Palestine - Solidarité

   



Pourquoi le Jihad islamique ne participe pas aux élections législatives


Les élections législatives palestiniennes, dans les territoires considérées sous contrôle de l'Autorité Palestinienne, sont prévues pour le mois de janvier 2006. Toutes les formations politiques ont accepté d'y participer, sauf le Jihad Islamique. Les pressions américaines et européennes, sans citer les menaces israéliennes, s'exercent pour empêcher la participation du mouvement Hamas. Des voix se sont élevées pour reporter ces élections, entre autres raisons pour que les Palestiniens de la ville d'al-Quds puissent voter, alors que l'occupant sioniste le refuse.
Pourquoi le Jihad islamique ne participe-t-il pas aux élections législatives de janvier 2006 ? 
Ce mouvement, qui poursuit sa lutte contre l'occupation,  subit en ce moment même une répression inouïe de la part de l'occupant, dont les cadres et dirigeants sont assassinés, emprisonnés et même poursuivis, mais aussi de la part de l'Autorité palestinienne qui vient de mettre en prison plusieurs de ses cadres ?
En Occident, le mouvement du Jihad est peu connu. Seules ses opérations "spectaculaires" retiennent l'attention des médias, comme si le mouvement du Jihad n'était qu'une organisation militaire, sans programme ou réflexion politique. Cependant, les déclarations ou les attitudes de ses dirigeants, lors de négociations inter-palestiniennes et lors des crises internes, jamais reprises par les médias, ont pu laisser voir une maturité et une réflexion politiques qui méritent d'être connues.
C'est la raison pour laquelle le Centre d'Information sur la Résistance en Palestine, soucieux de faire entendre la voix des résistants palestiniens, présente cet article du Jihad islamique, où il explique les raisons de son refus de participer aux élections législatives.
 
21 décembre 2005
 
Actuellement, en Palestine, les gens sont préoccupés par les élections du conseil législatif, prévues au mois de janvier prochain, si les promesses restent sincères. Tout le monde s'en préoccupe, que ce soit l'Autorité ou les organisations, les partis, les clans, les indépendants et les autres, et même le mouvement du Jihad islamique, qui a déclaré qu'il ne participerait à ce jeu politique, n'est pas à l'écart de ces préoccupations, et il lui est réclamé d'expliquer les raisons de son choix.
Avant d'entrer dans le coeur du sujet et d'expliquer l'attitude du mouvement du Jihad, concernant les élections, il est nécessaires de souligner deux points importants :
 
1 - Le terme "unanimité" a sans aucun doute un pouvoir magique sur les gens, et notamment dans notre histoire et notre culture. Lorsqu'on nous dit "l'unanimité nationale" approuve la tenue des élections de l'Autorité, en tant que projet et choix, dans lequel tout le monde s'intègre, et que seul le Jihad reste en dehors de cette "unanimité", il est naturel que les militants du Jihad se sentent, à première vue, désorientés et encerclés. Mais nous devons être certains que cette "unanimité" supposée n'est qu'une étape du jeu visant à répandre une illusion, voulant la transformer en réalité et la légitimer. Dans peu de temps, tous réaliseront combien ils sont désorientés et que cette "unanimité illusoire" autour de "la démocratie palestinienne sous occupation" est le plus grand mensonge dans notre vie, plutôt la dernière balle tirée pour transformer ce mensonge commencé à Oslo en 1993, en une réalité que nous devons croire et que nous devons applaudir.
2 - Une décision pour participer ou non participer aux élections de l'Autorité palestinienne n'est pas une décision ordinaire que nous pouvons prendre facilement, comme le sont les élections pour élire les conseils d'étudiants, ou les syndicats professionnels. Il s'agit d'une décision politique et stratégique, selon tous les critères, qui aura des conséquences dans l'histoire de notre mouvement et de notre cause, quelle qu'elle soit. Les prochaines élections, si elles se déroulent, seront un événement décisif dans l'histoire du mouvement national et la vie politique palestinienne. C'est pourquoi la direction du mouvement a préféré ne pas se précipiter avant d'analyser la situation et les rapides développements sur la scène palestinienne et la région, en cette période explosive et extrêmement complexe.
 
Quels sont les facteurs ayant conduit à notre décision
Le mouvement a finalement décidé de ne pas participer aux élections, et nous expliquerons avec clarté et transparence les causes de cette décision, ses limites, ses dimensions, ses conséquences, pour finalement proposer ce qui correspond le mieux au cours de cette période.
 
Concernant les causes de toute décision, il y a d'abord les facteurs stables, puis les facteurs changeants.
 
Les facteurs stables (les constantes) :
Pour nous, le mouvement du Jihad, les facteurs stables sont les constantes islamiques et nationales qui sont à la base de notre action et notre lutte. Nous devons clarifier que nous ne séparons pas les "constantes nationales" des constantes islamiques, car le "national" qui signifie l'appartenance et le rattachement à la Palestine n'est pas en contradiction avec l'Islam, pour nous, mais en fait partie. Et toutes les constantes qui ne prennent pas pour point de départ la Palestine, dans la doctrine de la nation, dans sa culture, son histoire, et toutes les données de son existence, ne peuvent ni résister, ni se maintenir.
Donc, quelles sont ces constantes à partir desquelles nous prenons nos décisions, nous définissons nos positions politiques et notre lutte ?
L'approche et le cadre correct pour répondre à cette question est que nous rappelons à tous que le mouvement du Jihad islamique, depuis sa fondation et sa création par le martyr dr. Fathi Shiqaqi s'est fixé trois axes ou trois bases principales pour son projet : l'Islam en tant que cadre, la Palestine toute la Palestine, en tant qu'objectif, et la lutte en tant que moyen.
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Si nous comparons ces constantes avec celles nationales avancées par certains, nous ne trouvons  en réalité rien qui contredise les constantes islamiques que nous pouvons considérer constantes ! Après la reconnaissance de l'Etat Juif et de son droit à exister sur près de 80% de la terre de Palestine, les questions partielles comme al-Quds, dans le sens étroit de la partie orientale d'al-Quds, les colonies, l'eau, le retour (de certains réfugiés vers les terres de 67), ou ce qu'on appelle la solution finale, d'après Oslo, sont les constantes palestiniennes du point de vue de l'Autorité et de la direction de l'OLP... Aujourd'hui, après le départ de Yasser Arafat, les idées de Clinton, comme disent certains, sont considérées comme étant les constantes et sont le maximum auquel aspire l'Autorité. Lorsque Bush déclare qu'il n'est pas certain de la possibilité de fonder un Etat palestinien (selon les visions américano-sionistes), au cours de son mandat, le président de l'Autorité devient le porte-parole officiel qui corrige les "erreurs" du gouvernant de la Maison Blanche....
Pour nous, les constantes islamiques et nationales représentent une ligne rouge d'action dans la cause palestinienne. L'adoption de principe de ces constantes nous empêche d'accepter ou de nous intégrer dans une démarche politique contribuant à entériner le fait accompli que les parties internationales, régionales et locales essaient d'étendre à la présence de l'Etat Juif, et à détruire tous les projets de résistance et de lutte pour la libération et récupérer la Palestine.
 
Les facteurs changeants
Les constantes et les principes ne semblent plus être suffisants, à ceux qui prétendent être réalistes et rationnels, pour prendre une décision politique. Pour eux, l'attachement aux constantes et aux principes est synonyme de fermeture, d'idéalisme coupé de la réalité et ne tenant pas compte des exigences de la paix et de la prospérité censées couvrir les peuples de la région, depuis Madrid.
Quels sont donc les facteurs changeants qui nous amènent à ne pas participer aux élections législatives ?
Deux sortes de facteurs sont en jeu, le premier concerne les conditions locales, régionales et internationales, soit les conditions objectives que nous vivons, et le second concerne les conditons internes du mouvement du Jihad islamique.
Concernant les conditions objectives, toute lecture de la réalité et du climat politique ne peut que montrer que nous vivons l'une des phases les plus critiques de l'histoire de la question palestinienne, si ce n'est la plus critique dans l'histoire de la nation. Sur le plan international, un système mondial unipolaire domine la plantète, où un seul Etat (les Etats-Unis) domine la politique internationale et mène une "croisade" contre l'Islam et les musulmans, considérant que la bataille pour la sécurité d'Israël et la légitimité de son existence, en tant que force centrale et dominatrice dans la région, est sa propre bataille.
Sur le plan régional, nous assistons à un effondrement arabe, jamais vu dans l'histoire arabe, où les Arabes délaissent franchement la Palestine pour mettre leurs mains dans celles d'Israël, pour participer à la "guerre contre les forces obscures hostiles à la paix", signifiant par là les mouvements de la résistance (en Palestine et le Hezbollah) et les forces régionales qui leur sont alliés (Iran et Syrie).
Localement, nous sommes face à une Autorité faible, incapable, corrompue, dont le seul choix stratégique est de faire appel aux Etats-Unis et à Israël, mais aussi des formations politiques en conflit entre elles, qui n'ont pas de stratégie unique, un peuple blessé, vivant entre l'enclume de la pauvreté, le chômage et l'abandon arabe et le marteau de la répression et de la sauvagerie israélienne quotidienne.
Dans de telles conditions, beaucoup pensent que le réalisme incite à s'adapter à cette situation (se soumettre), à plier face à la tempête et de prendre le train de "la démocratie américaine" qui se dirige de la Maison Blanche pour s'arrêter dans toutes les capitales et les pays devant être arrangés et dont les cartes doivent être ordonnées de nouveau, selon les intérêts des Etats-Unis et d'Israël.
Si nous voulons être plus proches de la réalité locale palestinienne, et être plus clairs, il y a un climat de pression qui contribue à élaborer une seule conviction qui est que seules les élections sont le remède miracle et la clef magique pour sortir de cette impasse, cette réalité, cette corruption qui se répand dans toute la société. Nous ne pouvons confirmer ou infirmer la justesse de cette opinion que si nous examinons les conditions dans lesquelles les élections vont se mener, et que nous exposerons plus loin.
Concernant les facteurs propres au mouvement du Jihad islamique, ils se résument en : le poids de l'action du mouvement, qui réclame une grande attention et qu'il faut préserver, la guerre sioniste ouverte contre le mouvement dont les cadres et dirigeants sont visés, partout ; l'encerclement régional et international auquel est soumis le mouvement, qui limite ses capacités d'actions dans le champ arabo-musulman, pour assurer le soutien nécessaire à la lutte et à la résistance. .... Tous ces facteurs et d'autres encore devraient plutôt nous amener à participer aux élections, pour se protéger et éviter de devenir la cible essentielle de l'alliance américano-sioniste.
La préservation du mouvement et de son projet bien que nécassaire ne suffit pas à lui seul à définir une décision aussi cruciale pour la cause et le peuple palestiniens. En réalité, la décision juste doit être prise à partir des constantes et des facteurs changeants, en essayant d'y trouver un équilibre.
Lorsque les constantes et les facteurs changeants poussent vers une même direction, négative ou positive, il est facile de prendre la décision juste, mais le problème se complique lorsque les constantes sont en contradiction avec les facteurs changeants, et agissent dans des directions opposées.
Il faut, dans ces cas, distinguer trois situations :
1 - S'aligner sur les constantes au détriment des conditions objectives de l'heure. Certains appellent cette attitude dogmatique et non réaliste, présentant de hauts risques.
2 - Mettre en avant les conditions changeantes au détriment des constantes, cette attitude est appelée pragmatique, où les intérêts priment sur les principes.
3 - Prendre les constantes et les conditions changeantes en compte sur la base de l'attachement aux constantes, de minimiser autant que possible les pertes dans les conditions actuelles. C'est le choix traduisant un "réalisme de principe", qui n'ignore pas la réalité tout en s'attachant aux principes.
C'est la troisième, parmi ces trois alternatives, qui permet de rassembler le constant et le changeant à la fois, qui permet d'agir en étant sûr d'avoir réduit autant que possible la marge d'erreur.
Un mouvement, de la taille et du poids du Jihad islamique, ne peut fermer les yeux ni se boucher les oreilles sur ce qui se passe autour de lui, mais ne peut choisir une des alternatives ou choisir la voie de l'action politique, même favorable à ses propres intérêts, au détriment des constantes.
La décision du mouvement de ne pas participer aux élections législatives est une décision qui s'appuie sur les principes et les intérêts communs, ou sur les constantes et les conditions changeantes.
C'est ce que nous allons développer en expliquant les enjeux, les significations et les dimensions politiques et stratégiques des élections.
 
Les causes directes de notre refus de participer aux élections
Les facteurs changeants poussant à participer ou non aux élections législatives ne sont pas les mêmes, pour toutes les organisations, qui s'appuient sur des considérations idéologiques et des calculs politiques différents. Pour nous, le mouvement du Jihad islamique, les causes qui nous ont amené à refuser de participer aux élections en 1996 n'ont pas changé, sauf vers le pire. Certains pensent que nous sommes en phase terminale du conflit ou bien que ce dernier sera gelé pour des dizaines d'années, après le retrait israélien de la bande de Gaza, en attendant que Sharon, s'il réussit aux élections au printemps prochain, définisse l'avenir, unilatéralement, de la Cisjordanie. Nous considérons que la phase prochaine est extrêmement grave, ce qui nous amène à refuser notre participation aux élections législatives, pour les raisons suivantes :
 
1 - les élections font partie du processus de règlement avec l'Etat sioniste, et ce qui se nomme conseil législatif a été fondé par les accords d'Olso, signés à Washington en 1995, il est constitué de 88 membres (ensuite 132) et portait le nom de conseil de l'Autorité, et non de conseil législatif, tel qu'il fut plus tard nommé par l'Autorité pour éloigner les doutes à son propos. Donc, le conseil législatif est le produit d'Oslo, il est régi par le plafond d'Oslo, il est même une des institutions fondées et conçues pour exécuter les accords d'Oslo, ou l'autonomie limitée, comme l'ont décrite les forces palestiniennes ayant refusé, à l'époque, les élections de 1996.
 
2 - Justifiant leur participation, certaines des forces ayant refusé d'y participer en 1996, disent que la période d'Olso est fini, et que nous vivons actuellement des conditions différentes, créées par l'Intifada et la résistance. Le slogan "Oslo est mort" n'est pas nouveau, l'Autorité l'a lancé lorsque les négociations devenaient difficiles avec l'ennemi, avant même le déclenchement de l'Intifada. Mais il est nouveau que les forces de la résistances l'adoptent, non sur la base de l'affirmation que l'Intifada et la résistance sont l'alternatives, mais pour justifier leur participation au processus ou jeu politique dans la période où se prépare un complot contre l'Intifada et la résistance.
 
Par conséquent, le discours sur la mort ou la fin d'Oslo fait partie des obligations justifiant la participation à ce jeu mais il est contraire à la réalité. Pendant les années de l'Intifada, malgré toutes les pratiques de l'occupation, l'Autorité n'a cessé d'affirmer qu'elle est attachée auix accords d'Oslo et au processus de règlement. A toutes les étapes, allant du rapport Mitchell jusqu'au plan de Tenet, aux accords de Paris, de Taba, la Feuille de route et les accords de Wadi Araba et de Sharm el-sheikh, et récemment les accords sur les terminaux, l'Autorité n'est pas sortie des accords d'Oslo, restant attachée au processus de règlement qu'elle a pratiquement inauguré en 1993. A partir de là, toutes les bases sur lesquelles se sont déroulées les élections de 1996, considérées contraires aux constantes nationales, sont toujours là. S'il y a un changement, celui-ci est plutôt vers le plus mauvais, où Israël a réoccupé les zones A et B en Cisjordanie, ce qui indique l'élargissement de l'espace occupé, ce qui veut dire que nous sommes toujours dans une phase de libération nationale et non une phase de construction d'un système politique stable, que tous doivent intégrer et suivre.
 
3 - Les élections et la participation politique en tant que partie de la "démocratie" louée par le monde occidental et ses agents dans nos pays, supposent l'existence d'un Etat indépendant et souverain, pouvant produire des conditions de vie sociale, économique, politique, en toute liberté. Or les élections palestiniennes se déroulent sous l'occupation, qui poursuit une terreur et une répression terrible, au quotidien, contre la terre et l'être humain. La participation à la démocratie supposée dans le cadre de l'occupation légitime la réalité de l'occupation et constitue un précédent dangereux dans l'histoire des peuples soumis à l'occupation et au colonialisme étranger..
Israël qui impose tous les jours une nouvelle réalité sur le terrain et qui contrôle toutes les articulations du mouvement ne peut accepter des élections si celles-ci devaient changer la situation actuelle au profit du peuple palestinien ou au profit de la résistance. L'état de l'occupation a imposé ses conditions garantisssant sa sécurité et ses intérêts, il a été décidé des élections qui se comportent avec le possible à la manière israélienne.
De ce fait, l'affirmation par certains que la participation aux élections va renforcer la résistance et lui donner une légalité et une reconnaissance officielle, n'est pas juste. Israël ne permettra pas, dans tous les cas, à d'autres de définir les règles du jeu. C'est pourquoi le gouvernement ennemi s'oppose à la participation de certaines forces de la résistance à ces élections, et c'est une opposition qui vient dans le cadre des concessions, qui retrouve les points de vue américain et occidental, sur le fait qu'il n'est pas possible de rassembler la résistance (terrorisme) et la politique, de même qu'il n'est pas possible de ne pas reconnaître Israël et de revendiquer sa disparition d'un côté, et de participer au parlement palestinien de l'autre. Donc, l'approbation américano-sioniste pour intégrer toute formation palestinienne dans "la démocratie palestinienne" exige deux points : la première est le rejet " du terrorisme", comme cela s'est passé avec Arafat et l'OLP, et l'abandon du choix de la résistance.
Il n'est ni autorisé ni accepté, du point de vue sioniste et occidental, et même arabe officiel, pour la plupart, que des membres de toute formation palestinienne entrent au conseil législatif, portant des cartes de VIP, passant aux barrages israéliens qui encerclent les gens, tout en envoyant des gens mener des opérations de la résistance contre les Israéliens, en tout lieu en Palestine. Ensuite, que toute formation reconnaisse Israël et retire de ses écrits l'appel à la disparition de cet Etat et la libération de toute la Palestine. Et parce que la reconnaissance d'Israël n'est pas possible et n'est pas à l'ordre du jour pour tout mouvement islamique, par exemple, les Israéliens et les Américains sont prêts à accepter toute "déclaration officielle" qui se prononce pour un programme provisoire sur la base d'un Etat palestinien dans les limites de 1967, comme le programme provisoire de l'OLP, tant que le but final (même si on l'appelle provisoire) serait de récupérer les terres occupées en 1967.
Le silence fait sur le reste de la Palestine sur lequel s'est installé l'Etat juif est une reconnaissance implicite d'Israël, les Etats-Unis et les autres forces occidentales le considéreront comme un tournant stratégique qui va contribuer à intégrer certaines forces de l'Islam militant, qui représente le plus grand danger sur l'avenir d'Israël dans la région.
4 - Certains disent que la participation aux élections législatives constitue une approche pour participer ou avoir une influence sur la décision palestinienne et terminer avec l'état d'individualisation du pouvoir et de son parti (le Fateh). Mais nous demandons ici : de quelle décision s'agit-il, à laquelle nous devons participer ou que nous devons influer, et comment ?
Nous savons que la décision que le pouvoir individualise est celui du règlement et des négociations avec Israël. Que voulons-nous de l'Autorité à ce propos et comment pouvons-nous y participer ou agir en fonction ? Trois suppositions sont rattachées à cette question :
1 - que les forces de l'opposition gagnent la majorité des sièges, et qu'il y ait une alternative à l'Autorité pour élaborer une décision, cette "alternative" poursuit les négociations avec Israël, avec plus de performance que l'Autorité.
2 - que la majorité de l'opposition annule la formation de tout gouvernement négociant avec Israël, ce qui signifie l'annulation du processus du règlement ou l'annonce de sa suppression, comme a fait Nahas Pasha en Egypte en supprimant l'accord de 1936 avec les Anglais.
3 - que les forces de l'opposition n'obtiennent pas la majorité du conseil, la majorité demeurant favorable à l'équipe d'Oslo qui poursuit et fait passer toutes les décisions qu'elle souhaite.
Si nous demandons aux forces voulant se présenter aux élections lesquelles des alternatives veulent-elles, elles diront sans hésitation que la première est impossible, qu'elles ne peuvent mener un gouvernement négociant avec "l'ennemi sioniste" ou considérer qu'elles puissent en faire partie (c'est l'attitude proclamée jusqu'à présent), restent alors les deux autres alternatives qui sont toutes les deux des impasses et dont le prix serait très élevé.
Pour la seconde alternative, veulent-elles effectivement écarter Oslo de façon démocratique ? Sont-elles prêtes pour ce choix ? Ont-elles en vue les conséquences sur la scène palestinienne et dans la région d'un tel choix ? Est-ce que l'Occident autorisera-t-il cela ?
 
Il est évident que les forces voulant participer aux élections réalisent parfaitement cela, et elles ont une réponse claire et simple : nous ne voulons pas qu'une majorité au conseil écarte le processus d'Oslo ! Reste alors la troisième alternative possible, qui pose d'importantes questions : si le but n'est pas d'avoir une majorité au conseil, comment pouvons-nous participer à la décision ? Comment pouvons-nous influer sur cette décision .? En fait, pourquoi participer, et quel en est le but ?
La participation dans un conseil où la majorité est favorable au processus d'Oslo est un cadeau gratuit offert à toutes les parties du règlement. Elle légitime toutes les décisions que prendront les gens d'Oslo, légitimité dont ils ne rêvaient même pas. Tant que les autres forces ont accepté les règles du "jeu démocratique" et qu'elles n'ont pas obtenu la majorité dirigeant ou annulant la décision, elles devraient se soumettre aux résultats et accepter toute décision émanant de ce conseil, aussi dangereux soient-ils. Ce qui signifie que ces forces seront des témoins de ce processus, qu'elles protestent ou crient contre telle ou telle décision ne servira à rien. Ceux qui ont conçu le conseil au départ voulaient qu'il puisse parvenir un jour à un tel niveau, et peu leur importe que le conseil soit une scène de disputes, d'insultes, ou même de bagarres, l'essentiel est qu'il en sorte des décisions, de facon "démocratique", dans le sens qu'ils souhaitent.
 
5 - L'intégration des forces de la résistance à ce jeu politique sous la couverture d'Oslo est une confiscation, avec effet rétroactif, de toutes les critiques adressées au processus d'Oslo et du règlement. Avant cette intégration, on disait : le règlement n'exprime pas la volonté du peuple palestinien, et le choix d'Oslo est le choix de la direction de l'OLP qui n'a pas pris en compte l'opinion du peuple palestinien, qui n'a pas respecté ses droits et des intérêts.
Mais maintenant on dira : "le processus politique va, démocratiquement, selon la volonté du peuple palestinien représenté par (toutes) ses forces dans le conseil législatif. Sans l'intégration de ces nouvelles forces aux élections, personne ne pourra prétendre que ce qui se passe exprime la volonté du peuple palestinien, même si on nous dit que le conseil législatif est un conseil élu, comme on le dit à propos du conseil actuel, car en fin de compte, il ne représente qu'une seule partie de la multitude politique palestinienne. 
Hors de ce jeu électoral, le parti du pouvoir, le Fateh, était en pleine force, au début du processus d'Olso, mais dans les sondages, quoique nous pensons de ces sondages, il ne représentait que 35% de la rue palestinienne, et actuellement, il représente beaucoup moins, face à la montée des forces islamistes résistantes, et l'intégration d'une grande partie du mouvement du Fateh dans leurs formations militaires. Malgré les crises internes du Fateh, la participation des forces de la résistance aux élections politiques va aller dans le sens des intérêts du Fateh, s'il réussit à organiser sa situation interne, car cette participation renforce le choix du règlement au détriment de la résistance, et confirme la justesse du choix du Fateh qui a participé, seul, aux élections en 1996.
Aujourd'hui, les autres y participent, alors que les facteurs qui les ont amenés à refuser les élections sont toujours là. De plus, Le Fateh, à qui il était reproché de faire des concessions pour sa participation aux élections en 1996, subit aujourd'hui des reproches lorsqu'il pense reporter les élections ! Ces positions contradictoires chez certaines forces de la résistance donnent à nouveau au Fateh, s'il réussit à surmonter sa crise interne, tout le crédit qu'il avait perdu au profit de ces forces, lors de l'Intifada. Le plus important est qu'il fera perdre le crédit des forces de la résistance qui participent aux élections, dans la voie du règlement pour que finalement, on dise que ce qui se passe représente une unanimité nationale, et la volonté du peuple palestinien, et non plus celle d'une seule formation.
 
6 - La "démocratie" palestinienne louée par les Américains, avant de l'être par les Palestiniens, n'est pas un moyen de réaliser l'unité du peuple palestinien, ou la construction d'une unanimité nationale réelle, mais c'est un outil pour entériner une réalité de division et de démantèlement du peuple palestinien, une marginalisation croissante de la majeure partie du peuple, de la décision nationale. Les élections politiques qui se déroulent en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, seulement, écarte plus des 2/3 du peuple palestinien, qui se trouve en exil et les Palestiniens de 48. Comment peut-on planifier un système politique palestinien et l'adopter, pour qu'il décide de l'avenir du peuple et de la cause palestinienne en écartant la majeure partie de ce peuple ?
Admettons que l'Autorité palestinienne organise le vote des Palestiniens présents en exil, qui est le Palestinien qui aura droit au vote ? Sont-ils de la Cisjordanie et de la bande de Gaza, ou bien cela inclut-il tous les Palestiniens ? Si la participation n'est pas due à la décision de l'individu et sa liberté de choix, mais dépend des conditions et exigences israéliennes, qui régissent l'accord d'Oslo, cela signifie que cette prétendue démocratie n'est qu'un mensonge qui va à l'encontre des conditions les plus simples de la démocratie occidentale, qui est la liberté.
Si les élections dans la démocratie se font sur la base de la citoyenneté, que signifie le fait de priver 2/3 du peuple palestinien de la participation à des élections politiques pour élire leurs représentants ? Cela ne signifie-t-il pas ne pas reconnaître le statut de Palestiniens à tous ces Palestiniens ?
A la lumière de tout ceci, ces élections ne sont qu'un outil ou un moyen pour administrer les affaires des gens en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, c'est aussi une opération pour définir qui est palestinien. Dans les meilleurs des cas, le système politique en vue, par ces élections, ne concerne pas tous les Palestiniens, et c'est une conséquence naturelle de l'acception précédente dans le cadre du règlement que la Palestine n'est pas à tous les Palestiniens ou que toute la Palestine n'est pas aux Palestiniens !
Nous nous étonnons de voir comment des forces de la résistance peuvent s'intégrer dans les institutions de l'Autorité et lui accorder une légalité qui lui permette de déterminer le sort du reste du peuple palestinien, qu'elle décide de leur droit au retour à leurs terres et à leurs propriétés en Palestine, sans les consulter ou écouter leurs points de vue ?
 
7 - La précipitation palestinienne à participer aux élections transmet des messages erronés sur la réalité du peuple palestinien et de ses souffrances, sous l'occupation. Tout en adaptant les élections au programme américain en imposant "la démocratie de l'occupant", tel que c'est le cas en Irak, ces élections représentent un prétexte pour les régimes arabes et musulmans, qui se sont démis de tout engagement envers la Palestine, pour courir après et se jeter dans les bras d'Israël. A tel point qu'on a entendu un écrivain arabe demandant à son gouvernement (Koweit) de normaliser rapidement les relations avec "le frère Israël".
Le courant actuel de la normalisation avec Israël, qui s'est manifesté dans les attitudes des gouvernements du Pakistan, de la Tunisie, du Maroc, de Qatar et du Bahrayn et d'autres, dû au simple fait du retrait israélien de la bande de Gaza, va être encouragé au moment des élections palestiniennes prévues, qui vont donner l'illusion mensongère que les Palestiniens ont repris leurs terres et leurs droits et qu'ils vivent en toute sécurité et stabilité dans un système plus démocratique que plusieurs Etats de la région, comme l'affirment les parrains de cette démocratie dans le monde. Non seulement cette comparaison erronée cache le visage cruel de l'occupation, mais l'embellit et le légitime, faisant porter au peuple palestinien la responsabilité des crimes sionistes qui sont commis tous les jours.
 
8 - Certaines forces voulant participer aux élections du conseil législatif font la comparaison avec la participation du Hezbollah au parlement libanais et récemment au gouvernement, dans le but de protéger la résistance et affirmer sa légitimité. Mais cette comparaison n'a pas lieu d'être, car la situation libanaise est totalement différente de la situation en Palestine. Au Liban existe un Etat souverain, un système politique indépendant, et l'Etat n'est pas contre la résistance libanaise, le gouvernement n'a pas signé un accord avec une partie quelconque l'obligeant à agir contre la résistance. Le pouvoir tient sa légitimité du peuple libanais et non d'accords comme Oslo. Le le Liban, avant la libération (Etat, gouvernement et peuple) était unanime sur la légitimité de la résistance, et personne n'a posé comme condition au Hezbollah d'abandonner la résistance, que ce soit en cachette ou en public. Ce qui signifie que la participation politique n'a pas réclamé du Hezbollah des concenssions liées à la résistance, pour tenir compte des engagements du pouvoir libanais avec une partie quelconque, comme c'est le cas pour l'Autorité palestinienne. En Palestine, les forces de la résistance se dirigeant vers le conseil législatif ne seront pas lavées des accusations de "terrorisme" et légitimées pour entrer entièrement dans les institutions de l'Autorité et du système politique, né des accords avec l'ennemi, que si elles abandonnent la résistance selon la Feuille de route, selon les engagements de l'Autorité envers l'administration américaine et Israël. Ce qui signifie que l'équation posée en Palestine, contrairement à la situation libanaise, est un marchandage de la légitimité de la résistance par la légitimité de la participation politique issue d'Oslo.
Si nous contrarions la situation et supposons que tout le Liban est occupé (comme la Palestine) et seuls les Hameaux de Shabaa sont libérés, et à moitié, le Hezbollah, ou tout autre groupe au Liban, peut-il discuter de la légimité de la résistance ou peut-il avoir un tout autre projet que celui de la lutte ou de la libération ?
 
9 - Les forces voulant participer aux élections relient leur participation au désir de réforme et de lutte contre la corruption, considérés comme une demande populaire. La question qui se pose est : pourquoi le conseil législatif n'a pas mené cette réforme et n'a pas combattu la corruption pendant ces dix dernières années ? Les entraves qui ont empêché ces réformes, qu'elles soient liées à la situation interne palestinienne, ou à l'occupation, sont-elles encore là ou sont-elles devenues pires ?
La relation entre le conseil législatif et le président de l'Autorité, ou le gouvernement, ou le mouvement Fateh, n'a pas été modifiée et ne se modifiera pas, sauf si les nouvelles forces décident de tout bouleverser et de mettre fin à la domination du Fateh sur le conseil, ce qui est loin d'être envisagé, au regard des tentatives menées par ces forces pour rassurer le Fateh. Sur le plan interne aussi, il ne semble pas qu'il y ait accord sur le rôle du conseil, dans la rue palestinienne. L'Autorité voudrait en faire en premier lieu un instrument pour légitimer le règlement et toutes ses décisions politiques.
 
Traduit par : Centre d'Information sur la Résistance en Palestine


 Source : Cirepal


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