Palestine - Solidarité

   


 
Les Palestiniens espèrent récolter les fruits du retrait, 
si les Israéliens ne les laissent pas pourrir

Chris McGreal
 


The Guardian

"Mohammed Badel caressait ses plants de tomates tout en disant que les Israéliens n’auraient pas pu faire mieux. Il y a deux mois, M. Badel a été arraché de sa retraite pour transformer des milliers d’acres de serres héritées du retrait israélien de Gaza en une entreprise palestinienne modèle. L’ingénieur agricole avec des décennies d’expérience en Arabie saoudite, Jordanie et les territoires occupés, s’est demandé si cela serait faisable..."

Le succès commercial des récoltes de tomates et de poivrons pourrait être anéanti par les frontières fermées.

...En partant après 38 années d’occupation, les colons ont dépouillé tous les systèmes de chauffage et refroidissement, d’irrigation et parfois même les serres elles-mêmes. Et une fois l’armée partie, des dizaines de milliers de Palestiniens ont pillé les colonies détruites, emportant tout ce qui était vendable ou utilisable y compris les boites de jonction électriques, les valves d’eau, les bâches en plastique et les filets. Certains d’entre eux ont brisé les vitres des serres juste pour détruire toute chose associée à Israël.

« Quand les colons sont partis, nous avons estimé que deux tiers des serres pouvaient encore être utilisés pour planter » dit M. Badel. « Une semaine plus tard, après que les Palestiniens aient tout endommagé, j’estime que seuls 40% sont encore utilisables ».

« Nous avons obligé nos travailleurs et nos ingénieurs à travailler 24 heures sur 24. Nous avons utilisé les mêmes techniciens et certains des ouvriers agricoles qui travaillaient pour les colons. Nous avons récupéré ces sites le 22 septembre et nous devons expédier par bateau nos premières récoltes en Europe en fin de mois. Inshallah (que Dieu veuille).

Et qu’Ariel Sharon le veuille aussi. Alors que les Palestiniens se préparent à faire entrer la première récolte de tomates et de poivrons, leur succès final dépend du contrôle israélien sur le passage de sortie principal des cargos hors de la Bande de Gaza pour atteindre les marchés d’exportation d’Europe.

Le poste de Karni a été la cible d’attaques palestiniennes et l’armée israélienne a fait pression sur la population de Gaza avec des bouclages fréquents et un nombre limité de passages. Si la question n’est pas résolue bientôt, les Palestiniens risquent de n’avoir rien d’autre à montrer de leurs efforts à part des tonnes de légumes et de fruits pourrissants et des contrats européens annulés.

Depuis le retrait israélien de Gaza, une moyenne de 12 camions de marchandises ont traversé Karni chaque jour. La Banque mondiale estime que pour que l’économie progresse, au moins 150 camions doivent passer chaque jour.

« Nous avons des accords d’exportation pour 80% de nos récoltes avec des exportateurs vers l’Europe et pour le marché israélien. Les récoltes de première qualité partent en Europe et celles de deuxième qualité en Israël » dit M. Badel en nous guidant à travers les rangées de maïs doux et de tomates cerise remplissant les serres dans ce qui était auparavant la colonie de Netzarim. Les habitations des colons sont maintenant en ruines. Les serres nécessitent de nouvelles bâches en plastique et des filets sur les vieux cadres ainsi que des canalisations d’irrigation.

« Tout dépend de Karni et que les Israéliens n’en fassent pas un conflit politique. Si les camions restent coincés là pendant des jours comme cela se fait actuellement, ce sera la fin du commerce. Pour réussir à exporter des produits agricoles, vous devez les cueillir un certain jour pour qu’ils soient déjà le lendemain sur les étagères. Le temps et la qualité sont encore plus importants que l’argent » dit M. Badel.

L’Autorité palestinienne a hérité de 330 hectares de serres dont environ les deux tiers sont maintenant plantés procurant environ 4 000 emplois.

La Banque mondiale américaine et l’envoi spécial au Moyen-Orient, James Wolfensohn, ont pressé Israël d’ouvrir le point de passage sans interruption et à pleine capacité pour permettre aux Palestiniens de remplir leurs contrats avec les acheteurs d’outre-mer, contrats qui peuvent décider de la réussite ou de l’échec des serres. Après des semaines de blocage de la part des Israéliens, Nigel Roberts, le représentant de la Banque Mondiale pour les territoires occupés, a servi de médiateur dans les conversations en début de semaine. Il dit qu’Israël a donné son accord pour mettre fin à la pratique des fermetures de Karni et des autres points de passage frontaliers utilisés comme moyen de punition contre la population de Gaza pour les attaques suicide et celles de missiles des groupes armés palestiniens.

« Les Israéliens ont indiqué de façon plus explicite qu’ils ne l’avaient fait auparavant, qu’ils n’avaient plus l’intention de fermer ces passages à moins d’une menace sécuritaire dans un des passages » a-t-il dit.

Mais arriver faire fonctionner Karni à pleine capacité sera un défi. « Malheureusement c’est maintenant une course contre la montre parce que nous avons perdu 9 semaines pendant lesquelles il n’y a eu aucune discussion sur ce sujet et cela signifie que nous n’avons que deux semaines avant la rentrée des récoltes. Cela sera beaucoup plus difficile d’arriver à pleine capacité au bon moment » dit-il.

Les Palestiniens sont obligés d’exporter en passant par Israël parce que le gouvernement Sharon s’oppose à la réouverture de l’aéroport international de Gaza et qu’il n’y a toujours pas d’accord concernant la construction d’un port sur la mer.

Le succès commercial des serres n’est pas le seul enjeu. Israël a dépeint la capacité de l’Autorité palestinienne à gouverner Gaza et ses 1.2 millions d’habitants, (y compris les mesures pour faire revivre son économie qui s’est réduite de plus d’un tiers ces cinq dernières années), comme un test décisif destiné à prouver si elle est capable ou non de diriger un état indépendant. La Grande Bretagne et les USA ont également dit qu’ils considéraient l’administration de Gaza comme un exercice de gouvernance en vue de l’obtention d’un statut d’Etat.

Mais les quelques semaines à venir sont aussi un test vis-à-vis des intentions d’Israël. Elle dit qu’elle veut que Gaza soit un succès économique et a poussé des hommes d’affaires étrangers à investir dans le territoire. L’Autorité palestinienne a investi environ 10 $ millions sur la reconstruction des serres et 5 $ millions sur les plantations. Si elle réussit à amener les récoltes au marché, elle s’attend à un retour sur investissement de 22 $ million la première année. Les colons gagnaient environ 100 $ million par an. Si les serres sont un succès, l’Autorité palestinienne espère les privatiser malgré le fait qu’il y a peu de chance qu’il y ait des acquéreurs tant que Karni reste un obstacle.

« Les perspectives à court terme pour Gaza impliquent aussi la capacité de faire rentrer beaucoup de marchandises de développement alors que les perspectives de croissance à moyen terme pour Gaza sont directement affectées par le fonctionnement ou le non fonctionnement de ces frontières » dit M. Roberts. « Les frontières doivent fonctionner efficacement et évidemment de façon sûre s’il y a la moindre chance de reconnaissance économique ici. La prévisibilité ou un manque de prévisibilité tue particulièrement le commerce. Si vous ne pouvez pas satisfaire à vos commandes à temps cela ne vaut même pas la peine d’essayer. Quelqu’un qui vous passe une commande d’Espagne ou de France a beaucoup d’autres producteurs possibles qui peuvent garantir que les marchandises arriveront à temps. »

Salah Abdel Shafi, un conseiller économique pour l’administration palestinienne, dit que tandis que beaucoup de choses dépendent politiquement du succès des serres, en fin de compte l’agriculture à Gaza n’a que peu de futur.

« A long terme, il n’y a pas de futur pour l’agriculture à cause des problèmes d’espace et d’eau. Si nous regardons l’économie palestinienne dans son ensemble, l’agriculture devrait se concentrer plus en Cisjordanie ».

« A Gaza nous dépendons des services de secteur, du tourisme et de l’industrie légère. Mais le fait de faire revivre les serres est important afin d’établir la façon avec laquelle Gaza fera dans le futur du commerce » dit-il.

Chris McGreal - The Guardian
Gaza, 13 novembre 2005, - The Guardian : http://www.guardian.co.uk/israel/St...
Traduction : Ana Cléja

 


 Source : CCIPPP
 http://www.protection-palestine.org/article.php3?id_article=1742


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