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Après le Hamas, quoi?
Gershon Baskin (1)
[il semble qu¹à travers l¹opération
de Gaza, Israël ait pour but stratégique de faire tomber le
gouvernement Hamas. Oui, mais après ?]
http://www.jpost.com/servlet/Satellite?cid=1150885912248&pagename=JPost%2FJP
Article%2FShowFull
Jerusalem Post, 4 juillet 2006
Trad. : Gérard pour La Paix Maintenant
La plupart des analystes de la campagne militaire d¹Israël à
Gaza affirment que l¹objectif ultime, au-delà, bien sûr, de la
libération du soldat Gilad Shalit, est d¹abattre le gouvernement
du Hamas.
L¹arrestation de plus de 80 ministres, députés et militants, ce
qui a poussé dans la clandestinité la grande partie de sa
direction à Gaza, est destinée à ôter au gouvernement de l¹Autorité
palestinienne toute existence et toute fonctionnalité. Certains médias
israéliens ont même émis l¹hypothèse que des dirigeants du
Fatah soutiendraient les mesures israéliennes, censées
démanteler le leadership du Hamas. Israël, pour sa part, a
annoncé que personne "impliqué dans le terrorisme" ne
bénéficierait d¹une quelconque impunité, et que même le
premier ministre Ismail Haniyeh pourrait être une cible légitime.
Devant ces arrestations, la communauté internationale est restée
muette. Les tentatives de faire condamner Israël par le Conseil
de sécurité ont échoué.
Les Etats-Unis et la plupart des pays européens ont exprimé leur
inquiétude face aux initiatives israéliennes, mais rien de plus.
Cela ne veut pas dire que les réactions seraient les mêmes si
Israël devait assassiner Haniyeh ou d¹autres dirigeants du
Hamas.
Alors que le ministère israélien des affaires étrangères prétend
ne pas faire de distinction entre les branches militaire et
politique du Hamas, les services du renseignement militaire et le
Shin Bet parlent tous de branches distinctes qui obéissent à des
commandements séparés. Selon eux, Haniyeh n¹a aucune influence
sur l¹aile militaire du Hamas. Et il y en a même qui doutent de
l¹autorité du leader politique à Damas, Khaled Mesh¹al sur
cette branche militaire. En tout cas, Mesh¹al affirme qu¹il n¹en
a pas.
Il est probable que l¹attaque contre la base de Kerem Shalom n¹a
pas été commanditée par Mesh¹al et le politburo de Damas. Mesh¹al
n¹en a été probablement été informé qu¹après coup, et l¹a
exploitée pour gagner de l¹influence à Gaza. Il ne fait aucun
doute que l¹enlèvement de Shalit est très populaire chez les
Palestiniens, qui voient en lui le seul espoir de faire libérer
leurs prisonniers (environ 10.000) des prisons israéliennes.
Ils savent qu¹Israël a cédé face au Hezbollah et à son chef
Hassan Nasrallah, et qu¹il a échangé des centaines de
prisonniers pour récupérer les corps de trois soldats. Alors,
pourquoi ne pas espérer qu¹un soldat vivant produise de
meilleurs résultats ?
Israël est piégé. Si l¹armée et le renseignement sont
incapables de localiser la cachette des ravisseurs, et si un raid
militaire pour libérer Shalit ne peut être entrepris, l¹option
de la négociation devient tout à fait réelle. Mais si Israël négocie
avec les ravisseurs, on peut être
certain que des enlèvements se répéteront chaque semaine. Cela
étant donné, Israël a entrepris d¹abattre le gouvernement du
Hamas. Cela sonne bien, et aurait très certainement l¹assentiment
de Washington, mais qu¹arrivera-t-il une fois que le gouvernement
du Hamas aura été renversé?
Le président Abbas peut-il prendre le pouvoir ? Peut-il déclarer
l¹état d¹urgence et nommer un gouvernement Fatah ? Se
trouverait-il un seul Palestinien pour penser que ce gouvernement
a une véritable légitimité ?
Israël peut-il pénétrer et réoccuper les territoires et
prendre la responsabilité de les gouverner ? Israël est-il prêt
à demander à la communauté internationale d¹intervenir et d¹assumer
les responsabilités d¹un gouvernement ? La communauté
internationale est-elle prête à le faire ?
La réponse à toutes ces questions est non.
Si Israël fait tomber le gouvernement du Hamas, le scénario le
plus plausible sera celui de l¹anarchie et du chaos. Personne ne
pourra faire régner l¹ordre, et personne ne sera en sécurité :
ni les Palestiniens, ni les Israéliens.
L¹enlèvement de Gilad Shalit a pris au même piège la direction
du Hamas, Abbas et Israël. Personne ne veut y être et personne
ne sait comment en sortir. Israël aimerait exploiter la situation
pour obtenir des gains militaires contre d¹autres cibles telles
que les roquettes Qassam, mais une invasion militaire de Gaza sur
une grande échelle ne peut atteindre cet objectif. Certains
dirigeants israéliens de droites comme Effie Eitam ont proposé d¹exterminer
toute la direction du Hamas. D¹autres, y compris le maire de
Sderot Eli Moyal, frustré à juste titre, ont proposé de rendre
invivables Beit Hanoun et Beit Lahya [ville et camp de réfugiés
de la bande
de Gaza proches de la frontière avec Israël, d¹où sont tirées
la plupart des roquettes]. Ehoud Olmert et Amir Peretz auraient
probablement de meilleurs sondages s¹ils adoptaient cette
politique folle et contraire aux valeurs morales du judaïsme, et
Israël se condamnerait encore davantage à une impasse sans
aucune issue.
Ce qui est tragique dans cette situation politique, c¹est que
tous les leaders, pour le moment, apparaissent comme perdants.
Olmert, Peretz, Abbas et même Haniyeh. Même Khaled Mesh¹al, qui
au début a vu sa popularité monter en flèche, essentiellement
parce que les Israéliens lui ont attribué plus de crédit qu¹il
n¹en méritait pour l¹attaque contre Kerem Shalom, est aujourd¹hui
perdant, parce qu¹en réalité, il ne contrôle pas grand-chose
sur le terrain, à Gaza ;
A court terme, le plus important est de ramener Gilad Shalit sain
et sauf à la maison. A plus long terme, il est très important de
conserver des chances de rebâtir de la stabilité et la porte
ouverte à de futures négociations.
Sans stabilité et sans retour à la négociation, il ne peut y
avoir aucune "convergence", et Israël sera condamné à
conserver des territoires dont il ne veut plus.
Il est très intéressant de noter qu¹en hébreu, il n¹existe
pas de mot pour désigner une "désescalade", ce qui
explique peut-être la difficulté de la concevoir et de la mettre
en oeuvre. Des deux côtés, on a besoin d¹une échelle pour
descendre de ses positions. Le seul scénario qui puisse sauver
des vies (y compris celle de Gilad Shalit) est de trouver un moyen
de parvenir à un cessez-le-feu bilatéral qui comprendrait une
libération de prisonniers. La libération des prisonniers
pourrait être liée au respect du cessez-le-feu et non à l¹enlèvement.
Le fait de tuer des centaines de Palestiniens, même s¹ils
soutiennent le Hamas, n¹aidera en rien la position
stratégique d¹Israël. Si le Hamas est mis à genoux, Israël
aura face à lui le Jihad islamique et al-Qaida, ou pire. Tuer des
Palestiniens ou les humilier n¹a jamais produit une modération
du côté palestinien. Il y a encore une chance, sans garantie,
mais prendre le risque d¹un cessez-le-feu qui libérerait Shalit
paraît le meilleur prix à payer face à toute autre solution.
(1) Gershon Baskin est le co-directeur israélien de l¹IPCRI (Israel/Palestine
Center for Research and Information). http://www.ipcri.org
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