« Rétrospectivement, même si j’ai été surprise par
l’ampleur de la défaite du Fatah, je me dis qu’il y a une
certaine logique. C’est le peuple qui a décidé.
Il l’a fait en raison de sa frustration, qui est
très grande, vis-à-vis de l’Autorité palestinienne. Celle-ci
n’a pas su lui donner les services qu’il attendait. Surtout,
elle n’a pas réussi à faire avancer le processus de paix,
parce qu’il n’y avait pas de partenaire israélien pour négocier.
Le désengagement unilatéral de Gaza, sans concertation avec l’Autorité
palestinienne, en est la preuve. Il y a aussi l’inaction de la
communauté internationale qui se contente de répéter des résolutions
et de se référer à des plans qui ne veulent plus rien dire, car
elle ne fait rien pour qu’ils soient appliqués. Le peuple
palestinien se sentait à la fois sans présent et sans avenir.
C’est ce désespoir qui s’est traduit dans les urnes,
davantage qu’une vraie adhésion à l’islamisme.
Maintenant, le président Abbas va devoir faire
face aux problèmes internes du Fatah et à ceux qui au Hamas ne
sont pas prêts à assumer les responsabilités gouvernementales :
il va devoir gérer des institutions dont la plupart des employés
sont du Fatah et qu’il connaît mal.
Il n’y aura pas de compromis possible si le
Hamas insiste pour appliquer son programme idéologique
d’islamisation de la société. Mais j’ai tout de même
espoir, car le Hamas fait partie de la société palestinienne, et
ses leaders, je l’espère, choisiront la modération.
Quant aux relations avec l’Europe et la France,
elles sont très importantes pour les Palestiniens et je crois que
le Hamas le sait.
Il a lui-même appelé l’Europe à communiquer
avec lui. L’Europe met des conditions qui, à mon avis, vont
d’elles-mêmes, comme la reconnaissance d’Israël. Je ne crois
pas que l’existence d’Israël soit menacée par le Hamas,
c’est plutôt l’existence du peuple palestinien qui l’est
par Israël. Et le militarisme israélien risque d’avoir un
nouveau prétexte pour en faire plus encore dans la répression,
les démolitions, la construction du mur, etc. C’est aussi donc,
pour moi, ce danger auquel l’Europe devrait s’opposer. »
Propos recueillis par F. G.-R.