A part la mort, qu'est-ce que qui peut empêcher Sharon de remporter
les législatives israéliennes en mars prochain ?
A part la mort, seules des inquiétudes sur son état de santé et
sur son âge pourraient l'empêcher de gagner, du fait de la
petite alerte récente. Pour le coup, Sharon a réussi son opération
politique dans la mesure où il a créé un parti sur son nom avec
des gens qui vont voter pour lui et des candidats qui seront élus
avec lui. Il a également signé le laminage politique du Likoud.
Amir Peretz, le nouveau leader du Parti travailliste et très
probablement son adversaire le plus sérieux, peut être considéré
comme encore trop nouveau ou les élections viennent un peu trop
vite pour lui, pour qu'il l'emporte contre Sharon, sauf si les électeurs
font un choix générationnel.
Sur quelles bases Amir Peretz
peut-il inquiéter Sharon ?
Il va au moins réussir à mettre fin à l'agonie du Parti
travailliste, dont on ne voyait plus tellement l'identité. Ce
parti s'était allié plusieurs fois à Sharon sur des bases qui
n'apparaissaient pas toujours extrêmement claires aux électeurs.
Peretz, qui a dirigé un syndicat, peut non seulement ramener une
partie de l'électorat sépharade - il l'est lui-même - qui se
porte traditionnellement sur le Likoud, mais également un électorat
de pauvres et d'électeurs inquiets de la situation économique.
Toutefois, ce point jouera moins du fait de la rupture entre
Netanyahu, incarnation de l'ultralibéralisme, et Sharon, Cette
rupture prive Amir Peretez, un ancien leader syndical d'une partie
de l'espace qu'il espérait conquérir.
Sharon peut-il faire la paix,
et si oui, quelle paix ?
Peut-il faire la paix, oui. Veut-il faire la paix, la question
reste ouverte et tout dépend ce que l'on appelle la paix. Ce qui
a été fait à Gaza, en août dernier, est un geste dont on ne
peut nier l'importance, une première historique. Mais il ne peut
être assimilé à une paix véritable, puisque pendant qu'Israël
se retirait de Gaza la colonisation se poursuivait en Cisjordanie.
Si la paix c'est ce que prévoit la " Feuille de route
", document reconnu par tous les partenaires et soutenu par
les Etats-Unis, la Russie, l'Europe et les Nations Unies, elle
passe par la création d'un Etat palestinien. Ce texte, qui est en
agonie, prévoyait la création de cet Etat fin 2005.
Manifestement, le calendrier ne sera pas respecté. Si les
principes sont respectés par un report, c'est un moindre mal.
Pour la communauté internationale et pour les Palestiniens, une
paix véritable passe par la création d'un Etat palestinien à côté
d'Israël, qui reconnaisse bien sûr le droit d'Israël de vivre
et qui soit grosso modo sur les frontières de 1967 avant la
Guerre des Six-jours avec des rectifications territoriales,
mutuellement agréées et compensées, pour tenir compte de
certaines colonies. Israël ne doit rien imposer aux autres, et évidemment,
Jérusalem doit être reconnue comme capitale des deux Etats. La
crainte existe de la création d'un Etat palestinien sur une
partie seulement de la Cisjordanie et sans Jérusalem. Dans ce
cas-là, les Palestiniens ne pourraient pas l'accepter. La
question la plus importante reste celle de Jérusalem. Il ne
s'agit pas seulement d'une question palestinienne ni même arabe,
mais bien d'une question musulmane. Pendant très longtemps, on a
parlé d'un conflit israélo-arabe puis israélo-palestinien. S'il
n'y a aucune concession israélienne sur Jérusalem, on en
reviendrait à quelque chose de plus grave, un conflit israélo-musulman.
Que peuvent faire concrètement
les Palestiniens, notamment Mahmoud Abbas, le président de
l'Autorité palestinienne ?
Les Palestiniens se trouvent dans une situation un peu désespérante
de par des marges de manœuvres restreintes. Tout dépendra du résultat
des législatives palestiniennes le 25 janvier. Soit le Hamas les
gagne - dans un système démocratique rien n'est exclu - et l'on
pourra dire adieu pour longtemps à l'ouverture des négociations,
soit Abbas l'emporte parce qu'il réussit à montrer que son
action se traduit par des conséquences positives concrètes dans
la vie des Palestiniens. Une reprise des attentats ruinerait les
chances de paix.
L'Europe est-elle hors-jeu
dans la résolution du conflit ?
Elle n'est pas tout à fait hors-jeu. Elle a joué un rôle non négligeable
dans l'ouverture du terminal de Rafah entre Gaza et l'Egypte. Elle
a d'énormes moyens pour agir : elle est le premier partenaire
commercial d'Israël ; elle est le premier fournisseur d'aides en
Palestine. En outre, tous les pays européens partagent la même
analyse. Mais l'Europe a peur d'elle-même, de saisir ses
responsabilités pour des raisons historiques. Elle paraît inhibée
sur ce sujet et elle compense une faible action politique en
augmentant ses aides palestiniennes et ses accords commerciaux
israéliens. Comme si cet aspect économico-financier servait de
compensation et à se faire pardonner une sorte d'inaction
politique.
Bush aujourd'hui est-il trop
pris par l'Irak pour se mêler du conflit ?
Faire avancer les choses sur le conflit israélo-palestinien
viendrait améliorer son image dans le monde arabe, dans le monde
musulman et rendrait moins compliqué la gestion du dossier
irakien. Là aussi, c'est une question de volonté et pour
l'instant il n'a pas montré de volonté de se saisir réellement
du problème. A noter tout de même un acte positif : Condoleeza
Rice sur place a prolongé son séjour de 24h pour obtenir un
accord sur Rafah de la part des Israéliens. Pour la première
fois depuis Clinton, les Etats-Unis ont fait pression et ont
obtenu un résultat positif.
Les accords de Genève
peuvent-ils ressurgir un jour ?
Le plan d'évacuation de Gaza par Sharon a été lancé pour
torpiller ce plan. Son contenu reste néanmoins d'actualité,
parce qu'il est compatible avec la feuille de route. Il en est même
très proche. Un jour ou l'autre, la paix se fera sur la base des
accords de Genève. Le tout est de savoir comment les mettre en œuvre.
Mais ces accords dans leur finalité me paraissent toujours
d'actualité.
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