Haaretz, 17 novembre 2005
www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=645731
Version
anglaise (mais sans Hillary) :
www.haaretz.com/hasen/spages/646936.html
La vie dans une villa d’une banlieue aisée de Jérusalem :
pas de possibilité de sortir en voiture, pas de clinique, le lycée
est de l’autre côté du barrage, plus de la moitié des habitants
sont partis et les maisons sont vides.
A l’attention d’une sénatrice impressionnée par
le Mur de séparation.
Le
diable de l’occupation se cache dans les détails. Bien plus que
la décision elle-même d’étrangler ce qui était une banlieue de
Jérusalem et d’emprisonner ses 2 500 habitants sans issue vers
nulle part, aucune voiture ne pouvant sortir, ce qui saute aux yeux
c’est la manière dont Israël choisit de faire cela. Une
pierre du sol criera *. Pas de barrage, pas de clôture, pas de
porte métallique dans les règles, rien sur les plaques
indicatrices, mais seulement trois énormes pierres, un bloc de béton
culbuté là et des monceaux d’ordures déversées un beau jour à
l’entrée du quartier pour ainsi emprisonner ses habitants, comme
du bétail dans un enclos, pas comme des personnes. Au moins autant
que l’emprisonnement lui-même, le spectacle de ces pierres et de
ces ordures jetées là dit tout de l’histoire : le mépris,
l’humiliation et cette attitude arrogante et inhumaine.
Un
tas de pierres et d’ordures barre l’unique route de sortie du
quartier de Cheikh Saad, au sud-est de Jérusalem. Pendant des générations
et dans l’aisance, si l’on en juge par l’aspect de leurs
maisons de pierre et de leurs villas dont les fenêtres s’ouvrent
sur le paysage des collines de Judée, les habitants de ce quartier
ont vécu à tous égards comme des jérusalémites, ayant des liens
familiaux étroits avec les habitants des maisons d’en face, les
maisons du quartier jérusalémite de Jabal Mukkaber, jusqu’à ce
que, il y a environ trois ans, ce bouclage arbitraire soit imposé
au quartier. Depuis lors, on n’y entre pas et on n’en sort pas
à bord d’un véhicule.
Un
quartier sans route d’accès, ni au nord, ni au sud, ni à
l’ouest ni à l’est, excepté le passage, à pied, au barrage de
pierres et d’ordures. Mais là aussi, il arrive que la police des
frontières soit postée pour interdire tout passage, excepté un
accès par le chemin rocailleux et raide qui dévale par l’est,
une « Route de Birmanie » que pourraient peut-être
emprunter chars, chèvres et camions. « C’est
seulement pour les avions », dit un des habitants en
ajoutant un autre moyen de transport. Un quartier sans issue, ni
vers Jérusalem, ni vers Bethlehem, ni vers Israël, ni vers les
Territoires. Des centaines de familles vivent ainsi assiégées à
dix minutes de la capitale.
Israël
a promis aux habitants une route de sortie vers Bethlehem. En
attendant, seul le Mur de séparation se construit ici de tous côtés,
« l’enveloppe de Jérusalem », l’étrangleuse qui se
referme sur les habitants. On n’a pas conduit jusqu’ici la sénatrice
Hillary Clinton qui s’est tellement émerveillée du Mur de séparation.
Sur les 2 500 habitants du quartier, il en reste seulement 900
environ, d’après une évaluation non officielle. Tous ceux qui
ont une carte d’identité bleue [israélienne]
– la majorité des habitants sont parfaitement jérusalémites –
sont déjà partis d’ici, laissant derrière eux leurs biens et le
bien de leurs familles. Beaucoup de ces belles maisons de pierres
avec le désert pour paysage sont maintenant fermées et désertes.
Quartier cossu à louer. Un transfert « volontaire ».
Le
« démon démographique » ? C’est ainsi que
travaille Israël à accroître la proportion de Palestiniens dans
sa capitale. Israël contraint les habitants des banlieues qui ont
été coupés de leur ville à y déménager. Les 1 600 habitants
qui ont fui cette prison sont tous allés à Jérusalem augmenter la
proportion de Palestiniens dans la capitale mixte.
La Renault 5 est une voiture
de survie, ici. Parmi les ruelles emprisonnées sur la colline du
Mauvais Conseil de la Nouvelle Alliance, ces vieilles petites
voitures françaises bondissent, montent et descendent, sautant
comme des grenouilles, transportant des habitants depuis le barrage
de pierres vers toute adresse du quartier et retour, une affaire de
quelques centaines de mètres. Deux trois Renault 5 comme celles-là
forment le parc de taxis du quartier. Leurs conducteurs attendent à
côté du barrage les voyageurs occasionnels, se démènent comme
des sauterelles emprisonnées entre le barrage et la dernière
maison du quartier. Il y a encore l’épave d’une Renault 5 garée
au centre du quartier : stock de pièces de rechange.
Ce
taxi, tout comme les autres taxis du quartier, cela fait des années
qu’il n’est plus allé faire le plein dans une station
d’essence. Il n’y en a pas à Cheikh Saad et il n’y a aucun
moyen d’en atteindre une. On fait donc le plein à l’aide de
jerricanes transportés en partie à pied, en partie en voiture, le
Dalkan local, modèle 2005 [‘Dalkan’ :
système de paiement
informatisé dans les stations essence de la compagnie Delek -
NdT]. C’est comme ça aussi qu’on fait passer les bonbonnes de
gaz, et toutes les autres marchandises : de la farine, du riz,
des matériaux de construction, des médicaments, des pièces de
rechange, un piano, un réfrigérateur, un meuble, dans une voiture
jusqu’au barrage, puis à pied entre les sauterelles de pierre du
barrage et enfin chargement d’une autre voiture. Pareil pour les
malades : on les charge par la méthode de « l’arrière-tourné-vers-l’arrière »,
de l’arrière d’une voiture vers l’arrière d’une autre.
Habitant
du quartier, Hassan Zaatir, faible vieillard de 75 ans, énumère,
assis, le souffle court et avec des difficultés à parler, appuyé
au muret de pierre d’une des maisons, la longue liste de ses
maladies. Quand il a besoin d’un médecin, il se fait transporter
jusqu’au barrage puis implore les conducteurs des voitures qui
sont de l’autre côté de venir le chercher. Ils ne le prennent
pas toujours car dès ce moment, il est considéré comme en séjour
illégal dans sa propre ville. Lorsque ses maladies l’assaillent
au milieu de la nuit, la situation se complique singulièrement :
faites donc le transfert d’un malade vers l’hôpital al-Makassed,
à Jérusalem-Est, en employant, dans l’obscurité de la nuit, la
méthode de « l’arrière-tourné-vers-l’arrière ». « Je suis malade depuis l’année 2000 et maintenant je suis dans une
grande prison », dit-il, à court de souffle. Imaginez une
crise cardiaque ou les contractions d’une femme sur le point
d’accoucher, par une nuit obscure, dans un quartier assiégé,
sans issue.
Il
y a quelques jours, la seule clinique du quartier a fermé, qui déjà
ne travaillait que deux fois par semaines. Mais les malades ne sont
pas les seuls à avoir des difficultés pour sortir : les morts
également. Il y a un an environ, un vieillard est mort et, aux
dires des habitants, des agents de la police des frontières ont empêché
le transfert du corps pour qu’il soit enseveli dans le proche
cimetière de Jabal Mukkaber. Il a fallu discuter pendant deux
heures avant que le transfert du mort ne soit autorisé.
Jabal
Mukkaber, ce sont les maisons d’en face. Là, c’est Jérusalem,
la destination rêvée, alors que Cheikh Saad ce sont les « Territoires »,
lieu de malédiction et du mauvais
conseil, bien que dans la poche de la plupart des habitants se
trouve la carte d’identité bleue qui peut tout. Bleue pour qui
peut : une partie des familles d’ici ont une carte
d’identité bleue, d’autres ont une carte d’identité orange
ou verte, sur la base arbitraire du recensement qui a été réalisé
ici autrefois, fin 1967. Des frères et des sœurs, des époux, des
parents et leurs enfants se retrouvent déchirés. Aux uns la liberté,
aux autres l’état de siège.
Un
beau jour d’octobre 2002, une unité de l’armée de défense
d’Israël est arrivée ici, ainsi que l’a rapporté à l’époque
Dany Rubinstein dans « Haaretz », et a annoncé aux
habitants que deux heures plus tard, leur quartier serait bouclé.
Aux habitants rassemblés à l’entrée du quartier, les soldats
ont abandonné le droit de choisir librement : celui qui le
souhaitait pouvait sortir à tout jamais sa voiture du quartier et
celui qui le souhaitait pouvait l’y laisser, là aussi à tout
jamais. Deux heures plus tard, les pierres ont été balancées là,
auxquelles se sont aussi ajoutés, d’après Hani, le chauffeur
d’un taxi Renault, les monceaux d’ordures amenées ici
directement de l’hôpital Hadassah Ein Karem.
« Ils
nous ont enfermés avec des drogues et des médicaments »,
dit poétiquement le jeune chauffeur qui, emprisonné dans son
quartier, de peintre en bâtiment pour qui ça marchait bien en Israël
est devenu, contre son gré, chauffeur de taxi. Agé de 26 ans et père
de quatre enfants : « Vous
regardez Tom et Jerry ? Tom, c’est l’agent de la police des
frontières et Jerry, c’est nous. On joue au chat et à la souris
pour se rendre au travail. » Et il est vrai qu’à
l’entrée aux pierres, c’est un va-et-vient d’ouvriers et
autres employés qui entrent et sortent en passant au-dessus des
pierres, à moins que n’arrive une jeep de la police des frontières
ou que des soldats soient postés en haut de la nouvelle tour de
guet érigée pour dominer le quartier.
Une
terrifiante tour de béton aux vitres blindées se dresse au-dessus
du barrage de pierres, observant qui entre et sort, comme dans une
caserne. « Au début,
nous avons dit qu’Israël était devenu fou », poursuit
Hani au volant de sa Renault, « Nous
pensions qu’après quelques jours, ils enlèveraient les grosses
pierres, mais ça fait déjà trois ans que ça dure. Jusqu’il y a
trois ans, on disait qu’on était de Jabal Mukkaber. Il n’y
avait pas besoin de dire que nous étions de Cheikh Saad qui est un
quartier de Jabal Mukkaber. Tiens, voilà la police des frontières. »
Une jeep verte, lourde
de mauvais desseins, remonte
depuis la route de sécurité de « l’enveloppe de Jérusalem »
qui se trouve dans la pente. Tous les étudiants au-delà de la
classe de 6e sont contraints de traîner les pieds
jusqu’à Jabal Mukkaber. Les étudiants sont autorisés à passer.
Un berger remonte la vallée à dos d’âne. C’est un habitant
des Territoires et sa sœur est jérusalémite. C’est tombé comme
ça. Il est ici, elle est partie. Le père de Hani est un habitant
des Territoires, son oncle est jérusalémite. L’oncle, Omar Ilaan,
est fier de sa carte d’identité bleue que sa sœur ne possède
pas. C’est pour ça qu’il habite à Jérusalem et qu’elle est
restée. Il vient maintenant pour une visite de famille. Lorsque se
fermeront sur eux toutes les portes et tous les barrages, et que la
muraille de béton de « l’enveloppe de Jérusalem »
remplacera le barrage de pierres, Hani ne sera plus ici. Il compte
passer à Abou Dis, pourtant emprisonné et coupé en deux lui
aussi, mais là du moins il y a un lycée pour ses enfants et une
clinique.
Les
volets de la plupart des maisons sont fermés, les rues sont vides.
Pendant un instant, cela paraît une ville fantôme. De temps à
autre, les propriétaires viennent passer quelques heures à
nettoyer leur maison puis s’en vont. Le beau-frère de Hani, Imad
Ilaan, travaille à Jérusalem. « A
cinq heures et demie, je dois conduire des ouvriers et à sept
heures être prêt au travail. Quand je dors ici, je n’ai pas le
temps d’arriver à l’heure. » C’est pour ça qu’il
a déménagé : « J’ai privilégié le gagne-pain, partir d’ici et commencer une
nouvelle vie. Je me retrouve loin de mes sœurs et de ma famille.
Ils sont à l’intérieur et moi dehors. Même leur rendre visite
est une affaire compliquée. Je termine de travailler à quatre
heures et demie et parfois on vous arrête au barrage, on vous
fouille et déjà la visite est passée. C’est tout simplement une
vraie torture. »
Tous
les habitants que nous avons rencontrés parlent l’hébreu comme
lui. Imad est parti à Beit Safafa. Il préfère rendre visite à
des amis des quartiers de Jérusalem plutôt qu’une visite
cauchemardesque chez ses sœurs dans son quartier natal. C’est
comme ça qu’Israël prescrit aussi les relations à l’intérieur
de la famille.
Il
y a quelques semaines, Imad est venu avec des cadeaux pour la fête.
Un sac en plastic avec des cadeaux pour les proches assiégés. Tout
le monde savait à l’avance que pendant les trois jours de l’Aid
al-Fitr, Israël se ferait plus oppressant et que les agents de la
police des frontières seraient tôt là au barrage de pierres pour
empêcher entrées et sorties, même à pied, comme ça avait été
le cas une semaine plus tôt, à la nuit sainte où, selon la foi,
le Coran est descendu à Mohammed. Il n’y a qu’à l’heure où
les policiers sont partis pour la pause de midi que les habitants
ont pu se faufiler pour rendre visite à leurs familles de Jabal
Mukkaber. Tom et Jerry à Cheikh Saad.
Un
ouvrier, Adel Shakirat, remonte de la vallée. Il revient à pied de
Talpiot-Est où il travaille. Aucune voiture ne s’est arrêtée
pour lui, pas même celles de connaissances. Et maintenant, il se
raille d’eux. Aucun ne veut prendre le risque d’emmener
quelqu'un en séjour illégal, de voir sa voiture confisquée et
d’avoir à payer une amende pouvant s’élever à dix mille
shekels [~ 1800 €]. Alors ils le dépassaient en toute hâte,
l’air de ne pas le voir, même l’oncle de son épouse. Certains
ont klaxonné en guise de bonjour et ont poursuivi leur route, et
lui, il a continué à marcher, une affaire d’une heure et demie,
les jours où il ne pleut pas. Vous savez : la sécurité de
l’Etat.
Shakirat
travaille dans l’entreprise « Ali Shakirat Ltd » de Jérusalem,
qui appartient à ses cousins. Mais eux sont reconnus jérusalémites
et lui pas. Il a un permis d’entrée en Israël mais sa période
de validité s’achevait il y a deux mois et maintenant c’est
bouclé. Agé de 34 ans, quatre enfants : « Que
peut-on faire, c’est la vie ». Il y a un mois, il a tenté
de se rendre au travail à vélo et il s’est fait arrêté à
Katamon. Le policier l’a réprimandé : « Vous n’avez pas de catadioptre et en plus vous êtes des Territoires ».
Le policier l’a laissé poursuivre sa route. De toutes parts s’élèvent
maintenant les voix des muezzins, celui de Jabal Mukkaber, celui de
Cheikh Saad, à l’heure où le berger du quartier rassemble son
troupeau. Image impressionniste d’une beauté et d’une sérénité
imaginaires.
Un
jeune couple s’approche en marchant. Jihad Awisat est né ici et
sa jeune épousée, dont il refuse de donner le nom, est née dans
une maison d’en face. Ils sont cousins, les amoureux, et peut-être
était-ce de leur mariage que parlait Tom Segev, lorsqu’il décrivait,
dans ces pages, il y a quelques semaines, un mariage à Jabal
Mukkaber. Le jeune couple avait organisé deux cérémonies de
mariage, l’une dans les Territoires, l’autre à Jérusalem, des
deux côtés du barrage improvisé pour l’éternité. Lui aussi
est peintre en bâtiment et il passe en douce tous les matins pour
aller travailler à Jérusalem. Deux fois par semaine, en moyenne,
il se lève pour découvrir que la police des frontières est présente
au barrage et c’est alors pour lui une journée de travail perdue.
C’est
Maher Ilaan qui grimpe maintenant, en claudiquant, par-dessus le
barrage. Il travaille à l’entretien de l’hôpital al-Makassed,
avec dans la poche de sa chemise tout un butin de certificats et de
permis. Que n’a-t-il pas ? Une attestation de travail de son
hôpital et un permis émanant de l’administration civile
attestant son appartenance à une « équipe médicale »,
et un permis de l’armée de défense d’Israël et une carte
d’identité et aussi un certificat de l’hôpital Hadassah Ein
Karem : on lui a implanté un pacemaker et ce certificat est
destiné à lui éviter de passer par le détecteur de métaux aux
barrages qui en ont un. Ainsi, avec cette banque d’attestations et
de permis qu’il doit renouveler tous les quelques mois, Maher
Ilaan, ouvrier chargé de l’entretien, peut se rendre à son
travail quotidien à l’hôpital de sa ville. Mais hier, malgré
tous ses permis qui lui donnent permission, il s’est fait arrêter
par une soldate qui lui a, dit-il, parlé grossièrement.
Un
vieillard tout courbé monte à pied pour une visite chez ses
filles, il se cherche un passage entre les pierres du barrage. Elles
ne sont pas autorisées, elles, à lui rendre visite. Lui peut se
rendre chez elles. Abou Rami, lui aussi du quartier, attend à côté
de sa camionnette. On va bientôt lui amener de la marchandise pour
son magasin de matériaux de construction. Pour ceux qui seraient
intéressés, cette camionnette a un tout petit kilométrage :
du barrage au magasin et retour, il y a 100 mètres et aucun moyen
de sortir d’ici. « Je
ne peux pas aller serrer la main de ma sœur qui habite en face,
dans la maison avec la porte bleue. Croyez-moi, ici, ils ont fait
quelque chose qu’on ne fait même pas selon les lois de la jungle »,
dit Abou Rami avant de repartir pour un trajet dans son pick-up 4X4 :
100 mètres jusqu’au magasin et retour au barrage.
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* Cf Habacuc (chapitre 2,
verset 9 à 12) : « Malheur
à qui amasse pour sa maison un bien mal acquis, et rêve d’établir
son nid sur les hauteurs, pour échapper aux coups de l’adversité !
Tu as décrété la honte de ta maison ! En fauchant des
peuples nombreux, tu t’es condamné toi-même. Oui, la pierre
dans le mur crie [contre toi], et
le chevron, dans la charpente, lui donne la réplique. Malheur à
qui bâtit une ville avec le sang et fonde une cité sur l’iniquité ! »
[Trad. sous la dir. de Zadoc Kahn, éd. Colbo - NdT]
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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