Haaretz, 30 novembre 2005
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Version
anglaise : www.haaretz.com/hasen/pages/ShArtVty.jhtml?sw=hass&itemNo=651686
Il ne fait pas partie du rôle de Sean Connery de
savoir qu’un joueur de football de Kfar Kassem, par exemple, peut
jouer à Barcelone avec ses coéquipiers de Rafah mais pas dans son
propre village ni à Rafah
Même
celui qui ne comprend absolument rien au football ne peut ignorer
son importance dans la vie des Palestiniens. Par conséquent,
l’initiative doublée d’un battage médiatique qu’a lancée le
« Centre Peres pour la Paix », de former une équipe de
football israélo-palestinienne pour jouer face à Barcelone, et à
Barcelone, paraît naturelle, logique. D’autant que, d’après le
communiqué de presse du Centre, celui-ci a fait se rencontrer
depuis trois ans de jeunes joueurs israéliens et palestiniens. A la
télévision, l’annonce de ce match s’accompagnait d’un
message de paix. Si des Israéliens et des Palestiniens jouent dans
la même équipe, c’est le signe que la paix est possible entre
les peuples. Shimon Peres qu’on attend avec l’acteur Sean
Connery à la tribune des invités, est l’homme qui convient pour
vendre ce symbole.
S’il
s’était agi de l’initiative d’un magnat et financée par lui,
ou de l’initiative d’un club européen de football, on aurait pu
dire que l’organisation de la rencontre de Palestiniens et d’Israéliens
dans une même équipe de football comme celle-là était un bel
emballage en cellophane. Un particulier, fût-il fortuné, n’est
pas tenu de savoir qu’un jeune footballeur de Gaza qui peut se
rendre à Barcelone ou à Tel Aviv sous l’égide d’un projet bénéficiant
du tapage adéquat, n’est pas autorisé à aller jouer au football
à Jénine ou à Hébron. Parce qu’Israël interdit aux habitants
de Gaza de sortir pour se rendre en Cisjordanie et inversement, sauf
cas tout à fait exceptionnels, après bien des tribulations
administratives et souvent même seulement si les demandeurs ont de
bons rapports avec des institutions comme le « Centre Peres
pour la Paix » et d’anciens hauts responsables de la Sécurité
générale (Shabak).
Un
club européen de football n’est pas censé entrer dans la masse
fastidieuse des détails des limitations méthodiquement imposées
depuis 15 ans par Israël aux déplacements des Palestiniens. Les
Israéliens eux-mêmes ne prennent pas la peine de s’instruire de
ces détails. Pourquoi un tel club saurait-il quelque chose de ces
dix étudiants de Gaza en kinésithérapie qui se battent, dans les
méandres juridiques, pour leur droit d’étudier à Bethlehem mais
que les autorités israéliennes refusent de laisser sortir pour de
mystérieux motifs sécuritaires ? Pourquoi l’acteur Sean
Connery saurait-il que les footballeurs de Kfar Kassem, par exemple,
peuvent jouer à Barcelone avec leurs coéquipiers de Rafah et de
Tulkarem, mais pas dans leur village ni à Rafah ou Tulkarem ?
Il ne fait pas partie du rôle de Sean Connery de savoir qu’Israël
interdit l’entrée d’Israéliens, y compris arabes, dans les
territoires de l’Autorité Palestinienne ou que des organisations
des droits de l’homme et des avocats travaillent pendant des mois
et parfois des années face au Ministère de la Défense et à
l’armée de défense d’Israël afin de permettre à des
Palestiniens de sortir pour des soins médicaux, des questions
familiales ou d’études – et même pas toujours avec succès.
Par
contre, lorsque l’initiateur du match est un Centre qui porte le
nom d’un leader politique, il ne s’agit pas d’un simple
emballage. Quand le marketing du match est fait par ce même éminent
politicien qui a été, pendant de longues années, de ceux qui ont
façonné cette politique imposant des limitations draconiennes aux
déplacements des Palestiniens, l’emballage de cellophane est
destiné à cacher quelque chose, à offrir une image inverse de la
réalité. Il s’agit alors d’une supercherie.
En
permanence ont lieu, entre Israéliens et Palestiniens, des
rencontres qui présentent un potentiel et une base pour des
relations pacifiques et cela sans les fonds et les voyages de
relations publiques autour d’un match de football : lors des
manifestations communes aux abords de la clôture de séparation,
lors des actions de « Machsom Watch » et de « Yesh
Din », lors des tournées hebdomadaires de Médecins des
Droits de l’Homme dans des villages palestiniens. Car pour
qu’une rencontre israélo-palestinienne porte un message sincère
de paix, elle doit avoir pour point de départ la reconnaissance
qu’il s’agit de rapports entre un occupant et un occupé, et que
la fin de ces rapports-là constitue une condition préalable à la
paix.
La
situation d’occupation n’a pas touché à son terme avec la
signature des accords d’Oslo et avec le désengagement [de Gaza]
en dépit des efforts formidables (et couronnés de succès à un
point catastrophique) des gouvernements israéliens de la présenter
comme telle. Mais les ministres de l’Union Européenne semblent chérir
leur amour pour l’emballage en cellophane et pour celui qui en
fait le marketing, et ils jettent au loin le contenu amer. Ce
contenu qui leur a récemment été présenté dans le rapport détaillé
des consuls de Jérusalem et de Ramallah dans lequel ils mettent en
garde que la politique d’Israël à Jérusalem (dont Peres a été
et apparemment sera encore le partenaire) détruit les espoirs de
parvenir à un accord définitif. Entendez : un accord de paix.
(Traduction
de l'hébreu : Michel Ghys)
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