[Un curieux consensus est apparu en Israël, qui touche même les travaillistes : on pourrait
construire dans les «blocs de colonies»,
même sans accord de paix (et peut-être même surtout sans accord de
paix). Cet article démontre le danger de cette position, qui participe d'une
certaine fuite en avant, phénomène bien connu en Israël où l'on a
tendance aujourd'hui à privilégier une approche unilatérale, en
particulier depuis la victoire du Hamas]
Yediot Aharonot, 7 mars 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
Le programme électoral officiel du Parti travailliste comporte la
phrase surprenante suivante : [Nous sommes pour] «des coupes importantes
dans le budget des colonies isolées, mais pas dans les blocs de colonies».
En d'autres termes, le Parti travailliste a décidé de soutenir la poursuite de la construction dans les colonies, mais «seulement»
dans les gros blocs.
En apparence, c'est relativement raisonnable : les Palestiniens ont
fait connaître, officiellement et officieusement, leur accord pour qu'interviennent des échanges de territoires, et se sont faits à
l'idée de [l'annexion des] gros blocs de colonies, raisonnablement proches de
la ligne Verte et qui pourraient accueillir la plupart des colons.
Mais en réalité, ce serait une erreur de bâtir dans ces zones.
Une fois que nous aurons dépensé beaucoup d'argent et beaucoup construit,
nous nous rendrons compte, à notre grande surprise, que nous aurons obéré
toute possibilité de conclure un accord de paix et toute solution à deux
Etats, et que ces blocs constitueront une raison pour que notre conflit
avec les Palestiniens continue.
Les limites de ces blocs n'ont jamais été définies. C'est la
barrière de sécurité qu'est en train de construire Israël unilatéralement
qui les définit de facto.
Le «bloc d'Ariel», par exemple, s'étend sur un vaste territoire et
s'enfonce dans le cour de la Cisjordanie. Il inclut plus de 15
colonies, d'Ariel à l'Est (à plus de 20 km de la ligne Verte !) jusqu'à
Kedoumim au Nord, Ma'aleh Shomron à l'Est et Ofarim et Beit Aryeh au Sud.
Un coin enfoncé au cour de la Cisjordanie
Il est clair qu'un pareil bloc empêchera toute possibilité de
continuité territoriale pour un futur Etat palestinien. C'est d'ailleurs la
raison pour laquelle les Etats-Unis n'autoriseront pas Israël à inclure
ce bloc à l'intérieur de la barrière.
Cela est également vrai du bloc de Ma'aleh Adoumim, qui forme une
saillie coupant la Cisjordanie en deux tronçons, au Nord et au Sud. En
outre, il isole Jérusalem Est du reste de la Cisjordanie. Ce bloc inclut le
programme de construction «E-1» qui prévoit de bâtir 3.500
logements entre Ma'aleh Adoumim et Jérusalem : l'objectif est bien d'isoler Jérusalem
Est (2)
Les Palestiniens ne peuvent en aucun cas accepter un accord qui leur
refuse une capitale à Jérusalem Est. Couper cette ville de la
Cisjordanie par des blocs de colonies (ceux actuellement en construction, et
ceux qui sont en cours de planification) reviendrait à clouer définitivement
le
cercueil de tout processus de paix.
En cas d'absence d'accord de paix, il n'y aura de légitimité ni
pour les colonies, ni pour les blocs de colonies. Même si Israël se retire
unilatéralement, sans accord, les Palestiniens considéreront ces
blocs comme un motif pour continuer leur lutte, et les blocs pourraient
devenir l'objet d'un terrorisme constant.
Le reste du monde ne reconnaîtra pas, lui non plus, la souveraineté
d'Israël sur ces blocs de colonies sans l'accord des Palestiniens
et sans un règlement définitif du conflit. Les colonies en question
pourraient ainsi subir le sort qu'ont connu celles de Gaza et du Nord de la
Cisjordanie.
En outre, la Feuille de route, à laquelle se réfère
officiellement le programme électoral de Kadima, stipule explicitement qu'Israël
doit stopper toute construction dans les colonies dès la première phase
(même la construction qui répondrait aux besoins d'une «croissance
naturelle»).
Or, Israël construit bien des appartements (5.300 en 2005) dans les
blocs de colonies. Il ne peut donc pas prétendre avoir rempli ses
obligations et exiger des Palestiniens qu'ils remplissent les leurs.
Il faut renforcer les Palestiniens modérés
Les critiques les plus acerbes émises par les Palestiniens qui sont
partie prenante d'initiatives de paix comme Genève est que, du fait de
leur acceptation officieuse de l'annexion de blocs de colonies (3),
ils ont donné à Israël sa légitimité pour poursuivre son programme de
construction dans les colonies.
Le Hamas en a fait un argument de campagne électorale très
efficace : «10 ans de négociations et de dialogue avec Israël ont doublé le
nombre de colons dans les territoires. En revanche, cinq ans de lutte armée
ont fait partir Israël de Gaza».
Face au Hamas, Israël doit se comporter avec sagesse et ne pas
faire le jeu de cette organisation, pour que nous ayons au moins une petite
chance de connaître un semblant de calme.
La société peut encore changer de dirigeants, et Mahmoud Abbas est
toujours à la tête de l'Autorité palestinienne.
Israël doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour renforcer les
Palestiniens modérés et combattre les extrémistes. La seule manière,
c'est par de véritables accords de paix qui déstabiliseront le Hamas et
exerceront sur lui des pressions de la communauté internationale.
Ceux qui souhaitent développer les blocs de colonies doivent privilégier
la conclusion d'un accord de paix définitif le plus tôt possible,
afin de garantir à une majorité de colons de pouvoir demeurer en
territoire israélien.
(1) Hagit Ofaran est membre de l'Observatoire de la colonisation de
Shalom Arshav (La Paix Maintenant)
(2) Sur ce sujet, voir par exemple notre article « la bataille pour
Jérusalem capitale » http://www.lapaixmaintenant.org/article1034
(3) Contre la cession par Israël de territoires équivalents. Cf.
le détail dans le texte des accords :
http://www.lapaixmaintenant.org/article708
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