La victoire électorale du
Hamas dans les Territoires palestiniens vient renforcer l'idée de
la fin des régimes issus de l'indépendance. Les islamistes sont
des interlocuteurs incontournables en Egypte, en Irak, en
Palestine, au Maroc et jusqu'à la Syrie où ils pourraient
constituer une alternative au parti Baas. A relever que dans tous
ces pays, excepté l'Iran chiite, ce sont les Frères musulmans
qui progressent et qui constituent le socle de l'avant-garde
islamiste vers la conquête du pouvoir.
Cette longue marche à
commencé au tout début des années 20 avec la fondation de la
confrérie des Frères musulmans par l'Egyptien Hassan El Banna.
Elle continue de susciter de nombreuses vocations dans le monde
arabe. Leur victoire aux élections générales de novembre 2005
n'est pas un aboutissement, c'est un nouveau pas franchi vers
l'accession au pouvoir.
Le cas du Hamas en Palestine
est sensiblement différent de ce qui se passe dans le reste du
monde arabe. Les Palestiniens n'ont toujours pas d'Etat et leur
souveraineté s'exerce sur des confettis de territoire soumis en
permanence aux pressions sécuritaires et politiques israéliennes.
Depuis sa création en 1988, le Hamas a lutté aux côtés des
autres composantes politiques palestiniennes pour un Etat avec Jérusalem
pour capitale.
Depuis sa victoire aux élections
municipales de mars 2005, le Hamas a décrété un cessez-le-feu
qu'il a respecté. Preuve, si nécessaire, que l'intégration dans
le champ politique est la meilleure voie vers l'apaisement des
rapports sociaux. Gagner les élections c'est d'abord se doter
d'un appareil avec des militants dévoués et une parfaite maîtrise
des outils de communication : Internet, téléphone mobile, radio,
télé. A Gaza les partisans du Hamas ont sillonné les rues de la
ville, pour expliquer le nouveau mode de scrutin, et transmis des
SMS pour convaincre les électeurs. Un site Internet a été
exclusivement dévolu au débat sur l'idée que les élections
sont parfaitement compatibles avec l'Islam.
Mais peut-être plus que
l'extrême professionnalisation des candidats islamistes, c'est le
péril constitué par le vide laissé par l'Autorité
palestinienne qui a joué un rôle pour convaincre les indécis de
voter pour la formation de cheikh Yacine. Les causes profondes du
succès du Hamas palestinien sont de l'ordre de l'intime et
touchent le cœur et l'esprit des individus. C'est une force qui
lance un appel à l'action pour libérer la Palestine et à la défense
d'un idéal commun, l'Islam.
En Occident, évidemment, le
ton était, au mieux à l'inquiétude après les résultats, au
pire à la menace. L'Union Européenne demandait des garanties et
les Etats-Unis indiquaient qu'ils ne verseraient plus d'aide à
l'Autorité palestinienne. En oubliant au passage de rappeler que
le projet de démocratisation du Grand Moyen-Orient est né dans
le bureau ovale occupé par George Bush. On ne peut pas appeler à
une démocratisation du monde arabe et être surpris qu'il
s'exprime selon ses critères, pour ensuite contester le choix
populaire. Ce qui est frappant, c'est la symétrie des concepts et
du vocabulaire employé pour parler du Hamas : souvent qualifié
de terroriste, comme le fut l'OLP avant d'être accepté comme
partenaire, et ses dirigeants sont souvent diabolisés, comme le
fut Yasser Arafat tout au long de sa vie.
Il est probable que le
Hamas, au contact de la gestion quotidienne se révèle
pragmatique et réaliste, et que son évolution l'amènera inévitablement
à engager des négociations avec Israël. Les discussions en
cours avec le président Mahmoud Abbas sur la formation du
gouvernement nous donneront une indication précise sur la manière
dont le Hamas veut gouverner, avec un cabinet composé de
technocrates pour rassurer la communauté internationale, en
proposant un gouvernement d'union nationale ou bien en assumant
cette victoire et en gouvernant seul.
Quelle que soit l'option
retenue, une chose est sûre, les militants du Hamas appliqueront
les consignes avec la discipline qu'on leur connaît, à condition
que les résultats suivent.
Kader Abderrahim / Le
Journal-Hebdo (Maroc) / 17 février 2006
Institut
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