Un
drapeau noir
Gideon
Lévy
Haaretz, 3
juillet 2006
Version anglaise :
http://www.haaretz.com/hasen/pages/ShArt.jhtml?itemNo=733427
"Un drapeau noir est accroché au-dessus de
l’opération "qui roule" à Gaza. Plus l’opération
"roule," plus le drapeau devient foncé. Les « pluies
d’été » que nous sommes en train de verser sur Gaza ne
sont pas seulement inutiles, mais sont en premier lieu, et d’une
manière flagrante, illégitimes. Il n’est pas légitime de
couper l’électricité à 750.000 personnes. Il n’est pas légitime
de pousser 20.000 personnes à fuir de leurs maisons et à
transformer leurs villes en villes fantômes. Il n’est pas légitime
de pénétrer l’espace aérien de la Syrie. Il n’est pas légitime
de kidnapper la moitié d’un gouvernement et le quart d’un
parlement.
Un Etat qui franchit de telles étapes ne se
distingue désormais plus d’une organisation terroriste. Plus
les étapes sont dures, plus monstrueuses et stupides elles
deviennent, plus les soutiens moraux pour ces étapes
disparaissent et plus forte est l’impression que le gouvernement
israélien a perdu la tête.
(...) Ce que nous faisons maintenant dans Gaza
n’a rien à faire avec la libération du soldat Shalit. C’est
un acte de vengeance à grande échelle, celle que l’armée et
le Shin Bet ont voulu mener depuis un certain temps, surtout motivés
par la frustration profonde des commandants d’armée qui se
sentent impuissants face aux fusées Qassams et les incursions
audacieuses de la guérilla palestinienne. Il y a un espace énorme
entre l’armée lâchant sa frustration et une opération
intelligente et légitime pour libérer le soldat enlevé.
Ce n’est pas un hasard si personne ne mentionne
que le jour d’avant l’attaque du fort de Kerem Shalom, l’armée
a enlevé deux civils, un docteur et son frère, de leur maison à
Gaza. La différence entre nous et eux ? Nous avons enlevé
des civils et ils ont capturé un soldat, nous sommes un état et
ils sont une organisation terroriste. Comme Amos Gilad semblait
ridiculement pathétique quand il a dit que la capture de Shalit
était "illégitime et illégale", à la différence de
quand l’armée saisit des civils à leurs domiciles. Comment un
haut fonctionnaire du ministère de la défense peut-il clamer que
"la tête du serpent" est à Damas, quand l’armée
emploie exactement les mêmes méthodes ?
(...) Quel tumulte y aurait-il eu si les
Palestiniens avaient saisi la moitié des membres du gouvernement
israélien. Comment les étiquetterions-nous ?
La punition collective est illégitime et elle
n’a pas la moindre intelligence. Où les habitants de Beit Hanun
vont-ils courir ? Les journalistes militaires disent qu’ils
"n’ont pas été expulsés" mais qu’il leur a été
"recommandé" de partir, pour le bénéfice,
naturellement, de ceux qui sauvent leurs vies. Et à quoi cette étape
inhumaine mènera-t-elle ? Soutien du gouvernement israélien ?
Leur enrôlement comme informateurs et collaborateurs pour le Shin
Bet ? Les malheureux fermiers de Beit Hanun et de Beit Lahia
peuvent-ils faire quelque chose au sujet des fusées Qassam ?
Est-ce que bombarder un aéroport déjà détruit libérera le
soldat ou était-ce juste pour décorer les titres à la Une ?
Est-ce que quelqu’un a pensé à ce qui se
serait produit si les avions syriens avaient fait tomber un des
avions israéliens qui survolaient cyniquement le palais de leur
président ? Aurions-nous déclaré la guerre à la Syrie ?
Une autre "guerre légitime" ? Est-ce que le
black-out total sur Gaza réduira l’influence du Hamas ou
rassemblera la population autour de lui ? Et même si le
gouvernement du Hamas tombe, comme Washington veut, que se
produira-t’il le jour suivant ? Ce sont des questions pour
lesquelles personne n’a aucune vraie réponse. Comme
d’habitude ici : Tranquillité, nous tirons. Mais cette
fois nous ne tirons seulement. Nous bombardons, obscurcissant et détruisant,
imposant un siège et enlevant comme le plus mauvais des
terroristes et personne ne brise le silence pour demander, diable,
pourquoi et de quel droit ?
(Traduit
par Corinne Grassi - Publié par CAPJPO-EuroPalestine)
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