La prophétie récemment faite par des Palestiniens et des
responsables du monde arabe selon laquelle affamer le peuple de
Palestine aurait un effet boomerang, a été confirmé pas plus
tard que cette semaine lorsqu’un jeune homme venant du nord de
la Cisjordanie s’est fait sauter au cœur de Tel Aviv, tuant et
blessant de nombreux Israéliens.
Samir Samih Hammad, âgé de 21 ans, a apparemment
réussi à contourner les exceptionnelles mesures israéliennes de
sécurité et à déclencher un redoutable engin explosif, se
tuant ainsi lui-même en même temps qu’au moins neuf Israéliens
et faisant une quarantaine de blessés.
Cette étudiant de deuxième année qui venait de
Burqa, un petit village situé près de Jénine, a déclaré dans
message video préalablement enregistré que son « opération
martyre » était une réponse « au massacre quotidien
pratiqué par Israël » contre le peuple Palestinien.
La référence au « massacre » était
une allusion évidente aux meurtres perpétrées par l’armée
israélienne de 22 Palestiniens au coirs des deux dernières
semaines, ce qui comprend trois enfants et deux adolescents.
Le présidence palestinienne a condamné - comme
on pouvait s’y attendre - l’attaque à la bombe en la
qualifiant d’acte terroriste qui va à l’encontre des intérêts
palestiniens. Le Hamas quant à lui l’a qualifié « d’acte
d’auto-défense ».
Le gouvernement palestinien, dominé par le Hamas,
a pris une position intermédiaire, exprimant ses regrets face
« à la perte de vies innocentes » tout en blâmant
Israël pour ses tueries continuelles et son harcèlement
permanent des civils palestiniens, ce qui ne peut que rendre ce
genre d’évènement inévitable. Un porte-parole du gouvernement
à Gaza a expliqué à Al-Ahram weekly que
« les êtres humains ont des limites dans ce qu’ils
peuvent endurer face à l’oppression. Et pour finir, soit les
gens se suicident, soit ils se tranforment en bombes humaines ».
Il n’y a pas de doute que beaucoup de
Palestiniens sont d’accord avec la position exprimée par le
gouvernement, et surtout en considérant la répression israélienne
sans limite ni en temps ni en violence. Une femme originaire du même
village que le jeune homme qui s’est fait exploser a déclaré
à Al-Ahram que l’armée israélienne
poussait les Palestiniens à bout, et jusqu’à un point où leur
vie perd toute signification.
« Ils nous assassinent quotidiennement, nous
affament avec la complicité des Etats-Unis et de l’Europe, nous
empêchent de trouver de quoi nous nourrir et transforment notre
vie quotidienne en un véritable enfer. Alors que sommes-nous censés
faire dans de telles circonstances ? Nous tuer nous-mêmes ?
Bien, si c’est cela que le monde souhaite, alors nous le ferons,
mais à notre manière ». De façon évidente, l’attaque
à la bombe a été une mauvaise nouvelle pour le gouvernement
soumis au blocus et qui essaie désespérement de s’intégrer à
la communauté internationale et de trouver des aides financières
pour verser les salaires des quelques 140 000 employés de l’Autorité
Palestinienne.
A la suite de l’attaque-suicide, plusieurs
responsables du gouvernement israéliens ont prévenu qu’ils
pourraient faire assassiner des officiels du gouvernement dirigé
par le Hamas, comme « réponse » à l’attaque [de
Tel Aviv]. Israël avait espéré que le gouvernement palestinien
s’écroulerait sans qu’il soit nécessaire d’intervenir
directement, espérant avant tout une implosion parmi les
Palestiniens suite au chaos provoqué par le blocus économique
imposé par les Etats-Unis et Israël. Cependant, certains
commentateurs et journalistes israéliens ont tiré une sonnette
d’alarme en disant que détruire ou même seulement éroder
« le Hamas en tant que gouvernement » ne signifierait
pas détruire ni même affaiblir sérieusement « le Hamas en
tant que mouvement ».
De façon similaire, certains soutiens du Fatah,
dont le rédacteur en chef d’un des quotidiens palestiniens a prévenu
le Fatah contre le danger d’apparaître comme étant de mèche
avec les Etats-Unis et Israël dans le projet de faire chuter le
gouvernement actuel.
Voyant son horizon se rétrécir et devant
supporter le chantage permanent des Etats-Unis - y compris le
refus américain que le Qatar verse 50 millions de dollars afin de
contribuer au renflouement des caisses du gouvernement palestinien
- le Hamas ne laisse rien au hasard. Plus tôt cette semaine, le
premier ministre palestinien Ismail Haniyeh a rencontré les
responsables de plusieurs organisations et groupes de la résistance,
leur disant que le Hamas était toujours disposé à former un
gouvernement d’unité nationale.
Les représentants du Fatah n’ont pas participé
à la réunion, insistant avec un chantage similaire pour que
toute discussion sur un gouvernement d’unité nationale soit
conditionnée par l’acceptation par le Hamas du programme
politique de l’Organisation de Libération de la Palestine
(OLP).
L’attitude de refus de principe qui est celle du
Fatah a poussé Aziz Duweik, le porte-parole du Parlement, a accusé
la direction du Fatah « d’être sous l’influence des
Etats-Unis ».
« Nous savons très bien que les Etats-Unis
veulent empêcher la formation d’un gouvernement d’unité
nationale », a dit Duweik lors d’une interview pour la
presse ce mardi.
Pendant ce temps, le Hamas a obtenu un succès
limité dans sa recherche de soutiens financiers auprès d’un
certain nombre d’états arabes et islamiques. Le gouvernement
iranien a accordé cette semaine 100 millions de dollars, ce geste
étant reçu très cordialement par les Palestiniens soumis au
blocus. Certains officiels palestiniens font remarquer en privé
que l’Iran, qui est un pays islamique mais non-arabe fait preuve
d’un engagement en faveur de la cause palestinienne plus grand
que certains pays arabes. Le Qatar, l’Arabie saoudite, l’Algérie
et le Koweit ont collectivement versé plus de 130 millions de
dollars, permettant au ministre des finances, Omar Abdul-Razzaq,
d’annoncer comme bonne nouvelle que les salaires du mois de mars
pourront être versés d’ici une semaine.
Malgré ce répit temporaire, le Hamas comprend très
bien qu’il doit trouver une solution plus ou moins permanente
qui assurerait la survie à long terme du gouvernement. Pour
atteindre ce but, le Hamas a envoyé certains de ses responsables
visiter plusieurs pays arabes et islamiques, dans un effort désespéré
pour contrecarrer la guerre économique et financière engagée
par Israël, les Etats-Unis et l’Union Européenne.
Plus important encore est la compréhension encore
silencieuse par le Hamas qu’un pas diplomatique ou politique
doit être fait pour briser ou au moins neutraliser le blocus israélo-américain
contre le gouvernement. Certains initiés dans le gouvernement du
Hamas ont laissé entendre que Haniyeh affirmerait bientôt la
bonne volonté du Hamas de parvenir à la paix avec Israël en se
basant sur les résolutions 242 et 338 des Nations Unies et le
principe de la terre contre la paix. Cependant, la déclaration
n’incluerait pas explicitement une reconnaissance d’Israël
puisqu’une telle reconnaissance est religieusement inacceptable
du point de vue du mouvement islamique.
Une telle déclaration serait-elle sufffisante
pour stopper les pressions économiques et financières sur les
Palestiniens ? Cela reste à voir.
Khaled Amayreh