taxes des Ottomans. À ce titre, comme les autres membres de la famille, près de 70 personnes, il vit dans l’ancien palais de l’aïeul. Il y aurait plus de 100 chambres ! Pour les militaires, peu importante la valeur du patrimoine universel. L’une des façades est percée d’un énorme trou occasionné par un obus de char, rendant l’ensemble très instable. Les appartements de Moen ont été occupés pendant plus de dix jours mais avant de se retirer, les soldats ont soigneusement tiré sur les portes des penderies, déchiré les vêtements qui s’y trouvaient et défoncé les faux plafonds. " Vous les Arabes, vous êtes tous des tueurs ", ont-ils lancé au propriétaire. Dans le patio, ils ont fait sauter à l’explosif tout ce qui leur semblait susceptible d’abriter des " fugitifs " pendant que des chiens tenaient Moen à distance. Pour les enfants, le traumatisme est profond. Ala, dix ans, a peur dès qu’il entend un chien aboyer. Liin, six ans, et sa sour Serin, deux ans, disent : " Les juifs ont tiré sur notre maison. "

Pour justifier ses incursions, Israël certifie que toutes les actions menées sur son territoire proviennent de Naplouse. Ce qui reste à démontrer tant il est vrai que la politique menée par Ariel Sharon (bouclage des entités palestiniennes, construction d’un mur de séparation, poursuite de la colonisation) pousse chaque jour un peu plus les Palestiniens dans le désespoir. Cette rhétorique propre à toute armée d’occupation vise aussi à masquer le but premier, briser l’économie palestinienne dont Naplouse est l’un des poumons les plus importants. " Nous avons le droit de nous défendre contre les attaques et les massacres perpétrés par les Israéliens ", explique Abou Jamil, membre du bureau politique du Parti populaire palestinien (PPP, communiste). Une résistance qui prend des formes diverses. Il y a bien sûr des groupes armés mais aussi un comité de coordination politique regroupant treize partis. " Tous les Palestiniens ne sont pas d’accord avec les attaques menées en Israël, mais ils sont unanimes pour réclamer le départ d’Israël de leurs territoires et que les résolutions de l’ONU soient appliquées. À cet égard, la communauté internationale doit prendre toutes ses responsabilités. "

 

 


Source : Le Web de l'Humanité
http://www.humanite.fr/journal/2004-01-24/2004-01-24-386779


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