L’AVERTISSEMENT DE MICHEL WARSCHAWSKI À GRENOBLE :
Il faut croire ce que dit Sharon !
dimanche 10 avril 2005
Ce samedi 9 avril à Grenoble, ce sont sans doute près
de 700 à 800 personnes qui ont participé à la rencontre avec
Leila Chahid, Michel Warschawski et Dominique Vidal, à
l’invitation du Collectif Isérois pour la Palestine. La soirée
était animée par Françoise Guyot et Henri Lesage. Salle comble.
Il faut ajouter à cela que dans l’après-midi, les trois invités
avaient déjà dialogué avec 150 jeunes dans un quartier de
Grenoble. Rencontre dans la préparation de laquelle les jeunes
grenoblois du Collectif des Musulmans de France se sont aussi
impliqués.
Leila Chahid, Michel Warschawski et Dominique Vidal sillonnent ainsi
la France à la rencontre des "jeunes des quartiers" et
des lycées, et Grenoble était la 18ème étape de cette tournée...
Michel Warschawski a parlé le premier, samedi, et a
fait un extraordinaire exposé sur la politique israélienne.
Sentant probablement à quel point on a envie de prendre en France
pour argent comptant toute "bonne nouvelle" qui nous vient
du "conflit israélo-palestinien" - on a tellement envie
d’y croire ! Surtout que cela rend tout plus simple et plus
confortable ... pour nous - sans y regarder de près, et du coup
sans voir à quel point il est nécessaire d’être vigilant et
surtout d’intervenir, le militant anticolonialiste israélien
s’est attaché à nous ouvrir les yeux...
"Il y a plus dangereux que la
violence : c’est l’illusion. Car elle porte en elle une
violence décuplée due à la perte de l’illusion." Après
4 années de violences, "depuis 3 mois nous
vivons une réalité nouvelle qui porte un espoir mais aussi un
risque de grandes désillusions...
Pourquoi faut-il être vigilant ?
Je crois Ariel Sharon et je le prends au sérieux...
Que dit Sharon (et aussi Dov Weisglass, son conseiller) ?
"Le redéploiement unilatéral de Gaza a un
objectif principal : mettre le processus de paix dans le formol
(...) empêcher la constitution d’un état palestinien pour
toujours et repousser toute tentative d’un processus de paix".
Oui, l’évacuation unilatérale de Gaza :
c’est pour "arrêter toute pression
internationale ou interne qui oblige Israël à refaire des négociations."
"Sharon a dit : "la
paix n’est pas à l’ordre du jour pour les 50 ans à venir...
Notre objectif principal est la colonisation. La question des frontières
n’est pas à l’ordre du jour pour les 50 ans - une autre fois il
a dit : pour les 100 ans - à venir. Ce sera la colonisation
qui fixera nos frontières dans 50 ans. L’erreur de Rabin est
d’avoir voulu fixer des frontières."
Ecoutons Sharon et prenons-le au sérieux ! Sharon a toujours
dit ce qu’il faisait. Il a toujours fait - ou du moins essayé de
faire - ce qu’il disait...
Le redéploiement unilatéral de gaza vise à faire le premier des
"cantons" palestiniens. Sharon est prêt à appeler ça
"état palestinien". Après il y aura comme ça Jéricho,
Jénine, Naplouse, autour de Ramallah, autour de Bethléem, autour
d’Hébron.
Sharon parle même non pas de"continuité
territoriale" pour cet "état" mais de "contiguité",
un nouveau concept. L’état israélien sera continu de la mer au
Jourdain. Pour l’état palestinien, la solution imaginée à
Washington est une "continuité" par ponts
et tunnels par lesquels seraient reliés les cantons palestiniens.
Une continuité illusoire".
Sharon sait qu’il n’y a pas de dirigeant
palestinien qui puisse accepter une telle solution, qui
"donnerait" à l’état palestinien Gaza et 45 à 65% de
la Cisjordanie. C’est pourquoi Sharon a inventé
le concept de "solution provisoire à long
terme". En clair : "je sais que c’est
inacceptable. Alors acceptez-le provisoirement, mais à long terme :
50 ans".
D’où le nouveau concept exposé par Bush : un "état
palestinien transitoire".
Ces états palestiniens - des bantoustans - auront les signes extérieurs
de la souveraineté, mais ce sera un état transitoire. Dans 50 ans,
on renégociera l’état palestinien final, quand 50% de la
Cisjordanie sera devenue israélienne... Alors on devra prendre en
considération les nouvelles réalités démographiques...
Ce plan est d’une logique implacable et il faut en être
conscient. Il y a 1000 raisons pour qu’il ne se réalise pas. Et
au 21ème siècle, personne ne peut prédire ce qui se passera au
Moyen-Orient dans les 50 ans à venir. On ne sait même pas ce qui
se passera en Irak dans les 6 mois... Mais voilà leur
logique."
Qu’est-ce qui peut arrêter ce plan ? Michel
Warschawski a mis "en garde contre la croyance
dans "la dynamique"...Terme déjà beaucoup utilisé
autour des accords d’Oslo... Faut-il croire qu’une
"dynamique" va entraîner Sharon au-delà de ce qu’il
veut veut faire ?... Non. ! Sharon est la locomotive
d’un train qui sait où il veut aller. Et la direction a un nom :
la colonisation.
Pour que ce train aille dans un autre sens, il faut que quelqu’un
monte sur le train, remplace le conducteur et fasse marche arrière...
Le problème en Israël est que ceux qui étaient contre ont rejoint
le train. Pérès est "1er ministre adjoint et sans aucun
pouvoir". C’est écrit ! Et il est responsable des
"grands projets de développement" dans le sud (Néguev)
et au Nord (Galilée). Il est monté dans le dernier wagon du train
de Sharon.
Quant à l’opposition de gauche, elle soutient Sharon, y compris 3
députés arabes de l’un des 3 partis arabes. Sharon a une majorité
à la Knesset contre son parti et avec l’opposition !"
Michel Warschawski conclut : "en Israël,
les forces susceptibles d’arrêter ce plan n’existent pas."
"Or il y a un calendrier...
palestinien. En juillet : des élections législatives
palestiniennes. Elles seront démocratiques... c’est-à-dire
qu’on en connaît pas le résultat aujourd’hui. Il est clair que
si M. Abbas n’est pas capable de montrer à son peuple que sa
politique (trêve unilatérale, etc...) est payante (reprise des négociations,
assouplissement des conditions de vie...), ce sera la victoire du
Hamas.
Je crois que le gouvernement israélien n’est pas inconscient mais
qu’il a fait un choix : la victoire du Hamas".
Michel Warschawski raconte qu’il est allé récemment à "Ramallah,
capitale de la "laïcité" palestinienne, fief des forces
"non-islamistes", et qu’il y a vu une manifestation
de 10 000 personnes avec le Hamas...
"Laisser Abou Mazen avec rien dans les mains
sinon la levée de 20 à 50 barrages sur 700, avec 9 000 prisonniers
palestiniens - il y en a 9 000 aujourd’hui - c’est ridiculiser
Abou Mazen aux yeux de son peuple."
Alors "qu’est-ce qui peut arrêter
Sharon ?
Les
Palestiniens résistent, une résistance généralisée. C’est
pourquoi Sharon est dans "l’unilatéralité" : Il
sait qu’il n’y aura pas de direction palestinienne collabo...
Les
forces israéliennes (qui ont contribué au retrait du Sud-Liban ,
à Oslo...) existent mais sont moins puissantes que dans le passé
(même s’il y a une nouvelle génération de militants courageux,
et surtout des femmes présentes tous les jours sur 50 barrages...).
Une radicalité... mais un recul quantitatif" (Voir la
manifestation pour le retrait de Gaza : moins de 10 000
personnes...)
Alors
qu’est-ce qui reste ? Surtout vous. Israël est extrêmement
sensible aux pressions internationales ! (Voir la Cour suprême
qui a fait changer le tracé du mur après l’arrêt de la Cour
Internationale de Justice.)
Donc il faut mettre en oeuvre les pressions internationales !...
Demander aux USA une autre politique US par rapport à la Palestine.
En Europe, il existe une opinion publique majoritaire pour les
Palestiniens. Mais la politique officielle de l’Europe est en
retrait sur ce qu’elle était il y a 10 ans."
Pour aider les Palestiniens, Michel
Warschawski est catégorique : "l’axe
prioritaire est la colonisation !"
.
"Exiger un moratoire sur la colonisation !
C’est d’ailleurs l’article 1er de la "feuille de
route". Et un observatoire de ce moratoire par la communauté
internationale ou si ce n’est pas possible, par l’Union Européenne.
Avec un bâton : la suspension de l’accord d’association.
Car Israël a déjà la carotte : des relations privilégiées
avec l’UE."
Parmi les actions immédiates, Michel Warschawski a
appelé les français à empêcher la réalisation de ce "Parc
de France" ! ! ! ! prévu tout de suite
entre la colonie de Maaleh Adoumim et Jérusalem, qui vise à
annexer Jerusalem Est et à couper la Cisjordanie.
Dominique Vidal a ensuite parlé
de tout autre chose en apparence, mais en réalité, c’est très
lié : la façon dont est traitée ici et diffamée toute une
partie de la jeunesse française : celle des
"quartiers". Il vient de travailler sur tout cela, en lien
avec la tournée des villes à laquelle il participe d’ailleurs,
et il vient de publier un livre avec Karim Bourtel :
"Le Mal-être arabe. Enfants de la colonisation". Nous
en reparlerons...
Dominique Vidal a décortiqué l’état du racisme en France. Il y
a des choses inquiétantes. Le racisme est rejeté de façon très
inégale, selon qui il vise. Particulièrement visés : les
jeunes maghrébins, et la religion musulmane. Les discriminations ?
Elles sont là. Dominique Vidal appelle à "un
immense effort pour assurer l’égalité des droits et des chances
de tous les enfants de la République", et non pour avoir
"une petite élite blanchie et dé-islamisée"...
La démonstration de Dominique Vidal en impose. Et il appelle chacun
à balayer devant sa porte... Il est applaudi. Mais soit dit en
passant, et puisqu’un certain nombre d’élus de gauche étaient
dans la salle, comment se fait-il que les jeunes du Collectif des
Musulmans de France de Grenoble n’ont pas pu récemment obtenir
d’utiliser une seule des salles publiques de Grenoble et des
villes de l’agglomération grenobloise pour une conférence-débat
avec Tarik Ramadan ? Et qu’ils aient du se résoudre à la
location d’un dancing à l’extérieur...
Leila Chahid a ensuite pris la
parole. Elle a senti aussi ces derniers temps "cette
demande d’en finir vite". Mais il y a la réalité, comme
ces 3 enfants assassinés ce jour même à Gaza alors qu’ils
jouaient au football...
Elle cherche aussi à comprendre pourquoi l’Europe n’intervient
pas pour faire appliquer une solution que tout le monde connaît ?
"Il y a quelque chose qui fait partie de l’Europe
si ce conflit a tellement de mal à trouver sa solution... Au lieu
de continuer à mettre sous la table sa culpabilité - le génocide
a eu lieu dans ce continent - , il faut se demander pourquoi on
n’arrive pas à être plus efficace pour la solution de ce
conflit. Il est temps de se questionner."
Leila Chahid met le doigt sur quelque chose d’important, là...
Qu’est-ce qui se passe aujourd’hui ? "Le
peuple palestinien vient de connaître les 4 années les plus dures
et les plus meurtrières depuis 1948."...
Leila Chahid estime qu’Oslo fondait quelque chose d’important.
Mais Sharon et les USA ont ensuite utilisé le terrorisme
fondamentaliste des réseaux de Ben Laden pour identifier toute
forme de résistance palestinienne au terrorisme. Et l’utilisation
de la peur est maintenant au centre d’une stratégie politique
internationale.
Leila Chahid a situé l’action de Mahmoud Abbas dans "la
continuité de Yasser Arafat". Les Palestiniens ont accepté
d’avoir un état sur seulement 22% de leur pays... Mais "quand
vous voyez les actes de Sharon, vous ne pouvez pas croire à son
changement. C’est un devoir de lucidité". Bien sûr, il
y a ces 1 600 soldats israéliens qui refusent de servir. Et 70% de
la population israélienne qui estime qu’il n’y a pas de
solution militaire... 21 colonies (8 000 colons) vont être démantelées
à Gaza (356kms2). Mais si c’est pour mieux contrôler 150
colonies avec 400 000 colons en Cisjordanie et à Jérusalem,
diviser en 3 morceaux la Cisjordanie ?...
Il y a aussi quelques nouvelles expressions sur les colonies dans
les déclarations de Bush et des USA. Mais qu’en sera-t-il dans
les actes ?...
Au fond tout cela nous ramène à notre
responsabilité de français et d’européens : qu’est-ce
qu’on fait, que font les "politiques" qui prétendent
parler en notre nom, pour mettre fin à un déni de justice et
d’humanité qui dure depuis si longtemps ?
Roger Dubien.
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