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Démarrage du pied droit
Gideon Lévy 



Haaretz, 7 mai 2006

www.haaretz.co.il/hasite/pages/ShArtPE.jhtml?itemNo=713070

 

Amir Peretz a démarré du pied droit dans sa nouvelle fonction : il a, vendredi soir, autorisé le bombardement aérien au cours duquel cinq Palestiniens, hauts responsables des « Comités de Résistance Populaire », ont été tués à Gaza. Ce sont toujours de hauts responsables. De l’un des tués, on nous a dit qu’il était le frère de Moumtaz Dourmich, un des chefs des Comités, responsable de l’attentat avorté au barrage de Karni. Les autres ont, comme d’habitude, été étiquetés de membres des Comités. Ces cinq-là méritaient-ils la mort ? Difficile à savoir. Il est permis de penser que le Ministre de la Défense ne le sait pas non plus. On a fait savoir aux médias que le Ministre avait demandé, avant l’opération, si celle-ci ne toucherait pas à des « innocents » et que, comme il lui avait était répondu qu’ « apparemment non », il avait fait son devoir et autorisé l’attentat. Ce bombardement était-il indispensable ? Evidemment non. Il ne pourra qu’amener une nouvelle réplique palestinienne, dans un cycle sanglant. Ainsi, dès sa première décision sur le plan de la sécurité, Peretz se profile comme le continuateur de Shaul Mofaz. Voilà qui est de bien mauvais augure.

La grande promesse de ce nouveau gouvernement, c’est la nomination de Peretz comme Ministre de la Défense ; elle pourrait aussi en devenir la grosse déception, retentissante. Peretz a la charge de faire la preuve de cette approche enthousiasmante qui veut qu’un civil se faisant l’avocat de la paix et qui n’a pas grandi dans des baraquements militaires, est en mesure de diriger la Défense avec succès. Il serait dès lors difficile d’exagérer l’importance de la mission qui repose sur les épaules du capitaine de réserve et leader ouvrier de Sderot.

Le problème est que si les attentes sont grandes, grands sont aussi les dangers qui le guettent d’entrée de jeu. Contrairement à d’autres nouveaux ministres – comme la Ministre de l’Enseignement Youli Tamir, autre nomination prometteuse – sa première véritable épreuve sera immédiate : examen surprise dès le lendemain du prochain attentat. Une centaine d’heures de grâce et on pourra se rendre compte si cette nomination sortant de la routine porte en elle l’espoir d’autre chose. Les rumeurs de son échec commenceront au matin du lendemain du prochain attentat : « et voilà, ce ministre inexpérimenté n’est pas parvenu à empêcher l’attentat ». Le fait que le terrorisme a dressé la tête précisément sous des généraux plus « expérimentés » que lui, ne sera pas rappelé. Nous savons déjà où nous mènent les « expérimentés » : les tenants du sécuritaire feront du zèle pour l’inciter à « faire quelque chose », ce qui signifie toujours l’exercice de la force sans la moindre mesure, avec pour principe de tirer vengeance et de faire payer. Ce n’est pas seulement que cela ne fera pas « venir à bout » du terrorisme, mais cela produira une nouvelle vague d’effusion de sang.

Le nouveau Ministre de la Défense sera testé sur sa capacité à résister et à ne pas s’empresser de « faire ses preuves » par des choix violents n’ouvrant sur aucun espoir, comme il l’a fait à la fin de la semaine. Peretz, tenté de démontrer qu’il « n’est pas ce que vous croyiez », pourrait être un ministre très dangereux. Il pourrait décider d’une réponse israélienne particulièrement radicale afin de montrer qu’il « n’est pas comme ça ». Si par contre, il fait montre de retenue, d’intelligence et surtout de fermeté dès ses premières décisions, on comprendra, au sein de la Défense, qu’on change de direction et qu’on ne reprend plus les vielles et mauvaises règles du jeu.

Peretz peut faire passer ce message dès demain matin : s’il demande à ses conseillers les chiffres des bombardements de l’armée israélienne sur Gaza. Depuis le désengagement, Israël a, de source militaire, lancé quelque 8000 obus qui ont semé la mort, la terreur et la destruction, en réponse au tir de 545 roquettes Qassam et obus de mortier dont seuls 174 ont été reconnus comme « tirs indubitables », et qui n’ont tué personne. Cette terrifiante démesure doit cesser immédiatement et Peretz doit en donner l’ordre.

Les premiers jours décideront de la suite. Ehoud Barak n’a pas empêché la première destruction de maison palestinienne quelques jours après avoir promis « une aube nouvelle » et « un gouvernement de paix ». L’hirondelle de la destruction de la maison de la famille El-Halassa près de Ma’ale Adoumim annonçait alors un automne de destruction de centaines de maisons et de construction de milliers d’unités d’habitation dans les colonies. Peretz aurait dû démarrer autrement. Tant à l’adresse de l’armée israélienne qu’à l’adresse des Palestiniens, Peretz doit immédiatement faire passer un signe d’humanité et de moralité. C’est aujourd’hui une mission très difficile. L’assassinat à Gaza éveille déjà de lourdes craintes que telle ne sera pas sa voie.

A l’entrée du nouveau ministre, se trouvent embusqués les généraux, les amiraux et aussi les racistes, masqués ou déclarés. Il se murmure déjà que c’était « manquer de responsabilité nationale » que de le nommer à ce poste, étant donnés ses antécédents et son origine. Peretz aura besoin d’une solide dose d’assurance et tout particulièrement de courage pour tenir face à eux. Il devra se rappeler que les généraux ne seront pas les seuls à examiner ses actes et qu’il y aura aussi ses électeurs. Il lui est interdit de prendre pour Loi Révélée toute « évaluation de la situation » et tout « rapport des services de renseignement ». Il découvrira que tous ses conseillers sont prisonniers d’une conception erronée et nuisible et qu’ils ne connaissent qu’un seul langage, celui de la force. Sa tâche sera de s’obstiner : pourquoi avez-vous détruit, pourquoi avez-vous arrêté untel, pourquoi avez-vous bombardé et pourquoi avez-vous installé un barrage, pourquoi avez-vous tué et pourquoi avez-vous blessé ? Toutes questions qui ne sont plus soulevées depuis bien longtemps.

Le chœur des généraux, y compris ceux de son parti, essaiera de réprimer toute tentative de changer de cap. Le chemin est long et difficile, ses chances sont minces mais elles existent. Très vite nous saurons si nous avons un Ministre de la Défense courageux. Ce grand espoir sera-t-il déçu ? Les regards sont maintenant tournés vers Peretz : que surtout il n’en vienne pas à nous convaincre qu’un autre général à l’esprit étroit et brutal, de ceux qui n’ont pas besoin « de faire ses preuves », eût été préférable pour nous à un civil de Sderot, épris de paix et de justice sociale.

(Traduction de l'hébreu : Michel Ghys)


 Source : Michel Ghys


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