Qui veut la peau de Shimon Peres ?
Maxime Vivas
Mardi
1er août 2006
Mon frère est entré en cachette chez mon voisin
Larbi avec qui on est fâchés (dans les petits villages, ça
arrive) et ce fourbe l’a capturé.
J’ai pris mon avion et j’ai bombardé l’épicerie
et la boulangerie du village. Plus quelques maisons trop proches.
Vous auriez fait comme moi. On a le droit de se défendre.
Puis j’ai démoli le château d’eau, et le
pont. Bien obligé, Larbi avait répliqué.
Des gens (des complices ?) ont essayé de fuir.
J’ai bombardé la route. Désolé, mais c’est la faute à
Larbi. Il y avait des journalistes dans le convoi. Ils ont râlé.
Sorry, c’est la guerre.
J’ai encore lâché quelques bombes autour de la
maison de Larbi et bousillé tout le quartier avec les gens
dedans. Je leur avais dit de partir, c’est leur faute.
J’ai détruit l’église, la mairie et la salle
des fêtes où des complices de Larbi auraient pu trouver refuge.
Pas d’omelette sans casser des œufs.
J’ai demandé à mes enfants d’écrire
« Enfants de Larbi, on vous aime » sur une méga bombe
et je l’ai larguée de très haut. Boum ! du côté de l’école
maternelle. 54 civils tués, parmi lesquels 37 enfants.
C’est la faute à Larbi, il avait dû y entreposer sa poudre.
J’ai écrabouillé la station d’épuration.
Toutes les eaux sales coulent vers les villages alentour. Qu’ils
aillent se plaindre à ce salopard de Larbi !
Jusqu’au jour où Larbi sortira de son trou, les
mains en l’air pour que je lui colle une balle dans la nuque, il
n’y aura pas de paix.
Des bavures ? Mais c’est la faute à Larbi qui
se cache dans son village et qui utilise les infrastructures, les
bâtiments, les hommes, les femmes et les enfants comme bouclier.
Le lâche ! Il suffirait qu’il ait eu le courage d’aller
seul au milieu du terrain de foot pour m’y faire un bras
d’honneur et une seule bombe suffirait. Une petite. Les
destructions, les assassinats aveugles de civils ne seraient pas
à déplorer. Alors, c’est la faute à qui ?
Ne me dites pas, à moi, que je suis un belliciste
sans cœur, que j’abuse à pénétrer à ma guise chez mes
voisins, à arracher leurs oliviers, à détruire leurs silos, à
confisquer leur eau, à déplacer les bornes de propriété, à
poser des barbelés partout, à zigouiller les jeteurs de
cailloux. Je m’appelle Shimon Peres, prix Nobel de la paix et je
suis Israélien.
Au nom des souffrances que des européens ont
infligé aux juifs il y a soixante ans, je ne peux être contredit
quand je dis : « Tout ça, c’est entièrement la
faute à Larbi et j’ai le droit de me défendre. »
Et celui qui regarde avec horreur ces dizaines de
poupées de chiffons disloquées et grises qui étaient des
enfants rieurs avant que je débarque dans leur village avec
l’ami Tsahal, celui qui fait « Tsss ! tsss ! »
et qui me jette un regard noir, celui-là, croyez-en mon expérience
de vétéran, celui-là est antisémite.
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