P.B. Comment s’est déroulée la
campagne électorale à Jérusalem ?
Hind Khoury :
Jérusalem est un endroit particulier. Ici, la
campagne n’a pratiquement pas eu lieu parce que les Israéliens
n’ont pas été très coopératifs. Le gouvernement israélien
n’a donné son accord à la tenue du scrutin à Jérusalem que
le 15 janvier ! Ce qui signifie que la campagne n’a pas excédé
dix jours.
Ajoutons que si les Israéliens ont finalement
accepté, les détails de l’accord sont très flous. De fait,
les habitants de Jérusalem ne savent pas vraiment comment ça va
se passer. Pour la campagne proprement dite, la police israélienne
a arrêté tous les jours des candidat(e)s palestinien(ne)s. De même,
ils empêchent les militants de coller les affiches en prétextant
qu’il y a une vingtaine de panneaux électoraux. Pourquoi une
vingtaine alors que dans le cadre des accords d’Oslo il est prévu
trente-huit panneaux ? Finalement ils ont accepté vingt-cinq
panneaux mais on ne sait pas où ils doivent être placés ni les
démarches à effectuer pour les utiliser !
Paradoxalement, la seule promotion possible pour
un candidat est d’être pris en photo ou filmé par les médias
lorsqu’il est arrêté. Le monde occidental ne cesse de parler
du manque de démocratie au Moyen-Orient mais lorsqu’on veut
l’exercer c’est impossible.
P.B. Quelle est la situation des
Palestiniens de Jérusalem-Est ?
Hind Khoury :
Prenons le logement. Il y a 10.000 unités
construites sans permis parce que les autorités israéliennes
refusent quasi systématiquement de donner un permis de construire
aux Palestiniens. L’an dernier 152 maisons ont été détruites
par la police israélienne.
Cette impossibilité de construire induit des
situations extrêmes, surtout dans la vieille ville où les gens
s’entassent et vivent dans de petits espaces. Pis, de nombreux
Palestiniens vivaient en dehors de la ville à cause du manque de
logements. Mais, à cause du mur, il leur faut revenir pour être
près de leur travail.
Ceux qui continuent à vivre à l’extérieur du
mur mettent des heures pour accéder à Jérusalem à cause des
contrôles et des check-points. Les permissions sont données pour
trois mois et sont difficilement renouvelables.
Conséquence, beaucoup d’écoles vont perdre
leurs enseignants mais aussi des élèves. Les Israéliens tentent
d’imposer la juridiction israélienne sur nos écoles et aussi
sur nos hôpitaux. Il y a six grands hôpitaux, 68 % des employés
viennent de la Cisjordanie, ils doivent avoir des permis et donc
souvent ne viennent plus. De même, 80 % des malades viennent de
la Cisjordanie mais maintenant ils ont de plus en plus de mal à
accéder à ces établissements hospitaliers qui sont uniques.
La ville a passé une période très difficile du
point de vue des expropriations de terrains, des destructions de
maisons, de la construction du mur.
Les Palestiniens de Jérusalem-Est ne sont pas des
citoyens, seulement des résidents. Il y a beaucoup de couples où
l’un des deux a une carte d’identité de Cisjordanie et
l’autre une carte de résident de Jérusalem. Maintenant ils ne
peuvent plus vivre ensemble à Jérusalem.
Malgré toutes ces difficultés, les Palestiniens
de Jérusalem ne disparaîtront pas. Donc il n’ y a pas
d’autres solutions que de construire un Etat palestinien avec Jérusalem-Est
comme capitale.
P.B. Vous allez bientôt arriver
en France. Quels seront les dossiers prioritaires ?
Hind Khoury :
D’abord je veux avoir de bonnes relations avec
les organisations françaises pour continuer à faire passer le
message que le peuple palestinien a le droit à un État souverain
et indépendant pour mener une vie normale comme tous les peuples
du monde et que, sans cela, il n’y aura pas de paix.
Ce peuple palestinien a besoin de Jérusalem-Est,
actuellement occupé, qui est le centre culturel, religieux, économique
des territoires palestiniens. Il n’y aura pas de solution sans Jérusalem.
L’Europe a beaucoup de sympathie pour la cause
palestinienne. Elle admet le fait que Jérusalem-Est est un
territoire occupé. Mais il n’y a pas assez d’actes pour que
la situation change.
J’espère, avec les autres ambassadeurs
palestiniens en Europe et auprès de l’Union européenne,
pouvoir échanger avec ces gouvernements afin d’imposer des
changements concrets ici.
Car si cette situation se poursuit elle générera
toujours plus de violence ici, dans la région et affectera même
l’Europe. On ne peut pas accepter un double standard. Les droits
de l’homme s’appliquent aux Occidentaux mais pas aux Arabes,
aux Palestiniens.
(1) Ex-ministre chargée de la question de Jérusalem
. Entretien réalisé par P. B.
Pierre Barbancey, envoyé spécial à Jérusalem. Journal l’Humanité
Rubrique International Article paru dans l’édition du 24
janvier 2006.