Les personnes mobilisées pour la légalisation des 12 millions de
latino-américains en situation illégale aux Etats-Unis ont occupé
les rues à deux reprises ce mois-ci. Ce rassemblement massif a été
plus ou moins masqué par la démonstration de la force économique
représentée par ces immigrants.
Afin de prouver que l’économique nord-américaine
ne pourrait survivre sans eux, les immigrants latino-américains
ont organisé à l’échelle nationale un « Grand boycott
américain 2006 » qui a eu pour effet que des écoles, des
fermes et autres lieux de travail ont cessés de fonctionner le
« Jour sans immigrants ».
Cet exemple pourrait inspirer dans les territoires
sous occupation israélienne, l’Autorité Nationale
Palestinienne (ANP) qui a vu ses aides financières en provenance
de l’étranger supprimées après que les Palestiniens aient
exercé leurs droits démocratiques en janvier en ait élu le
Hamas. Mais un boycott est-il moral et efficace ? Et la
direction palestinienne est-elle en mesure d’organiser un
boycott moral en même temps qu’efficace ?
L’utilisation de moyens économiques pour réaliser
des buts politiques déclenchent de rudes polémiques. Les
opposants disent que ce genre de tactique pénalise les innocents
plutôt que ceux qui en sont réellement la cible.
Le régime de Saddam Hussain est resté solidement
retranché durant les 12 années de sanctions internationales qui
ont ravagé le peuple irakien. Ceux qui soutiennent l’idée de
sanctions et de boycott affirment de leur côté que cela peut
permettre d’aboutir sans le recours aux armes.
Les organisations de la société civile
palestinienne ont souligné la nature non-violente de leur appel
en juillet 2005 pour une campagne de boycott, de désinvestissement
et de sanctions contre Israël jusqu’à ce que celui-ci se plie
à la loi internationale. A présent des groupes miltant pour la
paix et la justice pratiquent ou prennent en considération ce
type d’action.
Les armes économiques sont utilisées autant par
le fort que par le faible. Le »bureau américain de contrôle
des capitaux étrangers » qui fait partie du département du
Trésor, impose plus de 20 programmes différents de sanctions économique,
et surveille plus de 4.500 compagnies et individus pour des
raisons qui vont « du comportement inacceptable » à
l’objectif de « protéger les capitaux de nos alliés
contre des actions hostiles ». Les boycotts sont-ils
efficaces ? Ils peuvent l’être. Dans un réflexe lié à
la colère, des milliers de Musulmans ont cessé de consommer des
produits danois en signe de protestation après la publication des
caricatures du Prophète Muhammad.
Durant la période de janvier où cette question
est devenue sujet d’actualité, le nombre de magasins dans la région
[le Moyen-Orient] où des produits laitiers d’origine danoise étaient
proposés à la vente est passé d’environ 50 000 à 1500. Selon
une banque, le montant estimé des pertes subies par l’économie
danoise pourrait atteindre 1,2 milliards de dollars. Depuis, cet
incident s’est éteint.
Publicité négative
Il est possible d’argumenter en faveur du
boycott en disant que celui-ci est plus efficace lorsque les
objectifs sont bien définis et s’inscrivent dans une stratégie
bien comprise, comme c’était le cas au moment du boycott contre
l’Afrique du Sud. Ceux qui sont en faveur de la justice pour les
Palestiniens évoluent dans cette direction. Parmi l’ensemble
des efforts réalisés pour que cesse le soutien politique et économique
américain à l’occupation israélienne, la « campagne américaine
pour la fin de l’occupation israélienne » interpelle
Caterpillar pour que cette compagnie cesse de vendre ses
bulldozers à Israël.
En effet israël blinde les bulldozers et les
utilisent pour la construction du Mur [d’Apartheid] et la démolition
des maisons palestiniennes, entre autres violations de la loi
internationale et du propre code de conduite de Carterpillar.
Cette publicité négative a obligé Caterpillar à investir dans
une campagne de relations publiques pour la première fois depuis
1à ans.
Un important résultat de ce type d’actions est
de mettre l’adversaire sur la défensive. Les groupes pro-israéliens
aux Etats-Unis sont dans l’obligation de se mobiliser pour
soutenir caterpillar, ce qui leur coûte du temps et de
l’argent. La décision de l’Eglise Presbytérienne américaine
et de l’Eglise d’Angleterre d’étudier le désinvestissement
des compagnies qui tirent des bénéfices de l’occupation israélienne
ont aussi mis les groupes pro-israéliens sur la défensive et les
a obligés à se compter et à se mobiliser.
Un appel, lancé par la direction palestinienne
pour le boycott des produits israéliens ou le boycott des
compagnies tirant des bénéfices de l’occupation, serait-il
efficace ? Les Palestiniens, parqués dans des ghettos, derrière
des murs et des points de contrôle israéliens et dépendants des
aumônes des pays donateurs, ne sont pas en mesure de prendre
eux-mêmes des mesures économiques. Par contre ceux qui les
soutiennent peuvent le faire. Ils ne sont pas confinés dans les
territoires ; ils sont Chrétiens, Musulmans, Juifs et aussi
regroupés dans des organisations laïques militant pour les
droits humains et ils couvrent toute la planète.
Un appel lancé par les dirigeants palestiniens et
en faveur du boycott renforcerait l’appel lancé par la société
civile en 2005 et pourrait bien être efficace. Mais à la seule
condition qu’il soit défini, soutenu de façon consistante, et
plus important, lié à un programme politique acceptable par la
société civile internationale.
Les personnes qui croient en une justice basée
sur les droits humains et la loi internationale ne peut sélectionner
un seul droit parmi les autres. Presque tout que ce qu’Israël
fait dans les territoires occupés (et en partie la façon même
dont Israël traite ses propres citoyens arabes) viole le droit
international.
Les attaques contre des civils violent également
le droit international, que ces attaques soient le fait des forces
israéliennes d’occupation ou le fait de Palestiniens vivant
sous oppression. (Par contre, la ministre israélienne des
affaires étrangères elle-même a précisé, entraînant une réaction
furieuse en Israël, que les attaques de la résistance contre des
soldats ne violaient pas le droit international).
Un programme politique conduit par l’Autorité
Nationale Palestinienne, basé sur la loi internationale et
soutenu par un appel pour des mesures économiques spécifiques
galvaniserait tous ceux qui soutiennent la cause palestinienne au
niveau international.
Cet appel mettrait Israël sur la défensive et déstabiliserait
le plan du premier ministre Olmert d’obtenir le soutien américain
pour annexer la majeure partie de la Cisjordanie et dépecer le
reste.
Ni les armes ni les différentes politiques menées
jusqu’ici n’ont permis d’aboutir à une juste solution du
conflit israélo-palestinien. Il est sans doute temps d’avoir
recours à des mesures économiques sérieuses.
Nadia Hijab enseigne à l’Institut
des Etudes Palestiniennes à Washington. Elle participe à la
campagne aux Etats-Unis pour la fin de l’occupation israélienne.
Nadia Hijab