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Et s’il se réveillait
Meron Benvenisti


Et si Ariel Sharon sortait de son coma, que dirait-il du bouleversement politique qu’il a provoqué et dont il ne verra jamais les résultats ?

Ce n’est pas une question vaine ; l’agenda de ses successeurs est construit entièrement sur son programme et les comportements le montrent. Il faudrait mesurer leurs réussites et leurs échecs à l’aune du projet qu’il avait élaboré.

Avant que Sharon n’ait sa seconde attaque, son plan pour « enrayer la menace démographique » - qu’on connaît sous le nom de « désengagement » - avait bénéficié d’une popularité sans précédent, étant fondé sur le voeu d’une majorité d’Israéliens pour que les Palestiniens s’en aillent, même au prix d’une partie du pays.

Le centre gauche en Israël avait soutenu l’évacuation de Gaza et ceci avait encouragé Sharon à entreprendre une démarche politique brisant l’échiquier traditionnel des partis et la division idéologique entre faucons et colombes. Sur les ruines, il a créé un parti populiste doté d’une vague identité permettant à des équipes politiques diverses, et même opposées, de coexister. Ce parti, sur lequel beaucoup avaient fondé leurs espoirs, avait été conçu pour gagner assez de sièges à la Knesset afin de pouvoir contrôler l’Etat, avec peu de partenaires, et de transformer le gouvernement en un régime présidentiel péroniste. Ceci fait, le second « grand projet » de Sharon aurait pu être mis en œuvre : le « projet des cantons ».

Ce projet, qu’il avait conçu après l’échec de son premier « grand projet » en 1982, visait à régler la menace démographique par le « désengagement » des centres de population palestinienne de Cisjordanie et de la Bande de Gaza, en les concentrant dans des enclaves d’environ 3 000 km carré (50 % environ des Territoires occupés) et en les contrôlant depuis l’extérieur. Le projet devait être réalisé unilatéralement, sous le prétexte « il n’y a personne pour discuter » ; et en effet, il est évident qu’il n’y avait aucune chance pour que les Palestiniens acceptent un tel projet, ou même commencent à en discuter.

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Si Sharon sortait de son coma, il serait certainement déçu que son héritier n’a pas atteint le premier objectif tactique : gagner la force politique décisive et croissante qui permettrait au Kadima de contrôler le pays de façon nette. Mais peut-être verrait-il le résultat comme une bénédiction cachée. Car si Kadima a besoin maintenant d’un partenaire important, ce partenaire - le « gauchiste » Amir Peretz - ne fera qu’effacer toute distinction entre gauche et droite, et renforcer le soutien à son projet de cantons.

Quel dommage que Sharon ne puisse voir Peretz, un partisan des accords de Genève, s’installer comme ministre de la Défense pour superviser la construction du mur de séparation, l’organisation des check-points, la mise à la diète de la Bande de Gaza, les assassinats ciblés. Sharon glousserait en entendant dire que Peretz est capable de contrôler l’armée et la direction des colons. Si Sharon lui-même et son prédécesseur, Ehud Barak, ont été incapables de contenir « les réactions locales », comment ferait Peretz, qui n’a aucune expérience ?

Les ministres travaillistes, si brillants pour empêcher la création d’avant-postes illégaux en Cisjordanie, seraient-ils devenus capables d’entraver l’essor des « blocs de colonies », plutôt extensibles ? Sharon se réjouirait assurément encore de voir comment « la négociation avec les Palestiniens » était devenue le leitmotiv de la droite, laquelle voit ça comme une bonne façon de différer ou de rejeter tout plan unilatéral de convergence. Son œil brillerait à voir Ehud Omert et Peretz se servir de cette feuille de figue, un moment, dans l’objectif visible d’intégrer le raciste Avigdor Lieberman dans leur coalition.

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Comme nous avons de la chance, se dirait Sharon en lui-même : le Hamas a gagné, il forme un gouvernement et il persiste à refuser la reconnaissance d’Israël et à assumer les obligations de l’Autorité palestinienne. Sharon n’aurait pu trouver un meilleur prétexte à l’unilatéralisme que cette prise de pouvoir, par le Hamas, de l’Autorité palestinienne. Mais maintenant, le chemin est ouvert proprement pour une coalition qui va gaspiller ses premières années dans un combat entêté contre la légitimation du Hamas, au lieu de se battre pour continuer les mesures oppressives contre le peuple palestinien, faire un effort pour le briser et lui imposer la mise en cantons.

Poursuivre la construction dans les blocs de colonies - laquelle bénéficie d’un consensus en Israël - et se concentrer sur les questions internes va amener le statu quo et repousser d’année en année toute convergence. Après tout, ce plan suppose de « dialoguer avec toute la population » ainsi qu’une coordination avec les Etats-Unis et d’autres pays, et un tel dialogue prend beaucoup de temps.

Sharon, s’il était réveillé, serait sûrement fâché de ce contretemps pour la convergence, alors que ce n’est rien, c’est seulement une idée qui n’est pas destinée à être mise en application. Aussi longtemps qu’il est la solution, le plan des cantons est crucial pour combattre la menace démographique et donner à Israël la possibilité d’« être débarrassé des Arabes ».

La question demeure, que ferait Sharon s’il sortait de son coma, et lequel est le mieux, Sharon ou ses successeurs ?

 
Meron Benvenisti
Ha’aretz, 6 avril 2006 - http://www.haaretz.com/hasen/spages...
Traduction : JPP


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2468


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