http://www.haaretz.com/hasen/spages/629038.html
Ha'aretz, 26 septembre 2005
Trad. Gérard pour LPM
"Si vous avez besoin d'un voleur, faites-le descendre de l'échafaud.
Ce proverbe peut s'appliquer aujourd'hui au député palestinien
Marwan Barghouti, condamné à perpétuité. Sa libération de
prison pourrait sauver la mise à Mahmoud Abbas et au Fatah lors des
élections prévues fin janvier.
Cela est encore plus vrai compte tenu de la situation sécuritaire
ce week-end, qui a vu l'exacerbation des luttes de pouvoir entre les
différentes factions palestiniennes, alors que le Hamas semble
prendre le contrôle de la bande de Gaza.
Malgré tout le respect dû aux arguments moraux et juridiques
concernant Barghouti, le facteur essentiel ici tient aux
circonstances politiques. Dans le climat israélien actuel, sa libération
est quasiment impossible : les luttes de pouvoir à la tête de l'Etat
empêcheront les ministres de soutenir une pareille proposition. Néanmoins,
il est important de noter que, par le passé, dans d'autres
circonstances, des gouvernements israéliens ont libéré des
prisonniers bien pires que Barghouti, comme le leader du Hamas,
Sheikh, Ahmed Yassine, et plus de 1.000 terroristes, dont plusieurs
centaines étaient des assassins condamnés à perpétuité. dans le
cadre d'un échange avec Ahmed Jibril. Sans parler de négociations
et de partenariats diplomatiques que certains gouvernements israéliens
ont mis en oeuvre, y compris actuellement, avec des commanditaires
et des planificateurs d'attentats qui ont occupé et occupent
toujours des positions clés au sein de l'Autorité palestinienne.
Et tous ceux-là ne valent pas mieux que Barghouti.
Il ne fait aucun doute que Barghouti est la personnalité du Fatah
qui jouit de la plus grande popularité auprès de la rue
palestinienne. Depuis sa condamnation, c'est lui qui, sans
discontinuer, atteint les cotes de popularité les plus hautes après
Mahmoud Abbas. Même Mahmoud Zahar, le leader du Hamas, se situe
en-dessous. Lors d'un sondage réalisé en mai 2005, la cote de
Barghouti a baissé, à cause du retrait de sa candidature contre
Abbas aux élections, mais même alors, ses partisans étaient plus
nombreux que ceux de Zahar.
Bien sûr, il est probable que la popularité de Barghouti ait à
voir avec le fait qu'il est incarcéré dans une prison israélienne.
Mais il existe d'autres prisonniers célèbres, comme Wassam Hader,
de Naplouse, lui aussi député au parlement palestinien, mais son
nom n'est jamais cité parmi les
prétendants à des positions de pouvoir.
Dans les médias palestiniens, on parle souvent de Barghouti. Tous
les lundis et jeudis, il signe des déclarations politiques qui sont
publiées en première page des journaux. Il reçoit les visites de
Palestiniens et d'autres, occupant d'importantes fonctions, qui
viennent fréquemment le consulter. Il a des gens qui travaillent
pour lui depuis la prison, et il intervient dans les affaires
publiques. Certains hommes politiques, qui préparent les listes de
candidats dans la perspective des élections législatives déclarent
qu'ils sont disposés à le placer en tête de liste.
Les élections sont prévues pour la fin janvier, et au sein du
Fatah, la confusion et les turbulences sont grandes. Yasser Arafat a
laissé un vide immense, et il n'y a plus de patron. Arafat avait
mis en place un régime centralisé pour l'OLP et surtout pour le
Fatah, et Abbas n'a pas l'intention de l'imiter. Nasser Youssouf, le
ministre de l'Intérieur, n'arrive pas à prendre le contrôle de
l'appareil de sécurité, qui est devenu un agrégat de milices privées.
A côté d'eux, un certain nombre de bandes armées et de bandits prétendent
parler au nom du Fatah. Au milieu de tout cela, il y a une rivalité
très dure entre les vétérans de Tunis et la jeune garde, dont le
leader indiscutable est Barghouti. La vieille garde de Tunis,
membres du comité central du Fatah, approchent aujourd'hui des 70
ans et refusent de céder la place. Ils méprisent Barghouti, le
traitent de puéril et de débutant, mais ils savent que le danger
vient de lui.
Barghouti a une réputation d'incorruptible, ce qui n'est pas le cas
de beaucoup d'autres au sein des instances dirigeantes du Fatah.
L'opinion palestinienne l'apprécie pour cela, et pas seulement
parce qu'il est emprisonné en Israël en tant qu'ingénieur
de l'intifada; (comme on le nomme
parfois). C'est peut-être le seul qui puisse conduire le Fatah à
la victoire sur le Hamas.
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