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Rentrez chez vous, Mofaz !
Gideon Lévy 



Ehud Olmert doit agir vite. Il faut qu’il trouve un emploi approprié au ministre de la Défense sortant. Autrement, Shaul Mofaz est capable d’annuler la cérémonie du Prix d’Israël, le jour d’Indépendance, comme il a annulé la réception traditionnelle de son ministère - après consultation de ses conseillers, naturellement. Mais avec un peu de courage, Olmert admettra qu’il n’a aucune raison d’attribuer la moindre fonction à Mofaz et que celui-ci doit rentrer chez lui. Maintenant, Mofaz doit s’occuper de sa propre maison, après s’être occupé bien suffisamment des nôtres et de celles de nos voisins.

Il est difficile de comprendre où Mofaz a pu trouver le culot de demander pour lui-même une « indemnisation convenable » pour le portefeuille de la Défense qu’on était en droit de lui retirer. Il est vrai que dans notre culture politique, un portefeuille ministériel représente une jouissance de longue durée et quasiment aucun de nos ministres ne paie personnellement le prix de ses échecs. Mofaz a toujours une place sur le banc des députés de son nouveau parti. A l’instar de Ze’ev Elkin, nouvel élu du Kadima, ou Itzhac Galantee du parti des Retraités, il devrait se renseigner sur ce qu’est le travail parlementaire avant de réclamer une autre fonction ; à la différence de ces deux députés anonymes, Mofaz a déjà causé de grands dégâts à Israël.

Il y a des pays dans le monde où une personne comme Mofaz serait bannie et renvoyée chez elle - à condition qu’elle ait réussi à éviter le tribunal (dans son pays ou à la Cour internationale de La Haye) avec l’accusation de crimes de guerre. Ici, en Israël, on ne saurait l’espérer, mais Olmert - qui cherche le changement - devrait pour le moins laisser Mofaz hors de son gouvernement et se dégager ainsi lui-même d’une obligation sur le plan moral.

Cette tâche est plus facile qu’Olmert peut le croire : Mofaz est privé de tout soutien politique. C’est un ancien chef d’état-major de l’armée qui s’est rabattu sur une fonction politique avant de se faire renvoyer proprement des Forces de défense israéliennes, il a été élu en 11ème position sur la liste du Likoud aux élections précédentes à la Knesset. La Cour suprême lui avait ordonné de démissionner de la Knesset après qu’il ait essayé « de repousser » la date de son renvoi. Mofaz a tenté ensuite de postuler à la fonction de président du Likoud avant les dernières élections et c’est seulement après s’être rendu compte qu’il n’avait aucune chance qu’il a eu le cynisme de quitter le Likoud et de rejoindre le Kadima. Ce n’est pas un personnage politique qui doit faire peur.

Dans une démarche politique pratique, les visées de Mofaz - bien qu’il ne se soit jamais battu pour elles et qu’il se soit toujours rallié aux positions de ses supérieurs - ne font pas de lui un partenaire fidèle pour le plan de convergence d’Olmert. Comme ministre de la Défense, il s’était opposé au désengagement et il s’est aligné à la dernière minute sur la position du Premier ministre, tout en avançant l’idée quelque peu embrouillée de laisser les Forces israéliennes dans Gaza après le retrait pour conserver un « atout dans les négociations ». En tant que chef d’état-major, il avait considéré le retrait du Liban comme un désastre.

Mais l’opportunisme de Mofaz, qui dépasse même les normes de la politique israélienne, n’est pas la raison première pour laquelle Olmert doit le laisser hors de son gouvernement. C’est pour les fruits pourris de sa politique sécuritaire qu’il doit rester en dehors. L’effusion de sang - israélien et palestinien - dont Mofaz est responsable est la véritable mesure de ses réalisations comme ministre de la Défense et cela ne pourra lui être pardonné. Beaucoup sont coupables de brutalités avec l’occupation, mais Mofaz est particulièrement à blâmer.

Pendant les 8 années où Mofaz a dirigé les institutions de la Défense - 4 ans comme chef d’état-major et 4 ans comme ministre de la Défense - il a fait tout ce qu’il pouvait pour faire dérailler toute perspective d’accord avec les Palestiniens. Pas seulement par sa politique inhumaine à l’égard de tout le peuple palestinien, mais aussi par son acharnement systématique à détruire l’Autorité palestinienne et à n’en laisser aucune trace de crainte qu’Israël n’ait un partenaire pour la paix. Mofaz n’est pas seulement responsable d’un nombre incalculable de victimes inutiles mais encore de la destruction de l’infrastructure d’une direction palestinienne modérée. De ce point de vue, le gouvernement Hamas et l’impasse où nous nous trouvons actuellement sont les résultats de sa politique. La personne qui a réclamé la liquidation de Yasser Arafat et a ordonné le bombardement des installations de l’Autorité palestinienne porte la lourde responsabilité de la montée du Hamas, comme alternative. Rien qu’avec cet échec, Mofaz aurait dû, pour en payer le prix, être évincé du cabinet depuis bien longtemps.

Mais il y a encore autre chose, dont nous ne parlons pas souvent : c’est la moralité. Est-ce trop espérer du nouveau et relativement jeune Premier ministre de restaurer cette valeur oubliée dans le lexique ? L’héritage laissé par Mofaz dans les Forces de défense, et via les Forces de défense dans toute la société, est complètement basé sur l’exercice de la force et de la violence. Pendant l’ère Mofaz, l’usage de la force n’a connu aucune limite. Les Forces israéliennes ont tiré, bombardé, liquidé et détruit à un niveau inquiétant et sans précédent. L’image morale d’Israël a été complètement dénaturée et une génération entière a grandi avec un chef d’état-major et un ministre de la Défense sans aucune retenue. La pureté des armes est devenue un concept gênant et archaïque, les Forces de défense ont cessé presque intégralement d’enquêter sur les incidents impliquant des tués, avoir le doigt sur la détente était vraiment à l’ordre du jour. Le sens du commandement de Mofaz a prédominé sur tout.

Que faut-il faire de Mofaz maintenant ? En tant que député, sa place serait à la Knesset. La marque de la honte sur son front n’apparaîtra de façon évidente à la société israélienne que dans une autre génération. En attendant, il ne faut pas qu’il soit ministre. C’est le défi à relever par le Premier ministre provisoire : laisser tomber Mofaz et même dire pourquoi. Dire aux citoyens : " Il n’y a pas de place dans votre gouvernement pour quelqu’un qui est suspecté de crimes de guerre. L’histoire se souviendra de vous pour cela, en vous remerciant grandement."

Gidéon Lévy
Ha’aretz - Jeudi 4 mai 2006 - http://www.imemc.org/content/view/1...
Traduction : JPP


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=2600


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