Le
projet Sioniste en Palestine :
colonisation, vol de terres et nettoyage ethnique
Nizar Sakhnini
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Environ 8.000 juifs
habitaient en Palestine avant 1882. La création d'un “Etat
Juif” dans un si petit pays avec une si petite communauté
juive qui ne possédait pratiquement aucune terre pour s'y
installer, était pratiquement impossible.
En conséquence, établir un Etat exclusivement Juif en
Palestine impliquait de faire venir des Juifs des quatre coins
du monde, acquérir de la terre et la nettoyer ethniquement de
sa population Arabe autochtone.
Colonisation
Hovevei Zion, le précurseur de l'organisation
Sioniste, a commandité la première vague des colons
pionniers, qui a commencé en 1882 et s'est terminée en 1903.
Environ 35.000 immigrés sont arrivés en Palestine lors de
cette vague.
Près de la moitié d'entre eux sont partis quelques années
après leur arrivée.
Eliezer Ben Yehuda, un Sioniste fanatique, était l'un
des colons de la première vague. Quand son bateau est arrivé
à Jaffa en 1882, il observait les passagers Arabes à bord et
a soudain réalisé qu'ils étaient bien plus chez eux sur la
"Terre Promise" qu'il ne le pensait.
Par la suite, il a constaté qu'il ne pourrait pas digérer
ses doutes ainsi il a quitté "Eretz Yisrael" et est
devenu un Territorialiste, croyant que les Juifs devraient
chercher un pays sur une autre terre que la Palestine. (Karen
Armstrong, Guerre Sainte : Les Croisades et leur impact sur le
monde d'aujourd'hui. Macmillan, Londres, 1988, pp 60-64)
La deuxième vague a commencé en 1904 et s'est terminée avec
le début de la Première Guerre Mondiale en 1914. Elle a fait
venir 40.000 immigrés en Palestine.
Comme avec la première vague, près de la moitié d'entre eux
ont quitté le pays dans années suivantes.
Selon Bar-Zohar, quand les premiers immigrés des Sociétés
Sionistes Russes sont arrivés en Palestine "ce n'était
pas la terre où coulait le lait et le miel qui les a
accueillis...
Le dur travail, la malaria, et la faim ont fait beaucoup de
victimes. De ceux qui ont survécu, beaucoup ont décidé de
quitter de cette terre maudite sur le premier bateau
disponible.
Plus tard, Ben-Gurion devait affirmer que sur dix
immigrés arrivés avec le deuxième Aliyah, neuf avaient
ensuite quitté le pays ". (Michael Bar-Zohar,
Ben-Gurion : Une Biographie. New York: Delacorte Press, 1977,
pp 13-14)
Cette 2ème vague incluait un certain nombre de Sionistes
Socialistes. Parmi les nouveaux immigrés Sionistes
Socialistes se trouvait Ben
Gurion. Un autre Sioniste socialiste, Yitzhak Ben
Zvi (2ème président de l'Etat d'Israel) est aussi arrivé
en Palestine dans cette vague.
La 3ème vague, qui a commencé en 1919 et s'est terminée en
1923, a fait encore venir 40.000 colons. Comme les conditions
s'étaient améliorées sous le Mandat Britannique en
Palestine, peu d'entre eux sont revenus dans leurs pays
d'origine.
La 4ème vague, 1924-1929, a amené 82.000 immigrés dont
23.000 sont partis dans les années suivantes.
Afin de booster l'immigration juive en Palestine,
l'Organisation Sioniste est entrée en négociations avec les
Nazis pour faciliter l'émigration des Juifs Allemands.
Suite à ces négociations, un accord a été signé, qui a
permis à des dizaines de milliers de Juifs Allemands
d'immigrer en Palestine.
La 5ème vague d'immigrés juifs, qui a eu lieu de 1929 à
1939, a amené 250.000 colons et la 6ème a fait venir 150.000
autres colons qui sont arrivés en Palestine entre 1939 et
1948. (Pour un débat détaillé sur l'accord de transfert,
voir : Edwin Black, L'Accord de Transfert: L'histoire non-dite
du pacte secret entre le Troisième Reich et la Palestine
Juive. New York : Macmillan Publishing Co. Londres : Collier
Macmillan Publishers, 1984)
En 1946, le nombre total de Juifs en Palestine était de
608.225 et l'ensemble de la terre qui leur appartenait représentait
1.585.365 dunums, ce qui représentait moins de 7% de la
surface de la Palestine. (Walid Khalidi, From Haven to
Conquest, Annexe I, pp.841-843)
Les opérations de nettoyage ethnique perpétrées pendant la
guerre de 1948, la Loi sur les Absents tout comme la Loi du
Retour de 1950 ont facilité la confiscation des maisons et
des terres Arabes pour construire des colonies pour encore
plus de colons qui ont inondé la Palestine suite à la création
d'Israel.
Vol de Terres
Une campagne de vol de terres préméditée et préplanifiée
a commencée peu après les opérations de nettoyage ethnique
de 1948. Une loi a été votée à la Knesset israélienne en
1950, "la Loi
sur la Propriété des Absents".
Selon cette loi, toute personne qui n'était pas directement
présent avant, pendant ou après la guerre, indépendamment
de la raison, a été défini en tant qu'"Absent" et
sa terre comme abandonnée. Elle était donc confisquée.
Environ 20% des Palestiniens en Israel ont été déplacés en
interne pendant la guerre 1948 : en d'autres termes, alors
qu'ils étaient toujours en Israel, ils ont été empêchés
de rentrer dans leurs maisons et leurs villages.
Ces personnes déplacées ont été considérées comme
"Absents" et sont devenues des réfugiés dans leur
propre pays tandis que leurs terres étaient confisquées.
Encore plus significatif est le fait que les Arabes
Palestiniens qui ont été expulsés ou obligés de partir
pendant la guerre de 1948 ont été empêchés de rentrer dans
leurs maisons et sur leur terres. Ceux qui ont essayé de
rentrer étaient considérés comme des "espions" et
étaient alors abattus par l'Unité 101 de l'IDF, une
compagnie de parachutistes, qui avait été formée sous le
commandement d'Ariel Sharon.
Une autre loi, "la Loi de Réquisition des Terres",
a été votée en 1953 pour "légitimer"
l'expropriation des terres Arabes. Selon cette loi, les vols
de terre étaient légaux.
Moshe Smilansky, l'un des pères du Sionisme, a publié
un article déclarant :
“Quand nous sommes revenus dans notre pays après en avoir
été expulsé il y a deux mille ans, nous nous sommes appelés
nous-mêmes ‘les audacieux’ et nous nous sommes plaints
avec raison devant le monde entier que les portes du pays étaient
fermées.
Et maintenant quand ils (les réfugiés arabes) osent revenir
dans leur pays où ils ont vécu pendant mille ans avant d'être
expulsés ou fuir, ils sont appelés "des infiltrés"
et sont abattus de sang froid.
Où sont les Juifs ? Pourquoi n'avons nous pas au moins, d'une
main généreuse, donné une compensation à ces personnes
malheureuses ?
Où prendre l'argent ? Mais nous construisons des palais... au
lieu de payer une dette qu'on nous pleure de la terre jusqu'au
ciel...
Et avons-nous péché seulement envers les réfugiés?
Ne traitons-nous pas les Arabes qui restent avec nous comme
des citoyens de second ordre ?
Est-ce qu'un simple fermier juif a levé la main au parlement
en opposition à une loi qui a privé les paysans arabes de
leur terre?
La conscience Juive est-elle seule dans la ville de Jérusalem,!"
(From Haven to Conquest, p. 834)
Nettoyage ethnique
La soumission au nettoyage ethnique des Arabes Palestiniens
faisait partie intégrale de l'ensemble de la pensée et du
langage politique Sioniste que ce soit implicitement ou
explicitement.
Dans ses journaux intimes, Herzl
a indiqué clairement que "Les propriétés foncières
existantes devaient être expropriées lentement, toute
revente ultérieure aux propriétaires originaux était
interdite, et tous les biens immobiliers devaient rester entre
des mains exclusivement Juives.
La population pauvre devait être travaillée "across the
frontier unbemerkt" (subrepticement)...
Il fallait refuser à cette population tout emploi sur sa
terre natale...
En 1901, le 5ème Congrès Sioniste a fondé le Fonds National
Juif. Selon les règlements internes du FNJ, la terre acquise
devenait propriété Juive inaliénable et ne pouvait plus être
vendue ou non louée aux Non-Juifs... "
(article documenté publié par L.M.C. Van Der Hoeven
Leonhard dans Libertas, (Hollande) Lustrum, numéro 1960, pp.
1-5, reproduit in Walid Khalidi, From Haven to Conquest, pp.
115-124.
Voir aussi, Benny Morris, Victimes : Histoire du Conflit
Arabo-Sioniste, 1881-1999.
New York, Alfred A. Knopf, 1999, pp. 21-22)
David Ben-Gurion croyait que les Sionistes devaient
exercer des pressions pour forcer les Anglais à agir. Mais si
nécessaire, a-il écrit dans son journal intime : "Nous
devons nous préparer nous-mêmes à effectuer le déplacement
des Palestiniens". (Michael Palumbo, la Catastrophe
Palestinienne, p. 4, citant le journal intime de Ben-Gurion
– publié en Hébreu - vol. IV, p. 299)
Dans un rapport au directeur de l'Agence Juive en date du 12
juin 1938, Ben-Gurion déclarait : "Je suis pour
un transfert forcé; Je ne vois rien d'immoral à ça...
" (Simha Flapan, Sionisme et les Palestiniens,
Londres: Croom Helm, 1979, p. 263)
Encouragée par la possibilité d'établir un Etat Juif en
raison du plan de partition proposé par la Commission Peel
dans son rapport publié en juillet 1937, l'Agence Juive a
nommé un "Comité de Transfert de Population" pour
sortir des plans afin de débarrasser l'Etat Juif de ses
Arabes Palestiniens.
Joseph Weitz, directeur du Fonds National Juif, qui a
travaillé avec le Comité de Transfert de Population, avait développé
un plan dans ce but.
Dans son rapport, Weitz a écrit que le transfert de la
population arabe à partir des secteurs Juifs "ne servait
pas qu'un seul but : diminuer la population arabe. Il
servirait également un deuxième objectif nullement moins
important, qui est d'évacuer la terre maintenant cultivée
par les Arabes et donc de la libérer pour la colonisation
Juive." (Michael Palumbo, la Catastrophe alestinienne,
p. 4, citant CZA, ¨Minutes du Comité de Transfert de
Population, 22 novembre, 1937)
Le plan de partition de la Commission Peel qui proposait de
diviser le pays entre "les colons Juifs et la population
Arabe autochtone" a été discuté lors de la réunion du
l'exécutif de l'Agence Juive qui s'est tenue le 12 juin 1938.
La partition comme proposée par la Commission Peel
abandonnerait plus de 200.000 Arabes dans "l'Etat
Juif" proposé.
Le directeur l'Agence Juive abordait le problème concernant
la meilleure façon de se débarasser de ces Arabes.
Le leader Sioniste de 75 ans, Menahem Ussishkin, a déclaré
que : "Il n'y a aucun espoir que ce nouvel Etat Juif
survive, pour ne pas parler de son développement, si les
Arabes sont aussi nombreux qu'ils sont aujourd'hui."
Berl Katznelson du parti du Mapai de Ben-Gurion a vu
seulement le désastre dans un Etat Juif avec une grande
minorité Arabe et a proposé un programme de développement
pour éliminer les Arabes Palestiniens.
Il a conseillé vivement des négociations avec des Etats
Arabes voisins qui pourraient être persuadés de recevoir les
expulsés. (Michael Palumbo, la Catastrophe Palestinienne,
pp 1-2, citant CZA, Compte-rendu de l'Exécutif, 12 juin 1938)
D'autres "Comités de Transfert" ont été nommés
pendant la guerre 1948. Un comité "auto-désigné"
officieux, dirigé par Joseph Weitz, a commencé ses
activités fin mars 1948.
Après la création de l'Etat d'Israel, le gouvernement
temporaire a nommé un comité officiel dont les
recommandations ont été soumises à Ben-Gurion en temps
opportun et ont été mises en application sous couvert de la
guerre.
Une des principales questions à partir de juin 1967 et après
n'était pas si Israel devrait maintenir une présence dans
les Territoires nouvellement acquis mais comment il pourrait
la maintenir sans ajouter plus d'un million de Palestiniens à
la minorité Arabe d'Israel.
Le vieux dilemme Sioniste des Non-Juifs dans un Etat Juif
devait être résolu.
Dans cette perspective d'expansionisme Sioniste, des idées de
transfert ont été rétablies au cours des discussions
publiques, dans des chansons populaires, dans des articles de
la presse en Hébreu et, d'une manière primordiale, dans des
discussions du gouvernement et dans les programmes et la
politique du gouvernement. (Nur Masalha, Une Terre Sans
Peuple: Israel, le Transfert et les Palestiniens 1949 - 96.
Londres: Faber et Faber Ltd, 1997, pp 60 - 61)
De nouvelles propositions pour un nettoyage ethnique ont été
décrites dans un article intitulé "Une stratégie pour
Israel dans les années 80", qui est paru dans Kivunim,
le périodique de l'Organisation Sioniste Mondiale en février
1982.
L'article a été écrit par Oded Yinon, un journaliste
et analyste des affaires Moyen-Orientales et ancien haut
fonctionnaire du Ministère des Affaires Etrangères.
Dans son article, Yinon appelait Israel à provoquer la
dissolution et la fragmentation des états Arabes en une mosaïque
des groupes ethniques.
Il demandait une politique israélienne visant à provoquer
"la dissolution de la Jordanie; la fin du problème des
Territoires (Occupés) massivement peuplés avec des Arabes à
l'ouest du Jourdain; et l'émigration des territoires, et un
gel économico-démographique à l'intérieur."
Il a ajouté, "nous devons être actifs afin d'encourager
ce changement rapidement, au plus vite".
Yinon pensait, comme beaucoup d'avocats du transfert en Israel,
qu'"Israel a fait une erreur stratégique en ne prenant
pas des mesures(d'expulsions massives) envers la population
Arabe dans les nouveaux territoires pendant et peu de temps
après la guerre (de 1967).... Une telle ligne nous aurait
sauvés depuis du conflit amer et dangereux que nous aurions déjà
terminé en donnant la Jordanie aux Palestiniens."
D'ailleurs, Yinon suggérait de contenir l'ensemble du monde
Arabe, y compris en leur imposant une Pax Israela et la détermination
du destin des sociétés Arabes : la réinvasion du Sinai et
'"l'éclatement territorial de l'Egypte en zones géographiques
séparées." Quant à l'Est Arabe :
"... la désintégration totale du Liban en cinq régions,
des gouvernements localisés en tant que précédent pour
l'ensemble du Monde Arabe... la dissolution de la Syrie, et
ensuite de l'Irak, en des zones de minorités ethniques et
religieuses...." (Ibid, pp 196 - 198, citant Oded
Yinon, Une Stratégie pour Israel dans les années 80, (Hébreu),
Kivunim, Jérusalem, numéro 14, février 1982, pp 53 - 58)
L'échec des différents efforts "pour transférer"
tous les Palestiniens ne signifie pas que ces efforts ont été
abandonnés.
Benjamin Netanyahu a déclaré aux étudiants de
l'université de Bar-Ilan le 16 novembre 1989 que le
gouvernement n'avait pas exploité des situations
internationalement favorables, pour effectuer des expulsions
"à grande échelle" à un moment où "les
dommages (aux relations publiques d'Israel) auraient été
relativement petits..."
Netanyahu faisait référence au massacre de la place
Tiananmen en juin 1989 où l'attention du monde et des médias
était concentrée sur la Chine.
Il a ajouté, "je crois toujours qu'il y a des occasions
d'expulser beaucoup de gens."
Netanyahu a plus tard nié d'avoit fait ces remarques mais le
Jérusalem-Post a présenté un enregistrement de bande-son du
discours. (Ibid, p. 190, citant le Jérusalem-Post, 19
novembre 1989; Michael Palumbo, Israel Impérial : Histoire de
l'Occupation de la Cisjordanie et de Gaza, Londres: Bloomsbury
Publishing Ltd., 1990 pp. 302 - 303)
Après des décennies d'efforts Sionistes, "la
menace démographique" Arabe hantait toujours Israel.
Une conférence a eu lieu les 19 & 20 décembre 2000 au
Centre Interdisciplinaire à Herzliya pour traiter du sujet.
La conférence fut la première de ce qui est devenu une série
de conférences annuelles traitant de la force et de la sécurité
d'Israel. Une majeure partie des recommandations a été reliée
à 'la menace démographique' que constituent les citoyens
Arabes d'Israel. (pour un compte-rendu détaillé de la
conférence et de ses recommandations, voir : La conférence
d'Herzliya sur l'équilibre de la force et de la sécurité
nationales en Israel, Journal of Palestine Studies n°121,
volume XXXI, numéro 1, automne 2001, pp 50-61)
Traduction : MG pour ISM |
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