Barah Mikaïl, chercheur
à l’IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques),
spécialiste du Proche-Orient, analyse la situation dans la région
suite au regain de violences de ces derniers jours. Il vient d’écrire
«La politique étrangère émricaine» aux éditions Dalloz.
Le
premier attentat-suicide palestinien intervenu depuis l’élection
du nouveau Premier ministre israélien Ehud Olmert a été perpétré
lundi 17 avril à Tel-Aviv. Faut-il s’attendre à la reprise du
cycle de violences israélo-palestinien ?
Les violences n’ont jamais
cessé sur le terrain, et c’est pourquoi il convient de parler
d’une continuation des violences plutôt que de leur éventuelle
reprise. Bien que moins médiatisées, un grand nombre d’opérations
militaires israéliennes ont eu lieu dans les Territoires
palestiniens ces derniers mois, avant comme après l’élection
d’Ehud Olmert, et ont causé la mort de nombreux Palestiniens.
On ne peut exclure une volonté de la branche militaire du Djihad
islamique, qui a revendiqué cet attentat, d’arriver ainsi à
une visibilité politique. Chercher à qui attribuer la
responsabilité première de l’ensemble de cette situation, et
raisonner en termes d’attaques et de représailles, ne permettra
en rien de trouver des solutions concrètes à ce réel enfer israélo-palestinien.
Les violences sont malheureusement devenues une banalité au
quotidien.
Le
gouvernement palestinien, composé de membres du Hamas, a déclaré
« comprendre » cet attentat du Djihad islamique. Le Hamas
joue-t-il la carte de la provocation ?
Le Hamas s’est
effectivement gardé de condamner cet attentat, ce qui se révèle
logique si l’on s’attarde sur le « pedigree » de ce
mouvement. Non seulement cette formation, qui tire sa force
actuelle du plébiscite des Palestiniens en sa faveur en janvier
dernier, a besoin de légitimer un type d’opérations auxquelles
elle a elle-même souvent recouru jusqu’à peu ; mais, de plus,
il s’agit pour elle de faire passer le message selon lequel les
attentats-suicide ne pourront connaître de fin durable tant que
les incursions militaires israéliennes se doubleront d’une
colonisation accrue des Territoires palestiniens. Ce à quoi le
gouvernement israélien oppose le fait que la lutte efficace
contre le terrorisme reste le préalable à toute reprise de négociations
bilatérales. N’oublions cependant pas que le gouvernement
palestinien n’est pas représenté par les seuls membres du
Hamas ; Mahmoud Abbas, le Président de l’Autorité
palestinienne issu du Fatah, a condamné pour sa part cet attentat
qu’il a qualifié de « sordide ». Le gouvernement palestinien
est bicéphale dans les faits, ce qui bien sûr n’aide en rien
à obtenir une position unanime de sa part. Or, le fait que le Président
palestinien, qui a prouvé sa modération depuis les années 1970,
n’ait pas obtenu grand-chose des Israéliens suite à son élection
en janvier 2005, est une des clés explicatives du « vote Hamas
» exprimé par les Palestiniens en janvier 2006, dont le
radicalisme politique est aujourd’hui manifeste.
L’Union
européenne et les Etats-Unis ont opté, dans l’immédiat, pour
l’amputation de l’aide attribuée à l’Autorité
palestinienne, limitant leurs subsides aux seules organisations
humanitaires agissant sur le terrain. Cette stratégie pourra-t-elle
pousser le Hamas à renoncer à ses options radicales ?
C’est possible, mais il
faut bien remarquer que c’est plutôt l’effet contraire qui a
été obtenu pour l’heure. Le Hamas a en effet profité des
menaces accrues de sanctions économiques agitées à son encontre
pour se retourner vers des alliés régionaux dont la souplesse et
la conciliation sont loin d’être la principale caractéristique.
Ainsi va-t-il de l’Iran, qui vient d’annoncer l’octroi de 50
millions de dollars à l’Autorité palestinienne. Mais on notera
que le Qatar, proche allié américain, a aussi décidé d’agir
de la sorte, reprenant ainsi à son compte une décision de la
Ligue arabe confirmée lors du Sommet de Khartoum de mars 2006.
Dans ce contexte, on voit que seules les solutions de type
politique, symbolisées par l’encouragement des deux parties à
reprendre les négociations, pourront encourager les conditions
d’une accalmie de fait sur le terrain. Les sanctions économiques
telles qu’elles se profilent pour l’heure ont en effet de
fortes chances de toucher les civils palestiniens en premier lieu,
et d’amputer près de 150 000 fonctionnaires de leurs salaires
mensuels. Dans ce cas, on peut douter que les Palestiniens
appelleront à un délaissement par le Hamas de ses prérogatives
gouvernementales. Au vu des tendances actuelles observables sur le
terrain, ils seraient en effet alors beaucoup plus enclins à
afficher une solidarité de corps avec les membres de leur
gouvernement. Ce qui éloignerait d’autant les perspectives pour
une paix durable.
Barah Mikaïl / Yahoo !
Actualités / 20 avril 2006
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