Haaretz, 10 novembre 2005
www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=643872
Le
fait s’est produit au mois d’août, dans le sud de la
Cisjordanie. L’emploi des obus au phosphore est limité par la
Convention de Genève.
L’armée
de défense d’Israël utilise lors de ses manœuvres des obus au
phosphore dont le droit international interdit l’usage en zones
habitées.
Il
y a quelques semaines, quatre frères, des bergers bédoins, ont été
touchés par l’explosion d’un obus non éclaté qu’ils avaient
trouvé près de leur maison au sud du Mont Hébron. Fadal Abou
Aram, 17 ans, a succombé à ses blessures plusieurs semaines après
avoir été touché ; son frère Hani, 12 ans, est toujours
dans un état grave, allongé dans la maison familiale à Kfar
Carmel ; Mahmoud, 14 ans, et Youssef, 24 ans, ont également été
blessés par l’explosion.
L’explosion
s’est produite, le 17 août, près des ruines de Jinbah, dans une
région de troglodytes. Aux dires des frères, ils ont trouvé
l’obus à une centaine de mètres de la maisonnette familiale
alors qu’ils revenaient de la grotte pour rentrer chez eux. Il
s’agit d’un obus dont l’enveloppe, qui est conservée dans la
maison de la famille, se dresse à plus d’un mètre de haut ;
apparemment un obus de canon de 155 mm. La zone avait été un champ
de tirs de l’armée israélienne et les membres de la famille qui
en avaient été évacués ont ensuite été autorisés à y
revenir, sur injonction adressée aux autorités par la Cour suprême
dans une ordonnance provisoire. Cependant, l’armée israélienne
n’a pas évacué les munitions non explosées. D’après les
habitants, il en resterait encore sur le terrain. C’est ainsi
qu’un des enfants a aperçu ce gros objet métallique, qu’il a
appelé ses frères et que s’est alors produite l’explosion.
Les
rapports officiels de l’hôpital de Soroka à Beer Sheva, où les
quatre frères ont été emmenés dans un état grave, disent
explicitement qu’il s’agit de blessures dues au phosphore. Dans
le rapport médical de Fadal, les médecins ont écrit :
« … après avoir été blessé par un obus au phosphore »
et dans le dossier de Youssef : « Hospitalisé suite
à un accident faisant intervenir une bombe au phosphore (…) La lèvre
inférieure dégageait une fumée ayant une odeur de phosphore ».
Les
deux mains de Fadal ont été arrachées et il a quitté Soroka dans
un « état général stable ». Pourtant, deux
jours après sa sortie, il a commencé à souffrir de difficultés
respiratoires sévères et il est mort trois semaines plus tard à
l’hôpital El-Ahali d’Hébron après y avoir été transporté
en état de mort cérébrale, suite apparemment à un œdème et à
des brûlures dues au phosphore, au niveau du système respiratoire.
Hani
dont le ventre a été déchiré par l’explosion et chez qui on a
diagnostiqué de multiples lésions et déchirures internes, est
allongé sur le sol de la maisonnette, une poche de drainage reliée
à son ventre, et les douleurs le font gémir encore aujourd’hui.
La main et le visage de Youssef sont carbonisés et son œil a été
touché par l’explosion. Mahmoud présente de profondes cicatrices
dans la partie supérieure du corps. Sur les circonstances de
l’accident, le porte-parole de l’armée de défense d’Israël
a déclaré qu’ « il s’agissait d’un malheureux
accident ».
L’emploi
d’obus au phosphore est interdit par la « Convention
internationale sur les armes incendiaires » signée à Genève
en 1980. La Convention interdit tout usage d’armes incendiaires,
par exemple le phosphore, dans des zones habitées par des civils.
Cette semaine, la chaîne de télévision publique italienne a
diffusé une enquête qui a fait beaucoup de bruit et selon
laquelle, les Etats-Unis ont employé des bombes au phosphore au
cours du siège de Fallouja, en Irak.
Le
porte-parole de l’armée de défense d’Israël n’a tout
d’abord pas répondu aux questions de Haaretz portant sur
l’emploi du phosphore. Hier soir, le porte-parole a transmis une réponse
qui dit ceci : « L’utilisation d’obus au phosphore
n’a lieu que lors des exercices, dans le but de marquer des cibles
et les limites d’un secteur ». Le porte-parole de
l’armée israélienne a ajouté : « A la suite du
compte-rendu de cet accident, ordre a été donné de ratisser la
zone concernée afin de s’assurer qu’il n’y a pas là
d’autres obus de ce genre ni d’autres dangers. S’il devait
s’en trouver, l’armée de défense d’Israël les
neutraliserait afin d’assurer la paix et le bien-être des
habitants de la région ».
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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